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04/12/2018 | FRANCE | N°16BX02165

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 04 décembre 2018, 16BX02165


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Hoarau-Girard a demandé au tribunal administratif de La Réunion la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006, 2007 et 2008 et la restitution des compléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 ainsi que des pénalités correspondantes.



Par un jugement n° 1400400 du 12 mai 2016, le tribunal administratif de La Réunion a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Hoarau-Girard a demandé au tribunal administratif de La Réunion la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006, 2007 et 2008 et la restitution des compléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1400400 du 12 mai 2016, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, présentés le 1er juillet 2016 et le 6 février 2017, la SELARL Hoarau-Girard, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 12 mai 2016 ;

2°) la décharge de l'ensemble des impositions supplémentaires en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en tant que société d'avocats, elle est astreinte au respect du secret professionnel en application de l'article 226-13 du code pénal ; l'article L. 13-0 A du livre des procédures fiscales permet aux agents de l'administration fiscale de demander toutes informations relatives au montant, à la date et à la forme des versements afférents aux recettes perçues par les personnes dépositaires du secret professionnel mais leur interdit de solliciter des renseignements sur la nature des prestations fournies par ces dernières ;

- au cours des opérations de vérification, l'administration a exigé et obtenu la communication de documents, tels que des notes d'honoraires, comportant l'identité des clients du cabinet mais aussi la nature des prestations fournies par celui-ci ; l'administration a ainsi méconnu les dispositions de l'article L. 13-0 A du livre des procédures fiscales ;

- or le secret professionnel interdit aux agents du fisc d'obtenir des renseignements non seulement sur la nature des prestations facturées aux clients mais aussi sur l'identité de ceux-ci ; la demande d'informations présentée par le vérificateur enfreint donc cette exigence ;

- les informations ainsi obtenues irrégulièrement ont bien eu une incidence sur les rectifications opérées ;

- la procédure d'imposition est donc irrégulière.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 7 décembre 2016 et le 1er octobre 2018, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'article 1649 quater G du code général des impôts, en imposant que les documents comptables tenus par les adhérents des associations de gestion agréée mentionnent, quelle que soit la profession exercée par l'adhérent, l'identité du client, ont entendu limiter le secret professionnel afin de faciliter le contrôle fiscal, si bien que les vérificateurs ont accès à ces documents mentionnant l'identité du client ;

- à l'occasion des opérations de contrôle, le vérificateur a constaté que les informations relatives à l'identité des clients portées sur les factures d'honoraires présentées au titre des exercices vérifiés avaient été occultées et a sollicité la production de pièces non surchargées ;

- si le service a invité la société à produire les pièces mentionnant l'identité des clients, il n'a pas sollicité la présentation de pièces faisant état de la nature des services rendus ; il n'a donc pas demandé la révélation d'une information couverte par le secret en méconnaissance de l'article L. 13-0 du livre des procédures fiscales ;

- à l'occasion de l'arrêt du 4 mai 2016 (n° 387466), le Conseil d'État a confirmé la possibilité, pour l'administration, de prendre connaissance, pendant les opérations de contrôle, de factures établies par un avocat pour des prestations destinées à des clients nommément désignés ;

- en tout état de cause, dans l'hypothèse où, du fait du seul contribuable, des informations de ce type auraient été communiquées, elles n'ont pas fondé les rectifications en litige.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code pénal ;

- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Hoarau-Girard est une société d'avocats qui a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration lui a notifié, par deux propositions de rectification du 18 décembre 2009 et du 21 mai 2010, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des compléments de taxe sur la valeur ajoutée au titre des exercices clos en 2006, 2007 et 2008 et de la période correspondante. La société Hoarau-Girard a demandé au tribunal administratif de La Réunion la décharge de ces impositions. Elle relève appel du jugement rendu le 12 mai 2016 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

2. Aux termes de l'article 226-13 du code pénal : " La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. ". Aux termes de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 : " En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention "officielle", les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel ".

