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06/11/2018 | FRANCE | N°16BX02703

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 06 novembre 2018, 16BX02703


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat maritime Force ouvrière de la façade atlantique a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision n° 066/2010 du 27 septembre 2010 par laquelle le directeur des affaires maritimes de la Charente-Maritime a délivré le " visa prévu à

l'article 1er du décret n° 67-432 du 26 mai 1967 relatif à la décision d'effectif présentée par l'armateur du navire Fort-Boyard ", ensemble les rejets implicites de ses recours exercés contre cette décision.

Par un jugemen

t n° 1401404 du 15 juin 2016, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande.

P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat maritime Force ouvrière de la façade atlantique a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision n° 066/2010 du 27 septembre 2010 par laquelle le directeur des affaires maritimes de la Charente-Maritime a délivré le " visa prévu à

l'article 1er du décret n° 67-432 du 26 mai 1967 relatif à la décision d'effectif présentée par l'armateur du navire Fort-Boyard ", ensemble les rejets implicites de ses recours exercés contre cette décision.

Par un jugement n° 1401404 du 15 juin 2016, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 4 août 2016, 19 juillet 2017 et 28 février 2018, le syndicat maritime Force ouvrière de la façade atlantique, représenté

par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 15 juin 2016 ;

2°) d'annuler la décision n° 066/2010 du 27 septembre 2010 par laquelle le directeur des affaires maritimes de la Charente-Maritime a délivré le visa prévu à l'article 1er du décret n° 67-432 du 26 mai 1967 relatif à la décision d'effectif présentée par l'armateur du navire " Fort-Boyard " ;

3°) d'enjoindre à l'administration de procéder à la rédaction d'une nouvelle fiche d'effectif ;

4°) de mettre à la charge du département de la Charente-Maritime la somme

de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la durée maximum quotidienne de travail a été dépassée lors du transit entre Fromentine et Saint-Jean-de-Luz qui a eu lieu du 11 au 12 octobre 2010 et la durée de travail hebdomadaire a été dépassée dans la semaine précédant ce voyage, en particulier pour le maître machine qui a lutté contre une voie d'eau ;

- la décision litigieuse méconnaît les dispositions de l'article 24 du code du travail maritime qui renvoie à l'article L. 212-1 devenu l'article L. 3121-10 du code du travail ainsi qu'aux articles L. 3121-34 et L. 3121-35 du code du travail ;

- la décision litigieuse méconnaît les dispositions des I et II de l'article L. 5544-4 et

du I de l'article L. 5544-14 du code des transports désormais applicable ;

- la décision litigieuse n'a été affichée ni dans les locaux réservés à l'équipage à bord du navire, ni au bureau du quartier maritime où le visa a été attribué, de sorte qu'elle n'a été connue qu'en mai 2013 ;

- la décision litigieuse ne mentionne pas que le navire est classé AUT ;

- le navire ne pouvait légalement être armé en navigation côtière 3ème catégorie dès lors que la navigation côtière s'entend d'une navigation dans la limite de 6 milles nautiques d'un abri et qu'une 3ème catégorie s'entend d'une navigation dans la limite de 60 milles nautiques d'un abri ;

- la décision du ministre est intervenue sans qu'il recueille au préalable l'avis de la commission prévue à l'article 5 du décret du 26 mai 1967.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 20 janvier et 22 septembre 2017, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, devenu le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors que la décision prise sur le recours administratif préalable ayant un caractère obligatoire s'est substituée entièrement à la décision litigieuse ;

- les moyens soulevés par le syndicat maritime Force ouvrière de la façade atlantique ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 30 janvier 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er mars 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des transports ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le décret n° 67-432 du 26 mai 1967 ;

- le décret n° 77-733 du 6 juillet 1977 ;

- le décret n°2005-305 du 31 mars 2005 ;

- le décret n°2006-672 du 8 juin 2006 ;

- l'arrêté du 30 juin 1967 relatif aux effectifs à bord des navires de commerce, de pêche et de plaisance ;

- l'arrêté du 23 novembre 1987 relatif à la sécurité des navires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.B...,

- les conclusions de M. Normand, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant le syndicat maritime Force ouvrière de la façade atlantique.

Une note en délibéré présentée pour le syndicat maritime Force ouvrière de la façade atlantique a été enregistrée le 10 octobre 2018.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 27 septembre 2010, l'inspecteur des affaires maritimes de la Charente-Maritime a accordé son visa à la décision d'effectif établie pour le navire de charge " Fort Boyard " par son armateur, le département de la Charente-Maritime. Le syndicat maritime Force ouvrière (FO) de la façade atlantique relève appel du jugement du 15 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 27 septembre 2010 et des décisions implicites de rejet de ses recours administratifs.

