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17/10/2017 | FRANCE | N°15BX01354

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 17 octobre 2017, 15BX01354


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner, solidairement, le centre hospitalier universitaire de Toulouse et son assureur, la société AXA Assurance, à lui verser la somme de 96 802,24 euros en réparation des préjudices que lui ont causés les fautes commises par le centre hospitalier lors de sa prise en charge de M. D... pour le remplacement d'une prothèse de hanche,

à lui verser des intérêts de retard à compter du 19 janvier 2012 et les...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner, solidairement, le centre hospitalier universitaire de Toulouse et son assureur, la société AXA Assurance, à lui verser la somme de 96 802,24 euros en réparation des préjudices que lui ont causés les fautes commises par le centre hospitalier lors de sa prise en charge de M. D... pour le remplacement d'une prothèse de hanche, à lui verser des intérêts de retard à compter du 19 janvier 2012 et les intérêts capitalisés à compter du 19 janvier 2013, à lui verser une pénalité égale à 15 % du montant de cette condamnation, et de mettre à la charge, solidairement, du centre hospitalier universitaire et de la société AXA Assurance les frais d'expertise ainsi qu'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1201527 du 26 février 2015, le tribunal administratif de Toulouse a partiellement fait droit à cette demande en condamnant le centre hospitalier universitaire de Toulouse et la société AXA Assurance à verser à l'ONIAM une somme de 19 843,67 euros assortie, à compter du 23 janvier 2012, des intérêts légaux capitalisés à compter du 23 janvier 2013 ainsi que d'une pénalité de 992,19 euros. Le tribunal administratif de Toulouse a en outre mis à la charge du centre hospitalier universitaire de Toulouse et de la société AXA Assurance les frais et honoraires d'expertise taxés et liquidés à la somme totale de 700 euros ainsi qu'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 avril 2015, et deux mémoires enregistrés le 20 avril 2016 et le 10 juillet 2017, l'ONIAM, représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 26 février 2015 en tant qu'il n'a pas reconnu le centre hospitalier universitaire de Toulouse et la société AXA Assurance intégralement responsables des préjudices subis par M. D...dans les droits duquel il s'est substitué ;

2°) de condamner solidairement le centre hospitalier universitaire de Toulouse et la société AXA Assurance à lui verser la somme totale de 96 802,24 euros en réparation de ses préjudices ;

3°) de dire que le montant des intérêts sera capitalisé le 19 janvier de chaque année ;

4°) de condamner le CHU de Toulouse et son assureur, la compagnie AXA à verser à l'ONIAM la somme de 700 euros au titre du remboursement des frais d'expertise ;

5°) de condamner solidairement le centre hospitalier universitaire de Toulouse et la société AXA Assurance à lui verser une pénalité égale à 15 % du montant des sommes au paiement desquelles ils seront condamnés ;

6°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Toulouse et de la société AXA Assurance la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

7°) de déclarer la décision à intervenir commune et opposable à la caisse primaire d'assurance maladie de la Vienne.

L'Office soutient que :

- le jugement doit être confirmé en tant qu'il a reconnu l'existence d'une erreur médicale exclusivement imputable au centre hospitalier de Toulouse ;

- en revanche, il doit être reformé en tant qu'il a considéré que cette erreur a seulement privé M. D...d'une chance d'éviter le dommage qu'il a subi et qu'il n'y avait pas lieu d'indemniser M. D...au titre des frais d'assistance d'une tierce personne ;

- les préjudices subis par M. D...doivent être évalués conformément aux montants retenus par l'expert et par l'Office ;

- compte tenu des conclusions dépourvues d'ambiguïté de l'expert, il y a lieu de faire application de la pénalité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la sante publique.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 mars 2016, 9 janvier, 18 et 25 juillet 2017, le centre hospitalier universitaire de Toulouse et la société AXA Assurance, représentés par MeA..., concluent, à titre principal, à la réformation du jugement en tant qu'il a retenu la responsabilité du centre hospitalier, au rejet des demandes de l'ONIAM et de la CPAM, à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'ONIAM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, à titre subsidiaire, à ce que le montant des sommes mises à leur charge soit significativement réduit.

