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09/01/2018 | FRANCE | N°16BX03395

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 09 janvier 2018, 16BX03395


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales correspondantes auxquels il a été assujetti au titre des années 2004, 2005 et 2006.

Par un jugement nos 0901598, 1201904 du 10 juillet 2012, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 12BX02493 du 17 novembre 2014, la cour administrative d'appel de Bordeaux, sur requête de M.C..., a annulé le jugement du t

ribunal administratif et déchargé M. C...des cotisations d'impôts en litige.

Par une ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales correspondantes auxquels il a été assujetti au titre des années 2004, 2005 et 2006.

Par un jugement nos 0901598, 1201904 du 10 juillet 2012, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 12BX02493 du 17 novembre 2014, la cour administrative d'appel de Bordeaux, sur requête de M.C..., a annulé le jugement du tribunal administratif et déchargé M. C...des cotisations d'impôts en litige.

Par une décision n° 386726 du 13 octobre 2016, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre des finances et des comptes publics, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 17 novembre 2014 et a renvoyé l'affaire à la cour.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés le 12 septembre 2012, le 10 janvier 2017, le 13 février 2017, le 7 mars 2017 M. A...C..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales correspondantes au titre des années 2004, 2005 et 2006 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :

- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que l'administration fiscale ne pouvait recourir à une méthode hypothétique de reconstitution des recettes d'une société ; le tribunal a également omis de répondre au moyen selon lequel il revient à l'administration fiscale de démontrer, en sus de l'existence des bénéfices distribués, que les montants auraient bien été attribués à l'associé personnellement ; le tribunal n'a pas non plus indiqué les raisons pour lesquelles il convenait de ne pas prendre en compte les renseignements portés par la société Casabon dans ses déclaration annuelles DAS 2004 et 2005 sur lesquelles étaient indiquées les salaires versés.

Il soutient que :

En ce qui concerne la régularité de la procédure :

- la proposition de rectification du 4 octobre 2007, relative à l'année 2006, n'est pas motivée dès lors que le vérificateur n'a pas précisé pourquoi la date de l'exercice clos le 31 décembre 2006 devait être ramenée au 6 décembre 2006 ; la proposition de rectification se réfère aux propositions de rectifications adressées aux sociétés CAP et Casabon alors que ces dernières ne sont pas, elles non plus, motivées ;

- l'administration ne peut opposer le principe de l'indépendance des procédures lorsque l'irrégularité qui a affecté la vérification d'une société a eu des effets sur la valeur probante des éléments recueillis quant au montant des recettes réputées appréhendées par le contribuable personne physique ; ainsi, en fixant de manière arbitraire au 6 décembre 2006 la date de clôture des exercices des sociétés CAP et Casabon, au lieu du 31 décembre 2006, l'administration a commis une irrégularité qui a eu des effets sur la valeur probante des éléments qu'elle a recueillis.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

- l'administration ne rapporte pas la preuve de l'existence de bénéfices devant être considérés comme des revenus distribués ; cette preuve, qui pèse sur elle dès lors que M. C... a contesté les redressements dans le cadre de la procédure contradictoire de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, ne saurait être apportée du seul fait que M. C...a été condamné par le tribunal correctionnel ; l'administration et le juge administratif ne peuvent uniquement se fonder sur les résultats de la procédure pénale pour estimer comme ayant été distribués à M. C...les bénéfices des sociétés ;

