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27/09/2018 | FRANCE | N°16BX03937

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 27 septembre 2018, 16BX03937


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...et M. D...F...ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 12 août 2015 par lequel le maire de la commune de Guéthary a refusé de leur accorder un permis de construire en vue de la rénovation de leur restaurant, de lui enjoindre de réexaminer leur demande et de leur délivrer un permis de construire dans un délai de six mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1501791 du 2 novembre 2016, le tribunal administratif de Pau a rejeté cette

requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 décembr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...et M. D...F...ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 12 août 2015 par lequel le maire de la commune de Guéthary a refusé de leur accorder un permis de construire en vue de la rénovation de leur restaurant, de lui enjoindre de réexaminer leur demande et de leur délivrer un permis de construire dans un délai de six mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1501791 du 2 novembre 2016, le tribunal administratif de Pau a rejeté cette requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 décembre 2016, M. B...A...et M. D...F..., représentés par la SCP Bedel de Buzareingues etC..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 novembre 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 août 2015 par lequel le maire de la commune de Guéthary a refusé de leur délivrer un permis de construire ;

3°) d'enjoindre à la commune de Guéthary de leur délivrer le permis de construire dans un délai de six mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Guéthary une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement n'a pas répondu à leurs moyens ;

- l'arrêté du 12 août 2015 est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne précise pas le site d'implantation du restaurant, les caractéristiques de la construction qui seraient de nature à porter atteinte à la sécurité publique, la consistance des aménagements qui seraient contraires à la loi littoral, ni quelles règles du règlement de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine seraient méconnues ;

- le terrain d'assiette du projet étant situé dans une zone déjà urbanisée, les dispositions du III de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ne pouvaient leur être opposées ;

- les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ne pouvaient fonder un refus de permis de construire alors que la seule survenance d'une tempête en 2014 ne peut être regardée comme suffisant à établir l'existence d'un risque pour la sécurité publique, que la parcelle d'assiette est protégée par une digue, que s'agissant d'une reconstruction à l'identique, le projet ne peut accroître le risque pour les personnes et les biens, et qu'en tout état de cause s'agissant d'une activité saisonnière un tel motif serait seulement de nature à justifier l'édiction de prescriptions spéciales, alors au demeurant que le restaurant voisin est demeuré ouvert ;

- le motif tiré de la méconnaissance du règlement de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine est également erroné, dès lors qu'aucune protection spéciale fondée sur ce règlement n'est applicable au secteur 5 " le Port " dans lequel se situe le terrain d'assiette du projet, et que la construction y est classée au titre du " patrimoine sans protection particulière " ;

- le projet de reconstruction est conforme aux dispositions du plan local d'urbanisme en vigueur ;

- la tempête survenue en 2014 était un évènement isolé qui ne pouvait être de nature à remettre en cause leur droit à reconstruire le bâtiment à l'identique conformément à l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 janvier 2017, la commune de Guéthary, représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérants une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable faute pour les appelants de présenter aucun argument à l'encontre du jugement attaqué ;

- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 27 avril 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 28 mai 2018 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. David Terme,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant M. A...et M.F....

Considérant ce qui suit :

1. M. A...et M. F...ont demandé le 23 février 2015 au maire de la commune de Guéthary l'autorisation de reconstruire un restaurant avec terrasse d'une surface de plancher de 50 mètres carrés situé sur la Jetée des Alcyons, qu'ils exploitaient durant la période estivale. La construction, située en zone Nf du plan local d'urbanisme, avait été initialement autorisée, en partie sur le domaine public, par deux permis de construire délivrés en 2007 et 2009, et partiellement détruite par des tempêtes survenues en 2014. Par un arrêté du 12 août 2015, le maire a refusé de leur délivrer ce permis. Ils relèvent appel du jugement du 2 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté leur requête tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. ".

3. Si la commune de Guéthary soutient que la requête d'appel serait irrecevable dès lors que les requérants se borneraient à réitérer leurs écritures de première instance sans articuler aucun moyen à l'encontre du jugement attaqué, il ressort de la lecture même de celle-ci que les appelants, bien qu'ils reprennent très largement et précisément le contenu de leur requête de première instance, critiquent également tant la régularité que le bien-fondé dudit jugement. La fin de non-recevoir tirée du défaut de motivation de la requête d'appel doit donc être rejetée.

Sur la régularité du jugement :

4. Devant les premiers juges, les requérants invoquaient des moyens tirés de l'insuffisante motivation de l'arrêté du 12 août 2015 et de l'irrégularité des motifs qui leur avaient été opposés fondés sur la méconnaissance des dispositions du III de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme et du règlement de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine. Si, en relevant que le maire pouvait, " pour le seul motif " tiré de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, refuser légalement le permis de régularisation sollicité, les premiers juges ont nécessairement regardé les moyens critiquant les autres motifs de refus comme inopérants, ils devaient néanmoins répondre au moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté attaqué, qui n'était pas inopérant. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier et doit être annulé.

