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21/02/2019 | FRANCE | N°17BX00020

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 21 février 2019, 17BX00020


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...E...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la délibération en date du 27 février 2014 par laquelle le conseil municipal de Sylvanès a décidé de faire procéder à l'alignement individuel du domaine communal avec la parcelle B 77, propriété de M. Ayral, l'arrêté d'alignement du 11 mars 2014 entre le domaine communal et la parcelle B 77 et la décision du conseil municipal du 4 novembre 2010 ayant décidé de procéder à la reconstruction d'un mur situé sur une parcelle communa

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Par un jugement n° 1402212, 1402229 et 1402636 du 17 novembre 2016, le tribu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...E...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la délibération en date du 27 février 2014 par laquelle le conseil municipal de Sylvanès a décidé de faire procéder à l'alignement individuel du domaine communal avec la parcelle B 77, propriété de M. Ayral, l'arrêté d'alignement du 11 mars 2014 entre le domaine communal et la parcelle B 77 et la décision du conseil municipal du 4 novembre 2010 ayant décidé de procéder à la reconstruction d'un mur situé sur une parcelle communale.

Par un jugement n° 1402212, 1402229 et 1402636 du 17 novembre 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté les trois demandes de M.E....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 janvier 2017 et le 12 juin 2017, M. D... E..., représenté par Me C...qui a substitué MeF..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 17 novembre 2016 ;

2°) d'annuler la décision du conseil municipal de la commune de Sylvanès du 4 novembre 2010 ;

3°) d'annuler la délibération du conseil municipal de la commune de Sylvanès du 27 février 2014 ;

4°) d'annuler l'arrêté d'alignement de la commune de Sylvanès du 11 mars 2014 ;

5°) d'enjoindre à la commune de Sylvanès de supprimer le mur sur 2 mètres de hauteur et de rétablir l'accès initial à la parcelle communale, au besoin sous astreinte ;

6°) de condamner la commune de Sylvanès à lui verser une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement a été rendu en méconnaissance des dispositions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative dès lors que dans le cadre du litige n° 1402636, le rapporteur public, en se bornant à indiquer " rejet au fond ", n'a pas porté à la connaissance du requérant, par l'intermédiaire du site internet " Sagace ", l'ensemble des éléments du dispositif de la décision qu'il comptait proposer à la formation de jugement d'adopter ;

- le tribunal ne pouvait estimer que les trois requêtes présentaient à juger des questions connexes et limiter son intérêt pour agir à une seule requête ; la connexité implique en effet des rapports étroits entre des litiges, par la similitude ou la dépendance ; il en va de même de l'intérêt à agir, le litige étant global et formant un tout indivisible ; l'intérêt à agir du requérant devait être reconnu pour les trois demandes présentées ;

- la qualité de contribuable lui confère un intérêt à agir contre les décisions ayant des effets directs sur les finances ou les ressources de la collectivité ; le juge ne pouvait prendre en compte le montant des travaux engagés pour estimer qu'il ne justifiait pas d'un intérêt suffisamment direct pour contester l'alignement individuel du domaine communal avec la parcelle B 77 ; les travaux de reconstruction du mur et l'alignement individuel du domaine communal constituent deux opérations interdépendantes et indissociables ; le tribunal ne pouvait limiter son intérêt à agir à la seule requête n° 1402636 alors que le montant de l'opération globale de travaux engagée par la commune représentait 15 % de sa capacité annuelle d'autofinancement ;

- les qualités de propriétaire, voisin, et usager de la voirie communale et départementale lui confèrent indéniablement intérêt à agir contre l'alignement individuel du domaine communal ;

- les travaux de reconstruction du mur sur le domaine public on été rétroactivement et fictivement inscrits à la séance du conseil municipal du 4 novembre 2010 alors qu'aucune délibération relative à ces travaux n'a été prise à l'occasion de cette séance ;

- la parcelle B77 sur laquelle a été reconstruite le mur objet du présent litige et qui jouxte le domaine public communal n'est autre que la propriété d'un conseiller municipal, M. Ayral qui a siégé au sein du conseil municipal lors de la séance du 4 novembre 2010 en méconnaissance des dispositions de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales ;

- le tribunal a estimé dans son jugement que la décision de reconstruction du mur n'avait donné lieu à aucune délibération du conseil municipal, à aucun procès-verbal du conseil municipal, à aucun compte-rendu du conseil municipal, à aucune publication, ni à aucun affichage ; les formalités substantielles auxquelles sont soumis les actes pris par les communes ont été méconnues (absence d'affichage du compte rendu ; absence de transmission au contrôle de légalité) ; l'absence de délibération, de compte rendu et de procès-verbal du conseil municipal préalables privent en réalité de base légale les travaux exécutés en l'espèce par la commune ;