Ils font valoir que :

- compte tenu de l'état antérieur du patient, aucune faute n'a été commise par le centre hospitalier que ce soit dans le choix thérapeutique ou au cours de l'intervention chirurgicale ;

- compte tenu de l'état antérieur du patient, la perte de chance subie par celui-ci ne peut être supérieure à un tiers ;

- il n'existe pas de lien de causalité entre une hypothétique faute du centre hospitalier et le déficit fonctionnel temporaire subi par M.D..., lequel est consécutif aux suites prévisibles de l'opération puis à une thrombose ;

- le montant des préjudices subis par M. D...doit être réduit pour correspondre à l'évaluation de l'ONIAM ;

- il n'y a pas lieu d'indemniser M. D...au titre des frais d'assistance à tierce personne dès lors que celui-ci avait déjà besoin d'une aide à domicile avant l'intervention chirurgicale dont s'agit ;

- aucun préjudice d'agrément n'est établi ;

- le montant du déficit fonctionnel permanent de M. D...doit être fortement minoré pour tenir compte de son état antérieur évolutif ainsi que de l'absence de lien entre les douleurs qu'il ressent au genou et l'intervention chirurgicale susmentionnée ;

- compte tenu du taux retenu pour la perte de chance, seul un tiers des frais d'expertise doit être mis à leur charge ;

- leur bonne foi ne pouvant être mise en cause, il n'y pas lieu de leur appliquer la pénalité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique.

Par des mémoires enregistrés le 21 avril 2016 et 28 juin 2017, la caisse primaire d'assurance maladie du Lot, représentée par la société Bardet et associés, demande que le centre hospitalier universitaire de Toulouse soit condamné à lui verser la somme de 27 157,37 euros en remboursement de ses débours, subsidiairement la somme correspondante après application d'un coefficient au titre de la perte de chance, la somme de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'ordonnance du 24 janvier 1996 et la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre les entiers dépens.

La caisse primaire soutient qu'elle a exposé des dépenses de santé pour un montant de 27 157,37 euros dont elle est fondée à demander le remboursement en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Par une ordonnance du 28 juin 2017, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 31 juillet 2017.

Un mémoire présenté par la CPAM du Lot a été enregistré le 31 juillet 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.E...,

- les conclusions de M. Katz, rapporteur public. ;

- et les observations de Me C...représentant l'ONIAM.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 1142-14 du code de la santé publique dans sa rédaction issue de la loi du 4 mars 2002 : " Lorsque la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales estime qu'un dommage relevant du premier alinéa de l'article L. 1142-8 engage la responsabilité d'un établissement de santé, ( ... )1'assureur qui garantit la responsabilité civile ou administrative de la personne considérée comme responsable par la commission adresse à la victime (...) une offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis ". En application de l'article L. 1142-15 du même code : " En cas de silence ou de refus explicite de la part de 1'assureur de faire une offre (...), l'office institué à l'article L. 1142-22 est substitué à l'assureur (...) L'acceptation de 1 'office de 1 'office vaut transaction au sens de l'article 2044 du code civil. La transaction est portée à la connaissance du responsable et, le cas échéant, de son assureur. Sauf dans le cas où le délai de validité de la couverture d'assurance garantie par les dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 251-2 du code des assurances est expiré, l'office est subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage ou, le cas échéant, son assureur. Il peut en outre obtenir remboursement des frais d'expertise. Lorsque 1'office transige avec la victime, ou ses ayants droit, en application du présent article, cette transaction est opposable à l'assureur ou, le cas échéant, au responsable des dommages sauf le droit pour ceux-ci de contester devant le juge le principe de la responsabilité ou le montant des sommes réclamées. " Il incombe au juge, saisi d'une action de l'ONIAM subrogé, à l'issue d'une transaction, dans les droits d'une victime à concurrence des sommes qu'il lui a versées, de déterminer si la responsabilité du professionnel ou de l'établissement de santé est engagée et, dans l'affirmative, d'évaluer les préjudices subis afin de fixer le montant des indemnités dues à l'Office. Lorsqu'il procède à cette évaluation, le juge n'est pas lié par le contenu de la transaction intervenue entre l'ONIAM et la victime.

2. Le 1er mars 2007, M.D..., né le 10 juin 1925, a subi une intervention chirurgicale au centre hospitalier universitaire de Toulouse (CHU) dont l'objet était de retirer sa prothèse totale de hanche gauche et de poser un spacer dans l'attente d'une seconde opération. Dans son avis du 11 mars 2009, la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI), saisie par M. D...d'une demande de réparation des dommages que lui aurait causés cette intervention, a retenu la responsabilité du CHU et a estimé qu'il appartenait à son assureur, la société AXA Assurance, de formuler une offre d'indemnisation à M.D.... Cette société ayant néanmoins refusé de procéder à cette indemnisation, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) s'est substitué à l'assureur et, par deux protocoles transactionnels en date des 26 février et 25 mai 2010, a versé à M. D...la somme totale de 96 802, 24 euros. L'ONIAM demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 26 février 2015 en tant qu'il a limité à 19 843,67 euros la somme que le CHU et la société AXA Assurance sont condamnés à lui rembourser au principal. En outre, la caisse primaire d'assurance maladie du Lot demande que le centre hospitalier universitaire de Toulouse soit condamné à lui verser la somme de 27 157,37 euros en remboursement de ses débours.

Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie :

3. La caisse primaire d'assurance maladie du Lot, appelée dans la cause par le tribunal administratif de Toulouse, n'a pas sollicité devant les premiers juges le remboursement de ses frais. Dès lors, elle n'est pas recevable à demander pour la première fois en appel que les dépenses de santé qu'elle a exposées à raison de la détérioration de l'état de santé de M. D...soient mises à la charge du CHU et de son assureur. Par suite, les conclusions de la caisse primaire ne peuvent qu'être rejetées, y compris ses conclusions tendant à l'application des articles L. 376-1 du code de la sécurité sociale et L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la responsabilité :

4. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique dans sa rédaction issue de la loi du 4 mars 2002 : " I. -Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. 1 Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. ".

5. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport remis le 5 décembre 2008 par l'expert nommé par la CRCI, que M. D...a bénéficié d'une prothèse totale de hanche gauche en 1994. Du fait des douleurs ressenties par celui-ci et du descellement d'origine infectieuse de cette prothèse, plusieurs opérations chirurgicales de reprise ont été rendues nécessaires en 1994, 1995 et 1998. Depuis 1994 et jusqu'à une chute survenue en octobre 2006, M. D...s'est déplacé à l'aide de cannes anglaises et les douleurs qu'il ressentait à la hanche ont été traitées par la prescription de médicaments contre la douleur et d'antibiotiques. Ces douleurs ayant empiré à la suite de cette chute, M. D...s'est présenté, pour consultation, aux hôpitaux de Moissac et de Montauban puis à la clinique de la Croix Saint Michel à Montauban avant d'être orienté vers le CHU de Toulouse. Bien qu'aucun des examens pratiqués dans ces différents établissements n'ait permis de confirmer un descellement d'origine infectieuse de sa prothèse et qu'il résulte du compte-rendu de l'intervention chirurgicale du 1er mars 2017 que cette prothèse n'était, en réalité, pas descellée, ce diagnostic a été retenu par l'ensemble des médecins consultés par M. D...et l'expert missionné par la CRCI a également considéré qu'eu égard aux importants antécédents de sepsis liés à cette prothèse, l'intervention en deux temps préconisée par le chirurgien du CHU correspondait au meilleur choix, même s'il aurait été envisageable de repousser cette intervention chirurgicale. Dans ces conditions, l'ONIAM n'est pas fondé à soutenir que le choix d'une telle intervention caractérise une faute médicale.

6. En revanche, il résulte également de l'instruction et de l'expertise susmentionnée que le spacer posé en lieu et place de la prothèse n'était pas compatible avec la fémorotomie (fracture du fémur) que l'ablation de cette prothèse a nécessité. La pose de ce spacer n'a, en particulier, pas eu pour effet de stabiliser la hanche et le fémur de M. D...et cette instabilité n'a pas non plus été compensée par la pose d'une traction post-opératoire. Ce manque de stabilité fémorale n'a pas permis à M. D...de mobiliser sa jambe, a substantiellement contribué à la survenue d'une thrombophlébite de la jambe gauche, qui a, elle-même, retardé la pose d'une nouvelle prothèse et a ainsi favorisé l'apparition d'une attitude vicieuse du fémur qui n'a pu être corrigée lors de la pose de cette nouvelle prothèse. Il résulte de ce qui précède que l'utilisation d'un spacer inadapté lors de l'intervention chirurgicale du 1er mars 2007 constitue, en l'absence de mesures compensatrices, une faute de nature à engager la responsabilité du CHU.

7. Toutefois, dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.

8. En l'espèce, M. D...présentait un état antérieur très dégradé. Il était en effet en surpoids et âgé de 82 ans à la date de l'intervention dont s'agit. Depuis 1994, il ne pouvait marcher que difficilement avec l'aide de cannes anglaises tandis que sa jambe gauche était plus courte de 6 cm que sa jambe droite. En outre il a souffert, depuis cette époque, de douleurs périodiques de la hanche qui sont devenues aiguës, à compter de sa chute en octobre 2006. L'expert a ainsi relevé que " les antécédents de Monsieur D...qui a eu une prothèse totale de hanche multi-opérée ayant eu un sepsis représentaient une vulnérabilité pouvant avoir une incidence sur le dommage " et que l'erreur médicale commise l'avait seulement privé d'une chance d'échapper aux complications survenues ainsi qu'à l'aggravation de son état de santé. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation de la perte de chance subie par M. D... en la fixant à la moitié de son dommage corporel.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

S'agissant des dépenses de santé :

9. L'ONIAM a indemnisé M. D...des frais qu'il a exposés pour l'achat d'un fauteuil roulant. Ces frais s'élevant à la somme de 731,01 euros, il résulte de ce qui a été dit au point 8 du présent arrêt que le CHU et la société AXA Assurance doivent être condamnés à verser à l'ONIAM une somme de 365,5 euros.