5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... et M.F....

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 août 2015 :

6. Aux termes de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable : " La reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit ou démoli depuis moins de dix ans est autorisée nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale, le plan local d'urbanisme ou le plan de prévention des risques naturels prévisibles en dispose autrement, dès lors qu'il a été régulièrement édifié (...) ". Aux termes de l'article L. 146-4 du même code, dans sa rédaction applicable : " (...) III - En dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux pour les plans d'eau intérieurs désignés à l'article 2 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 précitée ". Aux termes de l'article R*. 111-2 du même code dans sa rédaction applicable : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

7. Il ressort des pièces du dossier, notamment de celles annexées à la demande de permis de construire effectuée le 23 février 2015, que le projet litigieux conservait l'implantation, les dimensions et les autres caractéristiques de la construction détruite par la tempête, à l'exception du local de rangement d'une surface de plancher de 3,4 m² dont l'édification avait été autorisée en 2009. Par ailleurs, si l'arrêté attaqué mentionne la réalisation d'" aménagements complémentaires " consistant en une " couverture de la terrasse plus importante ", cette différence, en tout état de cause, ne ressort pas des pièces du dossier. Par suite, eu égard à la faible surface de plancher du local de rangement et à la différence minime entre les deux constructions qui serait résultée de son absence, les requérants sont fondés à soutenir qu'ils pouvaient se prévaloir des dispositions de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme.

8. Ces dispositions reconnaissent au propriétaire d'un bâtiment détruit par un sinistre le droit de procéder à sa reconstruction à l'identique dès lors qu'il avait été régulièrement édifié, ce qui est notamment le cas lorsqu'il avait été autorisé par un permis de construire. Ainsi, en premier lieu, dès lors qu'elles s'appliquent " nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire ", le maire de la commune de Guéthary ne pouvait régulièrement se fonder sur les dispositions du III de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ni sur le règlement de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine pour s'opposer au projet des requérants.

9. En deuxième lieu, si les dispositions de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme ne font pas obstacle à ce que l'autorité administrative compétente s'oppose à la reconstruction d'un bâtiment dont les occupants seraient exposés à un risque certain et prévisible de nature à mettre gravement en danger leur sécurité, notamment lorsque c'est la réalisation d'un tel risque qui a été à l'origine de la destruction du bâtiment, il ne ressort pas des pièces du dossier, au regard notamment de la destination de la construction litigieuse, du caractère saisonnier de son exploitation par les requérants et de la période de l'année à laquelle celle-ci est effectuée, que ses occupants seraient exposés à un risque de submersion auquel il ne pourrait être paré par des dispositions ponctuelles. Ainsi, ce motif ne pouvait justifier un refus sur le fondement des dispositions précitées de l'article R*. 111-2 du code de l'urbanisme.

10. Il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à demander l'annulation de l'arrêté du 12 août 2015 par lequel le maire de la commune de Guéthary a refusé de leur délivrer un permis de construire.

11. Pour l'application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens de la requête n'est susceptible de fonder l'annulation de l'arrêté du 12 août 2015.

Sur les conclusions à fins d'injonction :

12. La commune de Guéthary soutient sans être contredite que la convention portant autorisation d'occupation du domaine public, relative au terrain d'assiette du projet, ayant été résiliée, les appelants ne disposent désormais d'aucun titre pour solliciter l'obtention d'un permis de construire. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions en injonction des requérants.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des requérants, qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la commune de Guéthary demande à ce titre. Il y a lieu en revanche, de mettre à la charge de la commune une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1501791 du 2 novembre 2016 du tribunal administratif de Pau est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 12 août 2015 du maire de la commune de Guéthary est annulé.

Article 3 : La commune de Guéthary versera à M. B...A...et à M. D...F...une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées par la commune de Guéthary à ce titre sont rejetées.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à M. D... F...et à la commune de Guéthary. Copie en sera adressée, pour information, au préfet des Pyrénées-Atlantiques.

Délibéré après l'audience du 30 août 2018, à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président assesseur,

M. David Terme, premier conseiller.

Lu en audience publique le 27 septembre 2018.

Le rapporteur,

David TERME

Le président,

Catherine GIRAULT Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atlantiques en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX03937


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX03937
Date de la décision : 27/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Nature de la décision. Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. David TERME
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS BEDEL DE BUZAREINGUES ET BOILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-09-27;16bx03937 ?
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