- la réalisation du mur empêche l'accès à la route départementale 540 ; l'accès a été modifié et aboutit à la création d'une voie publique de 1 mètre seulement de largeur empêchant l'utilisation rationnelle du domaine public ; la totalité de la surface dédiée au domaine public est, par voie de conséquence, devenue inaccessible au public par l'édification d'un ouvrage qui se prétendait une reconstruction d'un mur de hauteur 1,70 mètre et qui aboutit à un domaine public inaccessible, car exhaussé de 2,70 mètres ;

- la commune a procédé à la création d'une voie publique sans respecter la procédure et notamment l'article L. 141-3 du code de la voirie routière qui prévoit la réalisation d'une enquête publique préalable ; aucune enquête publique n'a été réalisée ;

- la commune ne pouvait prendre en charge les travaux de réalisation du mur, qui constitue un mur de soutènement protégeant la route départementale n° 540 ; les travaux devaient pris en charge par le département ;

- la délibération du 27 février 2014 par laquelle le conseil municipal de Sylvanès a décidé de faire procéder à l'alignement individuel du domaine communal avec la parcelle B77, propriété de M. Ayral n'a fait l'objet d'aucune enquête publique préalable ;

- M. Ayral, conseiller intéressé était présent lors du vote de cette délibération en violation des dispositions de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales ;

- les conseillers municipaux n'ont pas été informés du plan d'alignement ni de la nature réelle de l'opération envisagée par la commune ;

- la commune est dans l'incapacité de démontrer que la réalisation de la " terrasse publique " alléguée, jamais votée ni exposée comme projet aux habitants, est d'intérêt communal ; il est à l'inverse établi que la propriété des époux Ayral bénéficie nécessairement de ce fait d'une plus-value indéniable, qu'une expertise judiciaire pourrait précisément chiffrer si la cour l'estimait nécessaire ;

- la délibération en date du 27 février 2014 indique qu'une précédente décision du conseil municipal aurait mandaté le maire pour demander conseil auprès d'un géomètre expert pour réaliser l'alignement envisagé, alors qu'il n'en est rien ;

- les travaux d'alignement n'ont pas été inscrits au budget communal préalablement à leur réalisation ;

- l'arrêté d'alignement du 11 mars 2014 vise à officialiser un accès au domaine public communal qui n'a jamais existé ;

- en suivant la procédure d'alignement alors que la commune a procédé à la création d'une voie publique, la commune a commis un détournement de procédure ;

- le plan local d'urbanisme de la commune ne permet pas la réalisation d'une voie publique de 1 mètre de large en bordure de la parcelle B 77 ;

- l'arrêté d'alignement attaqué n'est pas un acte recognitif car il crée une voie publique d'un mètre de large qui se substitue à la voie préexistante de 3 mètres de large ;

- la commune ne saurait, en la matière, pouvoir arguer de l'impossibilité de démolition de l'ouvrage public illégal mal implanté, en application du principe général du droit suivant lequel " nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ".

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2017, régularisé le 5 avril 2017, la commune de Sylvanès prise en la personne de son maire, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que la cour mette à la charge de M. E...une somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le fait que le tribunal administratif de Toulouse ait considéré qu'il y avait lieu de juger les trois requêtes par une seule décision en raison du caractère connexe de leur objet n'empêchait pas pour autant ladite juridiction d'examiner l'existence ou non d'un intérêt à agir du requérant pour chacune de ces 3 requêtes, dont les objets bien que connexes restent différents ;

- les deux opérations, la reconstruction du mur, d'une part, et l'alignement communal, d'autre part, ne constituaient pas des opérations interdépendantes et indissociables à telle enseigne que la réalisation de la première aurait impliqué nécessairement la réalisation de la seconde ;

- le requérant ne peut additionner le montant des deux budgets, 6 387,14 euros pour la construction du mur et 920,40 euros pour l'alignement individuel en parvenant à la somme globale de 7 307,54 euros, pour prétendre qu'il se serait agi d'une opération globale entraînant une dépense d'une importance telle pour la commune qu'elle lui conférerait un intérêt à agir ; le caractère pour le moins modique eu égard au budget communal de la seule opération d'alignement d'un montant de 920,40 euros ne confère donc pas à M.E..., en sa qualité de contribuable, un intérêt direct suffisant pour contester la délibération du 27 février 2014 procédant à l'alignement individuel du domaine communal avec la parcelle B 77 et de l'arrêté du 11 mars 2014 en découlant ;