- la méthode utilisée par l'administration pour reconstituer les recettes de la SARL Casabon est radicalement viciée et entachée d'erreur de droit ; le service n'a pas demandé des renseignements auprès de M. C...afin de connaître les conditions concrètes de fonctionnement des deux sociétés ; ainsi, la reconstitution ne correspond aucunement aux conditions dans lesquelles s'exerce réellement l'activité desdites sociétés ; de plus une méthode de reconstitution qui méconnaît les règles de rattachement des créances fixées par l'article 38- 2 bis du code général des impôts (CGI) doit être regardée comme radicalement viciée ; l'administration ne peut valablement reconstituer les recettes d'un contribuable selon la comptabilité de caisse tout en prenant en compte les charges selon la comptabilité d'engagement ; le service vérificateur doit choisir un mode de comptabilisation conforme à la méthode de détermination du contribuable et non opérer un mixage de plusieurs règles de comptabilisation ; le service vérificateur a utilisé une méthode hypothétique qui ne permet pas d'établir la réalité des opérations ayant servi de base au redressement ; le service a écarté les informations dont il disposait au profit de cette méthode hypothétique selon laquelle seule les dépenses reconduites à l'identique d'un mois sur l'autre constitueraient du salaire tandis que les montants ronds ne sauraient être engagés dans l'intérêt de l'entreprise ; la fixation au 6 décembre 2006 de la date de clôture des exercices des sociétés CAP et Casabon révèle également le vice radical qui entache la méthode de reconstitution des recettes desdites sociétés ; l'administration a entamé la vérification des exercices 2006 au début de l'année 2007 alors que le délai imparti aux sociétés pour déposer leurs bilans et déclarations de résultats n'était pas encore expiré ;

- le service n'a pas déterminé le chiffre d'affaires correspondant aux commissions de la SARL CAP ; il n'a pas pris en considération les éléments d'information à sa disposition en considérant notamment comme recettes l'ensemble des sommes reçues en prêt par la société alors que chaque prêt a fait l'objet d'un contrat ; les sociétés CAP et Casabon avaient bien présenté des documents comptables pour les années 2004 et 2005 ;

- le service désigne M. C...comme bénéficiaire des sommes réputées distribuées sans l'établir ; ses affirmations ne sont corroborées par aucune référence à l'enrichissement de l'intéressé ;

- c'est de manière erronée que l'administration a procédé à une majoration des bases imposables aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine ; pour leur assujettissement à ces prélèvements, les revenus de capitaux mobiliers sont déterminés comme en matière d'impôt sur le revenu ; dans ce cas, les distributions occultes visées à l'article 111 c du code général des impôts font l'objet d'une majoration de 25 % de leur montant ; toutefois, le conseil constitutionnel a jugé que les dispositions applicables du code de la sécurité sociale ne sauraient sans méconnaitre le principe d'égalité devant les charges publiques permettre l'application d'un coefficient multiplicateur de 1,25 pour l'établissement des cotisations sociales assises sur les rémunérations occultes ;

- les pénalités de mauvaise foi ne sont pas motivées ; l'élément intentionnel n'est pas démontré.

Par des mémoires en défense enregistrés le 1er octobre 2012, le 6 décembre 2016, le 10 février 2017, le 6 mars 2017 et le 20 mars 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- il est fait droit aux prétentions du requérant concernant les prélèvements sociaux et un dégrèvement lui est accordé ;

- les premiers juges se sont clairement prononcés sur la validité de la méthode suivie par le vérificateur et sur la réalité des distributions de sorte que le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté ;

- la proposition de rectification indiquait clairement le motif pour lequel les opérations de vérifications avaient été arrêtées au 6 décembre 2006, à savoir la mise en liquidation judiciaire des deux sociétés et leur cessation activité ;

- les suppléments d'imposition relatifs aux revenus considérés comme distribués au titre de l'année 2004, à raison du passif injustifié constaté au sein de la société HJ Casabon, ont été dégrevés ; les prélèvements nets de trésorerie qui ont fait l'objet de rectifications notifiées aux deux sociétés n'ont pas été considérés comme des revenus réputés distribués entre les mains du requérant ;

- les impositions en litige ont été établies après contrôle des deux sociétés qui n'avaient souscrit aucune déclaration ni présenté de comptabilité ; les seules pièces dont a disposé le vérificateur étaient les CCP obtenus par l'exercice du droit de communication ; cette circonstance explique que les recettes n'ont pu être appréhendées qu'en fonction des dates d'encaissement, les crédits ayant été considérés comme des recettes commerciales à défaut de tout justificatif permettant d'établir de manière probante qu'ils constituaient de simples dépôts, remboursements ou virements entre sociétés ; concernant les charges le vérificateur a procédé selon la même méthode au regard des décaissements constatés ;