Sur l'étendue du litige :

2. D'une part, aux termes de l'article 1er du décret du 26 mai 1967 : " L'effectif de tout navire est fixé par l'armateur s'il n'a pas été déterminé au préalable par voie d'accord entre les parties intéressées ou leurs représentants. / Il est soumis, par l'armateur, au visa de l'administrateur des affaires maritimes territorialement compétent qui apprécie sa conformité aux règles relatives à la sécurité de la navigation et à la durée du travail. ". Aux termes de l'article 4 du même décret : " Les décisions prises par les administrateurs des affaires maritimes en application du présent décret sont motivées. / Elles peuvent faire à toute époque l'objet d'un recours devant le directeur de la marine marchande, de la part de l'armateur, des délégués du personnel du navire en cause ou des organisations professionnelles représentatives sur le plan national des armateurs et des marins. / Le directeur de la marine marchande statue dans les huit jours suivant la réception de la demande ". Enfin, l'article 5 de ce décret dispose que : " Les décisions prises par le directeur de la marine marchande en application de l'article précédent peuvent être portées (...) devant le ministre chargé de la marine marchande. Celui-ci statue en dernier ressort, dans le délai d'un mois, après avis d'une commission aux travaux de laquelle sont associées les organisations professionnelles d'armateurs et de marins et dont la composition et les modalités de fonctionnement sont fixées par arrêté du ministre chargé de la marine marchande ".

3. Les dispositions précitées ont organisé une procédure de recours administratif obligatoire préalable à l'engagement de toute instance contentieuse.

4. D'autre part, aux termes de l'article 20 de la loi du 12 avril 2000, alors applicable et dorénavant repris par les articles L. 114-2 et L. 114-3 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu'une demande est adressée à une autorité administrative incompétente, cette dernière la transmet à l'autorité administrative compétente et en avise l'intéressé./ Le délai au terme duquel est susceptible d'intervenir une décision implicite de rejet court à compter de la date de réception de la demande par l'autorité initialement saisie.(...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que le syndicat maritime FO de la façade atlantique a exercé contre la décision de visa litigieuse du 27 septembre 2010 un recours administratif par lettre du 4 mars 2013 devant le directeur interrégional de la mer Sud-Atlantique, lequel a initialement décliné sa compétence. Puis, par lettre du 12 août 2013, le syndicat a entendu exercer un recours hiérarchique auprès du ministre chargé de la mer qui en a accusé réception par lettre du 27 septembre 2013 et a expressément informé le syndicat que son recours était transmis, en vertu de l'article 20 précité de la loi du 12 avril 2000, au directeur interrégional de la mer Sud-Atlantique, compétent pour statuer sur ce recours en vertu de l'article 4 du décret du 26 mai 1967. En application des dispositions combinées précitées, le recours exercé par le syndicat doit être regardé comme ayant été implicitement rejeté par le directeur interrégional de la mer Sud-Atlantique le 5 octobre 2013. Le syndicat établit avoir saisi le 18 novembre suivant le ministre chargé de la mer du recours prévu à l'article 5 du décret du 26 mai 1967, qui doit être regardé comme ayant été implicitement rejeté le 18 décembre 2013. Par suite, les conclusions du syndicat dirigées formellement contre la décision initiale du 27 septembre 2010 doivent être regardées comme dirigées contre la décision du ministre, née de l'exercice du recours au caractère obligatoire, qui s'y est substituée.

Sur le bien-fondé du jugement :

6. En premier lieu, le syndicat maritime FO de la façade atlantique soutient que la confirmation par le ministre du visa donné à la décision d'effectif établie pour le navire de charge " Fort Boyard ", à cinq marins comportant, un capitaine 500, un chef de quart maître d'équipage capitaine 200, un chef mécanicien OM 3, un maître machine brevet 750 Kw et un matelot qualifié catégorie 05 ne permet pas de respecter la réglementation sur la durée de travail, ni de garantir la sécurité du navire.

7. D'une part, aux termes de l'article L. 5544-4 du code des transports, applicable à l'espèce : " I. - Les limites dans lesquelles des heures de travail peuvent être effectuées à bord d'un navire autre qu'un navire de pêche sont fixées à quatorze heures par période de vingt-quatre heures et à soixante-douze heures par période de sept jours. /II. - Une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut déterminer, le cas échéant par type de navire, de navigation ou de catégorie de personnel, les modalités selon lesquelles il peut être dérogé aux dispositions relatives à la durée hebdomadaire et quotidienne du travail résultant du I, en prévoyant notamment un aménagement et une répartition des heures de travail dans la semaine ou dans une période de temps autre que la semaine pour tenir compte de la continuité de l'activité du navire, des contraintes portuaires ou de la sauvegarde du navire en mer. (...) ". Aux termes de l'article L. 5544-13 du même code : " Le capitaine peut exiger du marin les heures de travail nécessaires à la sécurité immédiate du navire, des personnes présentes à bord ou de la cargaison, ou en vue de porter secours à d'autres navires ou aux personnes en détresse en mer./ Dans ces cas, le capitaine peut suspendre l'organisation habituelle des horaires de travail ou de repos et exiger d'un marin qu'il travaille pendant le temps nécessaire pour faire face à ces circonstances.(...) ".