- le requérant ne peut évaluer la capacité d'autofinancement de la commune sur un compte d'exploitation alors que ce compte d'exploitation, bien évidemment, ne fait pas apparaître des réserves financières confortables de la commune, conséquence de la bonne gestion financière depuis plusieurs années ;

- s'agissant de l'alignement individuel, le requérant n'a pas intérêt pour agir dès lors que d'une part l'alignement individuel n'est pas créateur de droit, d'autre part l'alignement individuel concerne la délimitation entre la voie communale et la parcelle B 77 appartenant aux consorts Ayral et enfin la décision de la commune de faire procéder à un alignement individuel ne peut faire grief à quiconque ;

- un alignement individuel peut intervenir même en l'absence de plan d'alignement ; dans ce cas, l'alignement individuel se borne à constater la limite de la voie publique au droit de la propriété riveraine ;

- M. E...ne peut se prévaloir de la qualité de voisin dans la mesure où sa parcelle n° 67 n'est en rien contigüe mais bien éloignée de la parcelle B 77 comme le laisse apparaître le plan cadastral ; le fait que M. E...se prévale de la qualité d'usager de la voirie communale ne peut lui conférer qualité pour contester la délibération du 27 février 2014 procédant à l'alignement individuel du domaine communal avec la parcelle B 77 et de l'arrêté du 11 mars 2016 en découlant puisqu'il doit être précisé une nouvelle fois que la parcelle B 77 n'est pas contigüe à la voirie communale ;

- sur la délibération du 4 novembre 2010, le mur litigieux a été reconstruit sur le domaine communal et non sur la parcelle B77 propriété de M. Ayral ;

- même si la réunion du conseil municipal au cours de laquelle il a été décidé, le 4 novembre 2010, de construire le mur litigieux n'a pas donné lieu à la rédaction d'un procès-verbal, il ressort des pièces du dossier que cette question a bien été débattue en séance du conseil municipal et que la décision existe, révélée par la construction du mur ; l'absence de compte-rendu, de publication et d'affichage et le défaut de transcription sur le registre des délibérations restent sans influence sur la légalité de la décision prise ;

- contrairement à ce que prétend M.E..., et comme le confirment les témoignages et la configuration des lieux, la partie de terrain soutenue par le mur litigieux n'a jamais servi d'accès public ; le nouveau mur est exactement au même endroit que l'ancien ouvrage et il est plus haut de manière à soutenir en totalité la parcelle supérieure sur laquelle a été créée une terrasse publique, ledit accès étant aménagé en la partie supérieure de la parcelle et en limite de la parcelle B 77 ; le mur ne modifie pas l'accès au domaine public ; cette circonstance n'était pas par elle-même de nature à entacher d'illégalité la délibération du 4 novembre 2010 ;

- les travaux litigieux ont eu essentiellement pour effet de transformer la parcelle en cause en terrasse de 15 m² accessible par les seuls piétons ; il n'y a pas eu création d'une nouvelle voie publique ;

- les travaux ont consisté à réaliser une terrasse sur le domaine public et ils ne peuvent se circonscrire à la seule édification d'un mur situé à l'aplomb d'une voie publique ;

- M. E...ne justifie pas d'un intérêt pour agir à l'encontre de la décision du 4 novembre 2010 par laquelle la commune a décidé de construire ou de reconstruire le mur litigieux et de créer la terrasse publique ;

- il ne pourra être fait droit à la demande d'injonction de M. E...dès lors que la démolition du mur érigé serait contraire à l'intérêt général ; le mur est indispensable puisqu'il assure la sécurité de la voie publique et supporte la terrasse publique accessible aux piétons nouvellement créée ;

- sur la délibération du 27 février 2014, s'agissant d'un alignement individuel la réalisation d'une enquête publique n'est pas nécessaire ;

- si M. Ayral a pris part au vote de la délibération, la décision de procéder à cet alignement présentait un intérêt général pour la collectivité communale, et il n'est pas établi que la délibération aurait procuré un quelconque avantage à M. Ayral ;

- il s'évince du contenu même de la délibération que les conseillers municipaux ont été pleinement informés de la nature de la décision prise, consistant à faire procéder à un alignement individuel, et qu'il ne peut y avoir eu confusion ; le conseil municipal était pleinement éclairé sur cette question, sur laquelle il avait déjà statué dans sa séance du 13 février 2014 ;

- à l'époque où le budget communal de l'année avait été voté, la nécessité d'effectuer ces travaux d'alignement n'était pas apparue et ces travaux d'alignement n'avaient pas encore été décidés ;

- sur l'arrêté du 11 mars 2014, aucune voie publique n'ayant été créée, le moyen tiré du détournement de procédure et de la méconnaissance du plan local d'urbanisme seront écartés.