- M.C..., dirigeant de droit et de fait des sociétés contrôlées, avait le contrôle total des deux sociétés ; son appréhension des bénéfices reconstitués est démontrée, comme l'a confirmé la justice pénale ;

- s'agissant des pénalités, le vérificateur ne s'est pas borné, pour les justifier, à se référer à la procédure pénale ; il s'est appuyé, en les rappelant, sur des éléments révélant une gestion confuse des sociétés et de graves manquements comptables sous la responsabilité de M.C...; le caractère intentionnel de l'infraction est établi par l'importance des sommes utilisées à titre personnel par l'intéressé, le caractère répétitif de l'infraction et la connaissance de M. C...de ce qu'en agissant ainsi, il éludait délibérément l'impôt.

Par ordonnance du 22 mars 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 29 mars 2017 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- et les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C...était le gérant de la société à responsabilité limitée (SARL) Courtage d'Assurance Pyrénéen (CAP), ayant eu pour activité le courtage en assurances, et le président-directeur général de la société anonyme (SA) HJ Casabon, laquelle intervenait dans le secteur de l'assurance conseil. Ces sociétés ont fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2004 au 6 décembre 2006 à l'issue de laquelle l'administration fiscale a taxé à l'impôt sur le revenu, entre les mains de M.C..., les bénéfices reconstitués dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au titre des années 2004, 2005 et 2006. Les impositions supplémentaires auxquelles M. C...a été assujetti ont été assorties des contributions sociales correspondantes et de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue par l'article 1729 du code général des impôts. M. C...relève appel du jugement rendu le 10 juillet 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 17 mars 2017, intervenue postérieurement à l'introduction de la requête d'appel, l'administration fiscale a prononcé un dégrèvement à hauteur de 17 238 euros correspondant aux contributions sociales auxquelles M. C...avait été assujetti au titre des années 2004, 2005 et 2006. Dès lors, il n'y a pas lieu de se prononcer, dans cette mesure, sur la requête d'appel.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Dans le jugement attaqué, le tribunal administratif a rappelé la condamnation à une peine de cinq ans d'emprisonnement, dont trois avec sursis, prononcée à l'encontre de M. C... par le tribunal correctionnel de Bordeaux pour des escroqueries, abus de confiance, faux et usage de faux, abus des biens ou du crédit d'une société par actions par un dirigeant à des fins personnelles et exercice illégal de la profession de banquier. Les premiers juges ont également rappelé que les sociétés CAP et Casabon, dont M. C...était maître de l'affaire, n'avaient tenu aucune comptabilité régulière au cours de la période vérifiée. Ils ont déduit de ces considérations que l'administration n'avait pas la possibilité de reconstituer autrement les bénéfices des sociétés qu'à partir des encaissements constatés sur leurs comptes bancaires et que " les requérants dans ce contexte particulier n'établissent pas que la méthode de reconstitution des bénéfices utilisée par l'administration revêtirait un caractère radicalement vicié ou excessivement sommaire... ". Ce faisant, le tribunal n'a pas omis de répondre au moyen soulevé par M. C...et tiré de ce que la méthode de reconstitution utilisée par l'administration présentait un caractère hypothétique.

4. Le tribunal a également relevé que " l'autorité de la chose jugée au pénal le 18 février 2010 porte sur l'existence des détournements commis en 2004, 2005 et 2006 par M. C... mandataire social associé et maître des sociétés CAP et Casabon pour la satisfaction de ses besoins personnels ; que les montants de ces détournements sont ceux qui ont été réintégrés par l'administration fiscale dans les résultats de ces sociétés ; que s'il prétend qu'il resterait à établir qu'il a été le bénéficiaire de ces détournements qui constituent fiscalement des revenus distribués, cette preuve résulte en l'espèce des qualifications pénales retenues par le tribunal correctionnel et de la déclaration de culpabilité dont il a fait l'objet ". Ce faisant, le tribunal a répondu au moyen soulevé devant lui et tiré de ce que les sommes en litige n'auraient pas été attribuées à M.C....

