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14/03/2019 | FRANCE | N°17BX02029

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 14 mars 2019, 17BX02029


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté en date du 18 février 2016 par lequel le maire de Decazeville a interdit la circulation des vélos en contre-sens de circulation, dans certaines voies classées en " zone 30 " de deux rues de la commune, et d'enjoindre au maire de prendre un arrêté mettant en place un double sens de circulation pour les vélos dans ces même rues.

Par une ordonnance n° 1601768 du 10 janvier 2017, la présidente de la 4ème chambre du tribun

al administratif de Toulouse a rejeté, sur le fondement des dispositions du 4°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté en date du 18 février 2016 par lequel le maire de Decazeville a interdit la circulation des vélos en contre-sens de circulation, dans certaines voies classées en " zone 30 " de deux rues de la commune, et d'enjoindre au maire de prendre un arrêté mettant en place un double sens de circulation pour les vélos dans ces même rues.

Par une ordonnance n° 1601768 du 10 janvier 2017, la présidente de la 4ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté, sur le fondement des dispositions du 4°) de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, la demande de M.A....

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 30 juin 2017, le 6 novembre 2017 et le 20 septembre 2018, M.A..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance de la présidente de la 4ème chambre du tribunal administratif de Toulouse du 10 janvier 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté en date du 18 février 2016 par lequel le maire de Decazeville a interdit la circulation des vélos en contre-sens de circulation, dans les voies classées en " zone 30 " suivantes : la rue Cayrade, pour la partie comprise entre la place Wilson et la rue du Maréchal Foch, et la rue du IV septembre ;

3°) d'enjoindre au maire de Decazeville de prendre un arrêté mettant en place un double sens de circulation pour les vélos, rue Cayrade, pour la partie comprise entre la place Wilson et la rue du Maréchal Foch, d'une part, et rue du IV septembre, d'autre part, dans le délai de deux mois à compter du jugement à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Decazeville une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'irrecevabilité d'une demande pour défaut d'intérêt pour agir ne peut être sanctionnée par une ordonnance prise sur le fondement du 4°) de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ;

- outre ses qualités de contribuable, d'électeur, ainsi que d'élu municipal de la commune de Decazeville, il habite dans une commune limitrophe et il est usager habituel, notamment en tant que cycliste et à raison de plusieurs fois par semaine, des deux voies de circulation objets de l'interdiction en cause ; il est également propriétaire depuis 2005 d'un appartement à Decazeville, de type T2 situé avenue Victor Hugo ;

- en sa qualité d'occupant futur d'un logement dont il est propriétaire et qui est situé au coeur du secteur de Decazeville desservi par l'une des deux rues, la rue Cayrade, il doit être considéré comme ayant un intérêt à agir suffisant à l'encontre dudit arrêté ;

- l'arrêté est entaché d'un défaut de motivation en fait ;

- aucun motif de sécurité n'est invoqué à l'appui de l'arrêté d'interdiction.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 septembre 2017 et le 8 février 2018, la commune de Decazeville, prise en la personne de son maire en exercice, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce que la cour mette à la charge de M. A... une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- une requête irrecevable pour défaut d'intérêt pour agir peut être rejetée par une ordonnance prise sur le fondement des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ;

- en qualité d'élu au conseil municipal de Decazeville, M. A...ne dispose pas d'un intérêt pour agir dès lors que l'acte attaqué ne porte atteinte ni au statut de l'assemblée délibérante ni aux prérogatives de ses membres ;

- l'acte attaqué n'ayant pas pour effet d'entraîner une charge pour les finances locales, la qualité de contribuable ne suffit pas non plus pour justifier d'un intérêt pour agir ;

- M. A...ne peut invoquer la qualité d'électeur, dont il ne justifie pas à la date de l'arrêté, dès lors que l'acte attaqué ne concerne pas les élections ; il ne rapporte pas la preuve d'une atteinte directe et certaine à sa situation dès lors qu'il ne réside pas à Decazeville et il ne justifie pas être un usager habituel des voies de circulation faisant l'objet de la règlementation contestée ;

- la circonstance que M. A...habitera l'appartement dont il est propriétaire dans le futur ne suffit pas non plus à lui donner qualité pour agir ;

- contrairement à ce que soutient M.A..., l'arrêté pouvait être pris après le 1er janvier 2016 en application du décret n° 2015-808 du 2 juillet 2015 ;

- l'interdiction énoncée ne revêt pas un caractère général et absolu dès lors qu'elle concerne deux voies de circulation ;

- l'interdiction de la circulation des cycles à contre-sens de la circulation est circonstanciée compte tenu des aménagements urbains réalisés et de l'étroitesse des voies de circulation.

Par ordonnance du 21 septembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 24 octobre 2018 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la route ;

- le décret n° 2015-808 du 2 juillet 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès ;

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public ;

- et les observations de MeB..., représentant M.A..., et de MeD..., représentant la commune de Decazeville.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 18 février 2016, le maire de Decazeville a interdit la circulation des vélos en " contre-sens de circulation " dans certaines voies classées en " zone 30 " et plus précisément rue Cayrade, dans sa partie comprise entre la place Wilson et la rue du Maréchal Foch, et rue du IV septembre. M. A...relève appel de l'ordonnance n° 1601768 du 10 janvier 2017, par laquelle la présidente de la 4ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de cette décision comme manifestement irrecevable, sur le fondement des dispositions du 4°) de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, au motif qu'il ne justifiait pas d'un intérêt pour agir.