Par ordonnance du 24 mai 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 18 juin 2018 à 12h.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la voirie routière ;

- le décret n° 2009-1702 du 30 décembre 2009 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,

- et les observations de M.E....

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Sylvanès a décidé de réaliser des travaux de réfection d'un mur situé sur une parcelle de la commune le long de la route départementale 540, au carrefour d'une voie communale montant vers le hameau de Rigal. Cette parcelle est située en contrebas d'une parcelle cadastrée B 77 et en continuité d'une parcelle B 76 appartenant à M. et Mme Ayral. M. E..., propriétaire d'une parcelle cadastrée section B n° 67 plus haut dans le hameau de Rigal, estimant que la construction du mur empêchait l'accès à la parcelle communale, a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la délibération en date du 27 février 2014 par laquelle le conseil municipal de Sylvanès a décidé de faire procéder à l'alignement individuel du domaine communal avec la parcelle B 77, propriété de M. Ayral, l'arrêté d'alignement du 11 mars 2014 entre le domaine communal et la parcelle B 77 et la décision du conseil municipal du 4 novembre 2010 ayant décidé de procéder à la reconstruction d'un mur situé sur la parcelle communale. M. E...relève appel du jugement n° 1402212, 1402229 et 1402636 du 17 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse, après avoir joint les trois demandes, a rejeté l'ensemble de ses conclusions.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne. (...) ".

3. La communication aux parties du sens des conclusions, prévue par ces dispositions, a pour objet de les mettre en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré. En conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public. En revanche, s'il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l'appréciation qu'il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu'appelle, selon lui, le litige, et notamment d'indiquer, lorsqu'il propose le rejet de la requête, s'il se fonde sur un motif de recevabilité ou sur une raison de fond, et, de mentionner, lorsqu'il conclut à l'annulation d'une décision, les moyens qu'il propose d'accueillir, la communication de ces informations n'est toutefois pas prescrite à peine d'irrégularité de la décision.

4. En l'espèce, il ressort du relevé de l'application " Sagace " que le sens des conclusions du rapporteur public a été porté à la connaissance des parties le 25 octobre 2016 à 16 heures, pour une audience qui s'est tenue le 27 octobre 2016 à 14 heures. En indiquant aux parties, près de quarante-huit heures avant l'audience, qu'il conclurait au rejet au fond de la requête n° 1402636 de M.E..., le rapporteur public devant le tribunal administratif de Toulouse les a informées, de manière suffisante et dans un délai raisonnable avant l'audience, du sens de ses conclusions en indiquant les éléments du dispositif de la décision qu'il comptait proposer à la formation de jugement d'adopter. Ainsi, il résulte de ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que le jugement a été rendu en méconnaissance des dispositions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative.

Sur la recevabilité des demandes enregistrées au tribunal administratif de Toulouse sous les n° 1402212 et n° 1402229 :

5. Les premiers juges ont retenu que si en sa qualité de propriétaire résidant dans le hameau de Rigal de la maison cadastrée n° 67 et contribuable communal, M. E...justifiait, en ces qualités, d'un intérêt à contester la légalité de la " délibération " du 4 novembre 2010 par laquelle le conseil municipal a décidé de procéder à la reconstruction du mur de soutènement de la parcelle B 77 appartenant à M. Ayral pour un montant de 6 387,14 euros, eu égard au montant des travaux engagés, il ne justifiait pas d'un intérêt suffisamment direct, en ces qualités, pour contester la délibération du 27 février 2014 procédant à l'alignement individuel du domaine communal avec ladite parcelle et l'arrêté du 11 mars 2014.

6. La jonction des trois demandes pendantes devant la même juridiction ne peut avoir d'influence sur le sens des décisions à prendre sur chacun des recours. Par suite, la circonstance que le tribunal ait décidé de joindre les trois demandes de M. E...au motif qu'elles portaient sur des questions connexes n'empêchait pas les premiers juges de statuer de manière différente sur la recevabilité de chacune des demandes.