5. Enfin, le tribunal n'était pas tenu de répondre aux arguments développés par M. C... à l'appui de son moyen contestant la méthode de reconstitution des bénéfices employée par l'administration fiscale.

6. Il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué n'est pas entaché des irrégularités alléguées.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne la date de clôture de l'exercice comptable 2006 et la date du début de la vérification de comptabilité des sociétés Casabon et CAP :

7. Il est constant que l'administration a abandonné la totalité des rehaussements des sociétés CAP et Casabon au titre de l'année 2006 après avoir fixé de manière erronée au 6 décembre 2006, au lieu du 31 décembre 2006, la date de clôture des exercices comptables desdites sociétés puis entamé les vérifications de comptabilité de ces dernières avant la date limite de remise à l'administration des déclarations de résultats par les sociétés en cause. M. C... soutient que ces irrégularités ont eu des effets sur la valeur probante des éléments que l'administration a recueillis quant au montant des recettes qu'il a appréhendées et en déduit que la régularité de la procédure d'imposition le concernant en a ainsi été viciée.

8. M. C...ne verse toutefois au dossier aucun document, notamment de nature comptable, retraçant les activités des sociétés CAP et Casabon au titre de l'année 2006 et de nature à remettre en cause la valeur probante des éléments que l'administration a recueillis pour établir ses propres impositions. Dans ces conditions, le moyen soulevé doit être écarté.

En ce qui concerne l'absence de procès-verbal constatant le défaut de présentation de comptabilité :

9. Aux termes de l'article L. 13 A du livre des procédures fiscales : " Le défaut de présentation de la comptabilité est constaté par procès-verbal que le contribuable est invité à signer ". L'établissement d'un procès-verbal en application de ces dispositions ne constitue pour le vérificateur qu'une simple faculté, destinée à lui faciliter l'administration de la preuve, mais dont l'absence de mise en oeuvre est sans conséquence sur la régularité de la procédure. Par conséquent, la circonstance qu'un tel procès-verbal n'a pas été établi est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition.

En ce qui concerne la motivation de la proposition de rectification :

10. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) ".

11. La proposition de rectification du 4 octobre 2007, adressée à M.C..., désigne les impôts concernés, les années et les bases d'imposition ainsi que les motifs sur lesquels l'administration s'est fondée pour justifier les rectifications envisagées. Ainsi, M. C...a bien été mis à même de formuler utilement ses observations. Et si la proposition de rectification ne précise pas les raisons pour lesquelles la date du 6 décembre 2006, au lieu de celle du 31 décembre 2006, a été retenue pour la clôture des exercices des sociétés CAP et Casabon, cette circonstance ne révèle pas en elle-même une insuffisance de motivation des rectifications relatives à la situation de M.C....

12. Il est par ailleurs constant qu'à la proposition de rectification du 4 octobre 2007 étaient jointes celles du 8 juin 2007 et du 14 juin 2007 adressées respectivement aux sociétés CAP et Casabon. Contrairement à ce que soutient M.C..., ces deux propositions de rectification énonçaient les motifs des redressements envisagés, leur nature, leur montant ainsi que les conséquences financières du contrôle. Elles précisaient également que la clôture de l'exercice 2006 des sociétés devait être fixée au 6 décembre 2006, date du jugement prononçant leur liquidation judiciaire. Enfin, les propositions de rectification rappelaient que, dans la mesure où les sociétés n'ont tenu aucune comptabilité au titre des exercices vérifiés, l'administration n'avait d'autre solution, pour reconstituer leur résultat imposable, que de se fonder sur les éléments de trésorerie dont elle disposait. Par suite, et contrairement à ce que soutient M. C..., les propositions de rectification du 8 et du 14 juin 2007 étaient suffisamment motivées.

