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18/12/2018 | FRANCE | N°16BX03846

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 18 décembre 2018, 16BX03846


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...et Mme J...I..., agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineursC..., E..., F...etH..., ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à verser à M. D...une somme de 270 455,70 euros en réparation de ses préjudices résultant d'une contamination par le virus de l'hépatite C, à Mme I...une somme de 10 000 euros et

à chacun de leurs quatre enfants une somme de 6 000 euros.

Par un jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...et Mme J...I..., agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineursC..., E..., F...etH..., ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à verser à M. D...une somme de 270 455,70 euros en réparation de ses préjudices résultant d'une contamination par le virus de l'hépatite C, à Mme I...une somme de 10 000 euros et à chacun de leurs quatre enfants une somme de 6 000 euros.

Par un jugement n° 1305536 du 13 octobre 2016, le tribunal administratif de Toulouse a condamné l'ONIAM à verser une indemnité de 86 687,29 euros à M.D..., une indemnité de 10 000 euros à Mme I...et une indemnité de 1 000 euros à chacun de leurs quatre enfants mineurs, C..., E..., F...et H...D...-I..., ces sommes portant intérêt au taux légal à compter du 16 décembre 2013.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 décembre 2016 et le 3 octobre 2017,

M.D..., représenté par la SELARL Coubris, Courtois et associés, et agissant tant en son nom propre qu'en qualité de représentant légal de ses enfants mineursC..., E..., F...etH..., demande à la cour :

1°) de porter à la somme de 280 562,24 euros l'indemnité que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a été condamné à lui verser par jugement du tribunal administratif de Toulouse du 13 octobre 2016 et à la somme de 6 000 euros l'indemnité due à chacun de ses enfants mineurs, toutes sommes majorées des intérêts au taux légal à compter du jour du recours amiable devant l'ONIAM ;

2°) de réformer en ce sens ce jugement du tribunal administratif de Toulouse

du 13 octobre 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la consolidation est intervenue au 14 mars 2012 ;

- ses préjudices patrimoniaux doivent être indemnisés à hauteur de 99 482,24 euros, les préjudices extrapatrimoniaux à hauteur de 81 080 euros et le préjudice spécifique de contamination à hauteur de 100 000 euros ;

- le préjudice moral de chacun de ses enfants doit être indemnisé à hauteur

de 6 000 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 juillet et 17 octobre 2017, l'ONIAM, représenté par MeG..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.B... ;

- et les conclusions de M. Normand, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M.D..., né le 28 août 1980, a reçu, lors de son hospitalisation au sein du service de néonatalogie de l'hôpital Purpan de Toulouse du 29 août 1980 au 8 septembre 1980, des transfusions de produits sanguins dont l'innocuité n'a pu être établie par une enquête transfusionnelle après que sa contamination par le virus de l'hépatite C a été mise en évidence le 12 octobre 2002. Le tribunal administratif de Toulouse a, par jugement du 13 octobre 2016, condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à verser à l'intéressé une indemnité d'un montant de 86 687,29 euros ainsi qu'à MmeI..., sa compagne, une indemnité de 10 000 euros et à chacun de leurs quatre enfants mineurs, C..., E..., F...etH..., une indemnité

de 1 000 euros.

2. M.D..., agissant tant en son nom propre qu'en qualité de représentant légal de ses quatre enfants, demande la réformation de ce jugement afin que soit portée à la somme

de 280 562,24 euros l'indemnité que l'ONIAM a été condamné à lui verser et à la somme

de 6 000 euros l'indemnité due à chacun de ses enfants mineurs.

Sur l'évaluation des préjudices :

En ce qui concerne M.D... :

S'agissant des préjudices patrimoniaux :

Quant à la perte de revenus :

3. Les parties à l'instance ne contestent pas la perte de gains professionnels subie par

M. D...en raison de ses arrêts de travail survenus du 15 novembre 2007 au 1er août 2008, du 17 novembre 2008 au 23 novembre 2008, du 1er décembre 2008 au 31 décembre 2008 et

du 1er février au 20 février 2009, évaluée par les premiers juges à la somme de 1 687,29 euros.

En revanche et ainsi que l'a retenu le tribunal, M. D...n'établit pas que la rupture conventionnelle de son contrat de travail en qualité de mécanicien employé à mi-temps, intervenue le 20 février 2009 serait en lien de causalité direct avec sa contamination par le virus de l'hépatite C, de même que l'interruption de son activité de chauffeur de bus au cours de l'année 2010. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le tribunal aurait fait une insuffisante évaluation de sa perte de revenus, distincte de l'incidence professionnelle de sa contamination et évaluée à la somme non contestée de 20 000 euros.

Quant aux frais d'assistance par tierce personne :

4. Le principe de la réparation intégrale du préjudice impose que les frais liés à l'assistance à domicile de la victime par une tierce personne, alors même qu'elle serait assurée par un membre de sa famille, soient évalués à une somme qui ne saurait être inférieure au montant du salaire minimum augmenté des charges sociales, appliqué à une durée journalière, dans le respect des règles du droit du travail.

5. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise médicale établi

le 30 juin 2013 que l'état de santé de M. D...a nécessité l'intervention d'une aide par une tierce personne à raison d'une heure quotidienne pendant les quatre périodes au cours desquels il a reçu un traitement, soit pendant une durée globale de 66 mois. Il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par M. D...en l'indemnisant sur la base d'un taux horaire moyen de rémunération, tenant compte des charges patronales et des majorations de rémunération pour travail du dimanche, fixé à 13 euros et calculé afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par le code du travail, sur la base d'une année de 412 jours, alors même que l'assistance apportée à M. D...a été assurée par sa compagne. Par suite, eu égard au nombre d'heures d'assistance effectuées, l'indemnité due de ce chef, distinct du préjudice d'accompagnement subi par la compagne de la victime, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, s'élève à la somme de 29 458 euros, alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. D...aurait bénéficié de la prestation de compensation du handicap prévue par

l'article L. 245-1 du code de l'action sociale et des familles.

S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux :

Quant à la date de consolidation :

6. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise, qu'à la date

du 24 mai 2011, les transaminases de M. D...sont normales et l'acide ribonucléique (ARN) du virus de l'hépatite C indétectable. L'expert retient qu'à cette date, le virus de l'hépatite C a disparu de l'organisme de M.D.... Par suite et contrairement à ce que soutient l'appelant, il convient de fixer la date de consolidation de son état de santé au 24 mai 2011.

Quant aux préjudices extrapatrimoniaux temporaires :

7. En premier lieu, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise, que M. D...a subi un déficit fonctionnel temporaire total pendant les trois jours au cours desquels il a subi une biopsie du foie, un déficit fonctionnel temporaire partiel de 25 % pendant

ses 66 mois de traitement et un déficit fonctionnel temporaire partiel de 10 % pendant les périodes au cours desquelles il est resté sans traitement. Dès lors, il sera fait une juste appréciation de l'indemnisation due de ce chef à M. D...en la fixant à la somme

de 10 198 euros.

8. En deuxième lieu, il sera fait une juste appréciation des souffrances endurées par

M.D..., fixées par l'expert à 3 sur une échelle de 7, en lui allouant à ce titre une somme

de 4 000 euros.

9. En troisième et dernier lieu, il ne résulte pas de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que M. D...qui a maigri au cours de ses traitements, passant de 84 à 75 kilos, aurait subi un préjudice esthétique temporaire.

Quant aux préjudices extrapatrimoniaux permanents :

10. M.D..., âgé de 30 ans à la date de consolidation, subit un déficit fonctionnel permanent, évalué par l'expert à 20 %, en raison d'une cirrhose hépatique sans retentissement clinique. Par suite, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en indemnisant l'intéressé à hauteur de 41 000 euros.

Quant au préjudice spécifique de contamination :

11. De la date de la révélation de sa contamination, le 21 octobre 2002, jusqu'à la date du constat de la négativation du virus de l'hépatite C, le 24 mai 2011, M. D...a pu légitiment éprouver des inquiétudes du fait de sa contamination par la maladie qui avait été diagnostiquée et des conséquences graves qui pouvaient en résulter. Il reste atteint d'une cirrhose hépatique qui nécessite un contrôle régulier. Il sera fait une juste appréciation du préjudice qu'il a subi de ce fait, distinct du déficit fonctionnel temporaire et permanent ainsi que des souffrances endurées, en allouant à l'appelant une somme de 10 000 euros.

En ce qui concerne les enfants de la victime :

12. Il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges auraient fait une insuffisante appréciation du préjudice moral subi par les jeunes enfants de M. D...en leur allouant une indemnité d'un montant de 1 000 euros chacun.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...est fondé à demander que l'indemnité que l'ONIAM a été condamné à lui verser soit portée à la somme

de 116 343,29 euros.

Sur les intérêts :

14. M. D...a droit aux intérêts au taux légal sur l'indemnité qui lui est due à compter de la réception par l'ONIAM de sa demande préalable du 8 octobre 2012.

15. L'indemnité due à chacun de ses quatre enfants sera majorée des intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2013, date d'enregistrement de la demande au greffe du tribunal administratif de Toulouse, dès lors qu'il n'est pas établi que la demande préalable adressée à l'ONIAM au titre de leur préjudice aurait été reçue antérieurement à cette date.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par

M. D...et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : L'indemnité que l'ONIAM a été condamné à verser à M. D...est portée à la somme de 116 343,29 euros. Cette somme sera majorée des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'ONIAM de la demande préalable du 8 octobre 2012.

Article 2 : L'ONIAM versera à chacun des quatre enfants de M.D..., C..., E..., F...et H...D...-I..., une indemnité d'un montant de 1 000 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2013.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'ONIAM versera à M. D...une somme de 1 500 euros en application de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D...est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 4 décembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 décembre 2018.

Le rapporteur,

Didier B...

Le président,

Éric Rey-Bèthbéder

Le greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX03846


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX03846
Date de la décision : 18/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Évaluation du préjudice.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Évaluation du préjudice - Modalités de fixation des indemnités.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Modalités de la réparation - Solidarité.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : CABINET COUBRIS, COURTOIS et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-12-18;16bx03846 ?
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