7. Lorsque la délibération d'un conseil municipal emporte une perte de recettes ou des dépenses supplémentaires, le contribuable de cette commune n'est recevable à en demander l'annulation pour excès de pouvoir que si les conséquences directes de cette délibération sur les finances communales sont d'une importance suffisante pour lui conférer un intérêt pour agir. M. E... invoque sa qualité de contribuable communal pour contester la délibération du 27 février 2014 et l'arrêté d'alignement du 11 mars 2014. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces décisions aient eu un effet négatif sur les finances locales, le montant des frais occasionnés par la réalisation d'un plan d'alignement par un géomètre expert ne s'élevant qu'à la somme de 940,20 euros. Si M. E...soutient en outre que le coût des travaux de réfection du mur pour un montant de 6 387,14 euros doit également être pris en compte pour apprécier son intérêt pour agir en qualité de contribuable communal, cette qualité ne peut être retenue, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal, que pour admettre l'intérêt pour agir de M. E...à l'encontre de la décision approuvant la réalisation de ces travaux.

8. Enfin, si M. E...invoque sa qualité de voisin et d'usager du domaine public communal, il est constant que l'arrêté ne porte pas alignement au droit de sa parcelle. Par ailleurs, la modification de l'accès du public à la parcelle ne résulte pas de l'arrêté d'alignement, qui se borne à constater un état de fait, mais des travaux qui avaient été réalisés préalablement, lesquels ne se bornent pas à consolider les pierres menaçant de s'effondrer sur la route départementale, mais surélèvent la construction en aménageant à son sommet une terrasse de 15 m² accessible par les piétons par un passage d'un mètre de large en limite haute de la parcelle B 77, en lieu et place d'un talus pentu couvert de végétation et de ronces dans lequel il parait difficile d'identifier un passage piéton parallèle à la route. Le nouvel accès piéton, étroit et inaccessible aux véhicules, ne peut être regardé, contrairement à ce qu'il soutient, comme la création d'une voie publique. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a opposé à M. E...une absence d'intérêt pour demander l'annulation de ces décisions.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision d'exécuter des travaux :

9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales : " Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l'affaire qui en fait l'objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires ". Il résulte de ces dispositions que la participation au vote permettant l'adoption d'une délibération d'un conseiller municipal intéressé à l'affaire qui fait l'objet de cette délibération, c'est-à-dire y ayant un intérêt qui ne se confond pas avec ceux de la généralité des habitants de la commune, est de nature à en entraîner l'illégalité. De même, sa participation aux travaux préparatoires et aux débats précédant l'adoption d'une telle délibération est susceptible de vicier sa légalité, alors même que cette participation préalable ne serait pas suivie d'une participation à son vote, si le conseiller municipal intéressé a été en mesure d'exercer une influence sur la délibération.

10. M. E...soutient que M. Ayral, propriétaire de la parcelle B 77 mitoyenne de la parcelle communale, siégeait au sein du conseil municipal et a pris part au vote de la décision décidant la réalisation des travaux de reconstruction du mur. Ainsi que le reconnaissent les membres du conseil municipal dans l'attestation rédigée le 13 février 2014, la construction du mur n'a donné lieu à aucune délibération formalisée, et ils précisent également que le projet a été adopté à l'unanimité des membres lors de la réunion du conseil municipal du 4 novembre 2010. S'il est constant que M. Ayral a participé à cette séance du conseil municipal et a voté en faveur du projet, il ne ressort pas des pièces du dossier que le mur litigieux construit sur une parcelle communale apporte une quelconque plus-value à la propriété de M. Ayral, ni que celui-ci ait exercé une influence afin que les travaux prennent en compte son intérêt personnel.

11. M. E...soutient en deuxième lieu que les travaux ont été réalisés de manière irrégulière dès lors qu'ils n'ont pas été approuvés par une délibération du conseil municipal, que la séance du conseil municipal au cours de laquelle a été décidée la réalisation des travaux n'a fait l'objet ni d'un procès verbal ni d'un compte rendu, que les conseillers municipaux n'avaient pas été préalablement informés du projet de reconstruction du mur, et que la décision de réaliser les travaux n'a fait l'objet d'aucune publicité et n'a pas été transmise au contrôle de légalité.

12. Toutefois et d'une part, une décision administrative peut être révélée par la réalisation d'un fait matériel et ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, la décision approuvant la réalisation du mur est révélée par la construction du mur.