Sur le bien fondé des impositions :

En ce qui concerne la méthode de reconstitution :

13. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1°) du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés (...) ". Aux termes de l'article 47 de l'annexe 2 du code général des impôts : " Tout redressement du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés au titre d'une période sera pris en compte au titre de la même période pour le calcul des sommes distribuées ". Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : a) Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes (...) ; b) les sommes ou valeurs attribuées aux porteurs de parts bénéficiaires ou de fondateur au titre de rachat de ces parts ; c) les rémunérations et avantages occultes (...) ".

14. M. C...exerçait une activité de courtier en assurance et d'assureur conseil dans le cadre de plusieurs sociétés dont il était le maître d'affaires, notamment la société CAP et la société Casabon, lesquelles ont été mises en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 6 décembre 2006. Le 18 février 2010, le tribunal correctionnel de Bordeaux a, par jugement définitif en ce qui concerne l'action publique, condamné M. C...à une peine de cinq ans d'emprisonnement, dont trois avec sursis, pour escroqueries, abus de confiance, faux et usage de faux, abus des biens ou du crédit d'une société par un dirigeant à des fins personnelles et exercice illégal de la profession de banquier. Il résulte de cette décision que M. C...a, entre 2000 à 2006, détourné des primes d'assurances ou des fonds destinés à diverses compagnies d'assurances, prélevé des fonds pour ses besoins personnels dans les comptes sociaux de ses différentes sociétés, proposé à des particuliers la souscription de contrats de placements intitulés " prêts en placement CAP Assurances " qui étaient en réalité affectés au renflouage de la trésorerie de ses sociétés. Pour cela, M. C...a pratiqué une " totale confusion de genre entre ses comptes et ceux de ses sociétés " et, au moyen d'un " système de cavalerie de trésorerie ", différé la cessation de paiements de ses sociétés.

15. Au cours des opérations de vérification, il est apparu que l'une des sociétés de M. C... ne tenait aucune comptabilité et disposait seulement d'un " brouillard de banque " tandis que l'autre n'a présenté aucune comptabilité.

16. Il résulte de l'instruction que le vérificateur a procédé à une reconstitution du chiffre d'affaires en se fondant sur des relevés bancaires, qu'il a obtenus par l'exercice du droit de communication, et a additionné, pour chaque année, d'une part, les encaissements sous déduction des sommes en provenance d'autres sociétés qu'il a identifiées comme correspondant à des avances remboursables et, d'autre part, les charges en prenant en compte les décaissements et les salaires versés.

17. Aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entres les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt, diminué des suppléments d'apports et augmenté des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés (...) ".

18. Dans les circonstances de l'espèce, caractérisée par l'absence de tout élément comptable au cours des opérations de contrôle, le vérificateur ne pouvait, contrairement à ce que soutient M.C..., respecter les règles de rattachement des créances fixées par le 2 de l'article 38 du code général des impôts qui lui imposait de se référer à la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice et, notamment, à la prise en compte des valeurs réalisables comprises dans l'actif à l'ouverture de l'exercice. Le vérificateur ne pouvait davantage procéder à des ajustements extra-comptables permettant de se rapprocher des règles fixées au 2 de l'article 38 du code général des impôts. Compte tenu de ces circonstances, et comme l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, la méthode de reconstitution des bénéfices employée ne peut être regardée comme présentant un caractère radicalement vicié ou excessivement sommaire.

19. M. C...produit, pour la première fois en appel, le grand livre, les journaux comptables et la liasse fiscale, d'ailleurs pour la société Casabon uniquement et pour la seule l'année 2004. Toutefois, le grand livre et le journal comptable se présentent sous la forme d'un tableau retraçant une série de dépenses et de recettes qui sont dépourvues de tout justificatif tandis que la liasse fiscale ne comporte aucun élément permettant de vérifier qu'elle aurait été établie par un expert-comptable. Dans ces conditions, ces documents, dont il est constant qu'ils n'avaient pas été présentés au cours des opérations de vérification, n'ont pas un caractère suffisamment probant permettant de remettre en cause la méthode de reconstitution utilisée par l'administration.