8. Par ailleurs, aux termes de l'article 4 du décret du 31 mars 2005 : " La durée maximale quotidienne de travail effectif à bord des navires autres que de pêche est de douze heures.(...) ". Aux termes de l'article 5 du même décret : " I. - La durée maximale quotidienne de travail fixée au premier alinéa de l'article 4 peut être dépassée sans limite dans les cas de (...) toute autre circonstance intéressant la sécurité du navire (...). ". Enfin aux termes de l'article 7 de ce décret : " Sauf dans les cas prévus au I de l'article 5, la durée maximale de travail ne doit pas dépasser soixante-douze heures par période de sept jours.(...) ".

9. Par les pièces qu'il produit, le syndicat appelant n'établit pas que la composition de l'équipage du navire aurait pour effet de dépasser, pour l'un des marins concernés, les limites fixées par les dispositions précitées, y compris au regard des prises de quart. À cet égard, la circonstance que lors d'un transit effectué du 10 au 11 octobre 2010, au cours duquel l'équipage a dû faire face à une voie d'eau qui doit être regardée comme mettant en jeu la sécurité du navire au sens de l'article L. 5544-13 précité et de l'article 5 du décret du 31 mars 2005, certains des marins présents auraient assuré un service excédant la durée maximale de travail n'est pas de nature à établir que la décision litigieuse ne permettait pas d'assurer le respect des règles relatives au temps de travail.

10. D'autre part, aux termes de l'article L. 5522-2 du code des transports : " I. - Tout navire est armé avec un effectif de marins suffisant en nombre et en niveau de qualification professionnelle pour garantir la sécurité et la sûreté du navire et des personnes à bord ainsi que le respect des obligations de veille, de durée du travail et de repos./ II. - La fiche d'effectif minimal désigne le document par lequel l'autorité maritime atteste que l'effectif du navire satisfait aux exigences des conventions internationales pertinentes selon le type de navire et des mesures nationales prises pour leur application./ III. - Un décret précise les conventions internationales pertinentes applicables au titre du présent article ainsi que les modalités de fixation de l'effectif minimal selon les types de navire. ". Aux termes de l'article L. 5522-4 du même code : " Une veille visuelle et auditive appropriée, adaptée en toutes circonstances, est assurée en permanence à bord du navire en vue de prévenir tout risque d'accident maritime. ".

11. Ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges, le syndicat appelant n'établit pas en quoi la composition de l'équipage du navire, dont il n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté qu'il est classé en 3ème catégorie au sens de l'article 110.10 de l'arrêté du 23 novembre 1987 - soit pour une navigation au cours de laquelle le navire ne s'éloigne pas de plus de 20 milles de la terre la plus proche - ne pouvait permettre, au regard notamment de l'effectif au pont, ni de faire face aux exigences de la navigation ni d'assurer une veille visuelle et auditive appropriée, assurée en permanence de manière à prévenir tout accident maritime.

12. En deuxième lieu, le syndicat appelant ne peut utilement se prévaloir ni des dispositions du code du travail maritime qui n'étaient plus en vigueur au 18 décembre 2013, date du rejet implicite de son recours exercé auprès du ministre chargé de la mer, ni de celles du code des transports intervenues postérieurement à cette date. Le syndicat appelant ne peut pas plus utilement se prévaloir du défaut de consultation préalable de la commission prévue par les dispositions de l'article 5 du décret du 26 mai 1967, lesquelles étaient abrogées à la date de la décision litigieuse par celles de l'article 17 du décret du 8 juin 2006.

13. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que la fiche d'effectif visée ne mentionne pas que le navire est classé " AUT " n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

14. En quatrième et dernier lieu, la circonstance que la décision initiale

du 27 septembre 2010 n'aurait pas été affichée au bureau du quartier où le visa a été attribué est, même à la supposer établie, sans influence sur la légalité de la décision du ministre.

15. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat maritime FO de la façade atlantique n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par conséquent, ses conclusions aux fins d'injonction doivent également être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas partie perdante à l'instance, la somme que demande le syndicat maritime FO de la façade atlantique au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat maritime Force ouvrière de la façade atlantique et au ministre de la transition écologique et solidaire.

Copie en sera transmise au préfet de la Charente-Maritime, au directeur interrégional de la mer Sud-Atlantique ainsi qu'au département de la Charente-Maritime.

Délibéré après l'audience du 25 septembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 novembre 2018.

Le rapporteur,

Didier B...

Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX02703


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

.

Police - Polices spéciales - Police en mer (voir : Mer).

Transports - Transports maritimes.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : MAIRE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 06/11/2018
Date de l'import : 13/11/2018

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 16BX02703
Numéro NOR : CETATEXT000037599440 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-11-06;16bx02703 ?
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