13. D'autre part, il ressort de la délibération du 13 février 2014 et de l'attestation signée par l'ensemble des conseillers municipaux que ce sujet avait bien été inscrit à l'ordre du jour et débattu en séance. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales doit être écarté. Par ailleurs, l'absence de compte-rendu du conseil municipal, de publication et d'affichage ainsi que le défaut de transcription sur le registre des délibérations sont sans influence sur la légalité de la décision du 4 novembre 2010.

14. Enfin, aux termes de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. (...) ". Le défaut de transmission d'un acte pris par une autorité communale au représentant de l'Etat est sans incidence sur sa légalité et fait seulement obstacle à ce qu'il devienne exécutoire. L'article L. 2131-2 du même code dispose que : " Sont soumis aux dispositions de l'article L. 2131-1 les actes suivants : / 1° Les délibérations du conseil municipal (...) ; / 4° Les conventions relatives (...) aux marchés (...), à l'exception des conventions relatives à des marchés et à des accords-cadres d'un montant inférieur à un seuil défini par décret (...) ". Il ressort des pièces du dossier que le montant des travaux de reconstruction du mur s'est élevé à la somme de 6 387,14 euros, inférieure au seuil applicable en l'espèce fixé par l'article 6 du décret n° 2009-1702 du 30 décembre 2009. Dans ces conditions, le contrat en application duquel ont été exécutés les travaux de reconstruction du mur litigieux n'avait pas à être transmis au contrôle de légalité. Par suite, M. E...n'est pas fondé à soutenir que l'absence de délibération, de compte rendu et de procès-verbal du conseil municipal préalables priveraient de base légale les travaux exécutés par la commune.

15. En troisième lieu, M. E...fait valoir que les travaux litigieux ont pour effet d'empêcher l'accès au " domaine public " et que la réalisation des travaux conduit à la réalisation d'une voie nouvelle permettant l'accès au domaine public d'un mètre de large, plus étroite que l'accès existant avant la réalisation des travaux. Il ressort des pièces du dossier et notamment des photographies produites ainsi que des témoignages d'habitants de la commune que la partie du terrain communal concernée par la réfection du mur entreprise par la commune était constituée d'un talus délaissé, à déclivité sur ses deux côtés, et que compte tenu de sa configuration, de sa pente et de sa quasi inaccessibilité, cette parcelle contiguë aux numéros B 76 et B 77 n'a jamais été utilisée par les habitants du hameau. Dans ces conditions, M. E... n'est pas fondé à soutenir que la construction du mur édifié par la commune a eu pour effet de le priver d'un accès à la parcelle communale ou de réduire l'accès à cette parcelle par la création d'une voie nouvelle plus étroite, ce qui au demeurant n'est pas en soi un motif d'illégalité.

16. En quatrième lieu, dès lors que, ainsi qu'il a été dit au point précédent, les travaux litigieux n'ont pas consisté à créer une nouvelle voie publique, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 141-3 et R. 141-4 à 10 du code de la voirie routière relatifs à l'enquête publique sont inopérants.

17. En cinquième lieu, s'il est constant que le mur litigieux est à l'aplomb de la route départementale D 540 et que sa présence évite la chute de matériaux qui pourraient provenir du fonds qui la surplombe, l'emprise de ce mur est située sur une parcelle communale et il n'est ni soutenu ni même allégué que la commune n'en serait pas propriétaire. Par suite, M. E...n'est pas fondé à soutenir que la commune ne pouvait prendre en charge les travaux de réfection du mur litigieux.

18. En sixième et dernier lieu, si M. E...soutient que la réalisation de ces travaux entrainent une plus value de la propriété riveraine de M. et Mme Ayral, le détournement de pouvoir ainsi suggéré n'est pas établi.

19. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de faire droit à la demande d'expertise sollicitée, que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté l'ensemble de ses demandes.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

20. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de M.E..., n'implique aucune mesure d'exécution. Ses conclusions en ce sens doivent, par suite, être rejetées.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

21. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. E...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Sylvanès présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...E..., à la commune de Sylvanès et à M. et Mme A...Ayral.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

M. David Terme, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 février 2019.

Le rapporteur,

Jean-Claude PAUZIÈSLe président,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au préfet de l'Aveyron, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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No 17BX00020


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX00020
Date de la décision : 21/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

71-02-02 Voirie. Régime juridique de la voirie. Alignements.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PAUZIÈS
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : TASCIYAN

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-02-21;17bx00020 ?
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