En ce qui concerne l'existence de revenus distribués :

20. En vertu de l'article 109 du code général des impôts, cités au point 13 du présent arrêt, les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital, ainsi que les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés et non prélevées sur les bénéfices, sont considérés comme distribués.

21. Dès lors que le redressement en litige a été notifié selon la procédure contradictoire et n'a pas été accepté par le requérant, il appartient en principe à l'administration de justifier du bien-fondé des redressements apportés aux résultats des sociétés CAP et Casabon et d'établir que les sommes regardées comme distribuées ont été mises à la disposition effective de M.C.... Toutefois, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci.

22. Comme dit précédemment, aucune comptabilité n'a été présentée au cours des opérations de vérifications des sociétés Casabon et CAP, de sorte que l'administration a procédé à la reconstitution du bénéfice de ces dernières, au titre des années 2004 à 2006, à partir des relevés des comptes bancaires et d'un brouillard de banque qu'elles a obtenus en exerçant son droit de communication auprès des établissements bancaires et de l'autorité judiciaire. Comme il a déjà été dit, la reconstitution ainsi effectuée, à l'issue de laquelle l'administration a taxé à l'impôt sur le revenu entre ses mains les bénéfices reconstitués, ne peut être regardée comme viciée dans son principe ou excessivement sommaire. Il est par ailleurs constant que M. C...était le seul maître d'affaires des sociétés en cause et qu'il pouvait disposer sans contrôle de leurs fonds. De plus, M. C...a organisé, d'une part, une confusion entre les patrimoines de ces sociétés et, d'autre part, entre son propre patrimoine et ceux desdites sociétés comme l'a relevé le tribunal correctionnel dans son jugement du 18 février 2010. Au regard de l'ensemble de ces considérations, l'administration établit l'appréhension par M. C...de revenus distribués au sens de l'article 109 précité du code général des impôts.

Sur les pénalités :

23. Aux termes du 1 de l'article 1729 du code général des impôts : " Lorsque la déclaration (...) fait apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (...) ". Aux termes de l'article L 80 D du livre des procédures fiscales : " les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979..quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable (...) ".

24. Contrairement à ce que soutient le requérant, le vérificateur ne s'est pas contenté, dans la proposition de rectification du 4 octobre 2007, de se référer à la procédure ouverte devant les juridictions pénales pour motiver l'application de la pénalité de 40 % prévue à l'article 1729 précité. Le vérificateur a au contraire rappelé en détail l'implication de M. C...dans des faits, qu'il a lui-même constatés, tenant à l'existence de graves manquements comptables et à la confusion totale entre les patrimoines des sociétés contrôlées par ce dernier. La proposition de rectification indique enfin que ces éléments caractérisent un manquement délibéré au sens de l'article 1729 du code général des impôts. Elle est, par suite, suffisamment motivée.

25. Enfin, la volonté de M. C...d'éluder l'impôt est établie par l'importance des sommes en provenance des sociétés vérifiées qu'il a utilisées à titre personnel et le caractère répétitif des infractions commises sur les trois années vérifiées. De plus, M. C...ne pouvait ignorer qu'en agissant ainsi, il éludait délibérément l'impôt.

26. Dès lors, M. C...n'est pas fondé à solliciter la décharge de la pénalité en litige.

27. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Enfin, il n'y pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions de M. C... présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de M. C...à hauteur de la somme de 17 238 euros.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C...est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C..., au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera transmise à la direction de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

Mme Christine Mège, président-assesseur,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 9 janvier 2018.

Le rapporteur,

Frédéric Faïck

Le président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Evelyne Gay-Boissières

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX03395


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX03395
Date de la décision : 09/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Rectification (ou redressement) - Proposition de rectification (ou notification de redressement).

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Détermination du revenu imposable.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : SELARL RSDA

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-01-09;16bx03395 ?
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