3. En vertu de l'article 1649 quater G du code général des impôts, les documents comptables tenus par les adhérents des associations agréées des professions libérales comportent " quelle que soit la profession exercée par l'adhérent, l'identité du client ainsi que le montant, la date et la forme du versement des honoraires ". Aux termes de l'article 99 du même code : " Les contribuables soumis obligatoirement au régime de la déclaration contrôlée ou qui désirent être imposés d'après ce régime sont tenus d'avoir un livre-journal servi au jour le jour et présentant le détail de leurs recettes et de leurs dépenses professionnelles. / Le livre-journal tenu par les contribuables non-adhérents d'une association de gestion agréée comporte, quelle que soit la profession exercée, l'identité déclarée par le client ainsi que le montant, la date et la forme du versement des honoraires ". Aux termes de l'article L. 13-0 A du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts peuvent demander toutes informations relatives au montant, à la date et à la forme des versements afférents aux recettes de toute nature perçues par les personnes dépositaires du secret professionnel en vertu des dispositions de l'article 226-13 du code pénal. Ils ne peuvent demander de renseignements sur la nature des prestations fournies par ces personnes. ".

4. Bien que les agents des services fiscaux soient eux-mêmes tenus au secret professionnel, il ne saurait être dérogé en leur faveur, sauf disposition législative expresse, à la règle édictée à l'article 226-13 du code pénal. S'il n'appartient qu'au juge répressif de sanctionner les infractions aux dispositions de cet article, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'un contribuable astreint au secret professionnel conteste, devant lui, la régularité de la procédure d'imposition suivie à son égard, au motif que celle-ci aurait porté atteinte à ce secret, d'examiner le bien-fondé d'un tel moyen. La révélation d'une information à caractère secret vicie la procédure d'imposition et entraîne la décharge de l'imposition contestée lorsqu'elle a été demandée par le vérificateur, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 13-0 A du livre des procédures fiscales, ou que, alors même qu'elle ne serait imputable qu'au seul contribuable, elle fonde tout ou partie de la rectification.

5. Les dispositions des articles 99 et 1649 quater G du code général des impôts, citées au point 3, imposent aux membres des professions dépositaires d'un secret professionnel d'indiquer sur leurs documents comptables, outre le montant, la date et la forme du versement des honoraires, l'identité du client. Il résulte des dispositions de l'article L. 13-0-A du livre des procédures fiscales, citées au point 3, que le législateur a entendu délimiter strictement le champ des informations que l'administration fiscale est susceptible de demander à ces professionnels. Ces dispositions de l'article L. 13-0-A ne font pas obstacle à ce que l'administration prenne connaissance, pendant les opérations de contrôle, de factures établies par un avocat pour des prestations destinées à des clients nommément désignés, dès lors que ces documents ne comportent aucune indication, même sommaire, sur la nature des prestations fournies à ces clients. Elles font, en revanche, obstacle à ce que le vérificateur procède à des demandes complémentaires relatives à l'identité des clients concernés ou cherche à obtenir des renseignements sur la nature des prestations fournies.

6. Au cours des opérations de contrôle, le vérificateur a eu connaissance de factures d'honoraires établies par la société Hoarau-Girard sur lesquelles l'identité des clients avait été occultée. Par deux courriers du 21 septembre et du 13 octobre 2009, le vérificateur a demandé à la société Hoarau-Girard de lui adresser les originaux de ces factures. En se contentant ainsi de solliciter des factures et pièces comptables sur lesquelles le nom et l'adresse des clients de la société n'étaient pas occultés, l'administration, compte tenu de la règle rappelée ci-dessus, n'a pas porté atteinte au secret professionnel et n'a pas méconnu les exigences de l'article L. 13-0-A précité du livre des procédures fiscales.

7. La société requérante fait aussi valoir que la nature des prestations qu'elle effectuait pour ses clients apparaissait sur les factures communiquées au vérificateur et produit à cette fin une attestation de son mandataire lors des opérations de contrôle. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment pas de la motivation des propositions de rectification, que l'administration, pour fonder les rectifications en litige, aurait fait usage de factures faisant apparaître la nature des prestations réalisées dont elle a eu connaissance du fait du comportement du contribuable.

8. Dès lors, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la procédure d'imposition suivie à son encontre est irrégulière et à demander, pour ce motif, la décharge des impositions litigieuses.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Hoarau-Girard n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 16BX02165 présentée par la société Hoarau-Girard est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Hoarau-Girard et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-ouest et au ministre des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 20 novembre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 4 décembre 2018.

Le rapporteur,

Frédéric FaïckLe président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX02165


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX02165
Date de la décision : 04/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : HIBERT ANNE LAURE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-12-04;16bx02165 ?
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