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, les premiers vice-présidents des tribunaux et des cours, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours et les magistrats ayant une ancienneté minimale de deux ans et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller désignés à cet effet par le président de leur juridiction peuvent, par ordonnance (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens. " Les requêtes manifestement irrecevables qui peuvent être rejetées par ordonnance en application de ces dispositions sont, d'une part, celles dont l'irrecevabilité ne peut en aucun cas être couverte, d'autre part, celles qui ne peuvent être régularisées que jusqu'à l'expiration du délai de recours, si ce délai est expiré et, enfin, celles qui ont donné lieu à une invitation à régulariser, si le délai que la juridiction avait imparti au requérant à cette fin, en l'informant des conséquences qu'emporte un défaut de régularisation comme l'exige l'article R. 612-1 du code de justice administrative, est expiré. En revanche, ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de permettre un rejet par ordonnance lorsque la juridiction s'est bornée à communiquer au requérant, en lui indiquant le délai dans lequel il lui serait loisible de répondre, le mémoire dans lequel une partie adverse a opposé une fin de non recevoir. En pareil cas, à moins que son auteur n'ait été invité à la régulariser dans les conditions prévues à l'article R. 612-1 du code de justice administrative, la requête ne peut être rejetée pour irrecevabilité que par une décision prise après audience publique.

3. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Decazeville a soulevé devant le tribunal administratif de Toulouse la fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt pour agir de M. A.... La présidente de la 4ème chambre du tribunal a communiqué les écritures en défense de la commune de Decazeville à M.A.... Toutefois, cette communication ne comportait aucune invitation faite au demandeur de régulariser sa demande ni aucune indication sur les conséquences susceptibles de s'attacher à l'absence de régularisation de sa demande dans le délai imparti. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'en se fondant sur le 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative pour rejeter la demande de M. A...comme manifestement irrecevable, la présidente de la 4ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a commis une erreur de droit qui justifie l'annulation de son ordonnance. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M.A....

4. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise les textes dont il est fait application et énonce les circonstances de fait, notamment l'existence d'aménagements urbains et l'étroitesse des rues, qui justifient l'interdiction de circulation. Par suite, et contrairement à ce que soutient M. A..., l'arrêté est suffisamment motivé en droit et en fait.

5. En deuxième lieu, l'article R. 412-28-1 du code de la route dans sa rédaction issue du décret n° 2015-808 du 2 juillet 2015, qui prévoit que : " lorsque la vitesse maximale autorisée est inférieure ou égale à 30 km/ h, les chaussées sont à double sens pour les cyclistes sauf décision contraire de l'autorité investie du pouvoir de police ", est entré en vigueur le 1er janvier 2016 et le maire de la commune pouvait légalement prendre un arrêté le 18 février 2016 pour restreindre les possibilités de circulation des vélos sur une partie de la rue Cayrade et de la rue du IV septembre, restriction qui, contrairement à ce que soutient le requérant, ne revêt pas un caractère général et absolu dès lors qu'elle est limitée à ces deux voies de circulation.

6. En troisième et dernier lieu, compte tenu de la configuration des lieux, et notamment de la largeur des voies en cause et des risques qui pourraient résulter notamment du croisement des véhicules et des vélos, ainsi que de la présence d'une courbe et de plusieurs intersections, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'interdiction de circulation des vélos à contre-sens de la circulation automobile pour des motifs de sécurité dans une partie de la rue Cayrade, sur 250 mètres, et rue du IV septembre sur environ 300 mètres, laquelle constitue l'accès des pompiers et ambulances vers l'hôpital, serait disproportionnée au regard du but poursuivi et porterait une atteinte excessive à la liberté de circulation. En outre, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que la réalisation d'aménagements de voirie permettrait d'assurer la sécurité des cyclistes et des autres usagers de la voie publique.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande, que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 18 février 2016 du maire de Decazeville.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

8. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. A...sur leur fondement. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de ce dernier une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Decazeville au titre de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1601768 du 10 janvier 2017 de la présidente de la 4ème chambre du tribunal administratif de Toulouse est annulée.

Article 2 : La demande de M. A...et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : M. A...versera à la commune de Decazeville une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et à la commune de Decazeville.

Délibéré après l'audience du 7 février 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 mars 2019.

Le rapporteur,

Jean-Claude PAUZIÈSLe président,

Catherine GIRAULTLe greffier,

Virginie MARTYLa République mande et ordonne au préfet de l'Aveyron en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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No 17BX02029


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX02029
Date de la décision : 14/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Police - Police générale - Circulation et stationnement - Réglementation de la circulation.

Procédure - Jugements - Composition de la juridiction.

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Questions générales - Devoirs du juge.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PAUZIÈS
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CHAMBARET

Origine de la décision
Date de l'import : 20/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-03-14;17bx02029 ?
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