S'agissant des frais liés à l'assistance d'une tierce personne non qualifiée :

10. Il résulte de l'instruction qu'avant l'intervention chirurgicale du 1er mars 2007, M. D... ne se déplaçait qu'à l'aide de cannes anglaises et que ce handicap peut être regardé comme nécessitant de recourir à l'assistance d'une tierce personne une heure par jour. La détérioration de l'état de santé de M.D..., qui doit désormais se déplacer en fauteuil roulant, nécessite l'assistance d'une tierce personne une heure supplémentaire par jour. Le coût, non contesté, de cette aide ménagère s'élevant, compte tenu de l'espérance de vie statistique de M. D..., à la somme de 18 510,11 euros, le CHU et son assureur seront condamnés à verser à l'ONIAM une somme de 9 255 euros à raison de ce chef de préjudice.

En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux :

S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :

11. Il résulte de l'instruction que le déficit fonctionnel temporaire total dont a souffert M. D...n'est imputable à la faute médicale commise par le CHU que pour la période du 1er juillet 2007 au 21 décembre 2007. Dès lors, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi à ce titre par M. D...en le fixant à la somme réclamée de 2 040 euros. Par suite, eu égard à la perte de chance susmentionnée, l'ONIAM est seulement fondé à demander que le CHU et son assureur soient condamnés à lui verser à ce titre une somme de 1 020 euros.

S'agissant des souffrances endurées :

12. Il résulte de l'instruction, et n'est pas contesté en défense, que les souffrances endurées par M. D...doivent être évaluées à 5/7 et son préjudice à la somme de 8 255 euros. Par suite, eu égard à la fraction du dommage devant donner lieu à réparation, l'ONIAM est seulement fondé à demander que le CHU et son assureur soient condamnés à lui verser à ce titre une somme de 4 127,50 euros.

S'agissant du préjudice esthétique :

13. Il résulte de l'instruction que M. D...doit désormais avoir recours en permanence à un fauteuil roulant et que son membre inférieur gauche présente une attitude vicieuse en rotation latérale. Dans ces conditions, le préjudice esthétique de M. D...doit être évalué à 4/7 et fixé à la somme de 3 500 euros. Par suite, eu égard à la fraction du dommage devant donner lieu à réparation, l'ONIAM est seulement fondé à demander que le CHU et son assureur soient condamnés à lui verser à ce titre une somme de 1 750 euros.

S'agissant du déficit fonctionnel permanent :

14. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise que, consécutivement à l'intervention du 1er mars 2007, M. D...n'a plus l'usage de sa jambe gauche et a subi une aggravation conséquente de la pathologie affectant ses genoux. Ainsi, le déficit fonctionnel permanent imputable à la seule faute médicale commise par le CHU doit être évalué à 40 %. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice et du préjudice d'agrément en les fixant à la somme globale de 40 226 euros. Par suite, eu égard à la perte de chance subie par M.D..., l'ONIAM est seulement fondé à demander que le CHU et son assureur soient condamnés à lui verser à ce titre une somme de 20 113 euros.

15. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que l'ONIAM est fondé à demander que la somme qui lui a été allouée par les premiers juges en réparation de son préjudice soit portée de 19 843, 67 euros à 36 631 euros et, d'autre part, que l'appel incident du CHU doit être rejeté.

Sur la pénalité prévue par les dispositions de l'article L. 1142-15 du code de la santé Publique :

16. Aux termes du cinquième alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique : " En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n'est pas assuré, le juge, saisi dans le cadre de la subrogation, condamne, le cas échéant, l'assureur ou le responsable à verser à l'office une somme au plus égale à 15 % de l'indemnité qu'il alloue. "

17. Il résulte de l'instruction que l'assureur du CHU a refusé de faire une offre d'indemnisation à M. D...alors que l'expert missionné par la CRCI avait considéré que le CHU avait commis une faute médicale et il résulte de ce qui a été dit au point 6 du présent arrêt que cette faute n'était pas sérieusement contestable. Dans ces conditions, il y a lieu de condamner le CHU et la société AXA Assurance à payer à l'ONIAM une somme égale à 7,5% de la somme de 36 631 euros précitée, soit 2 747,32 euros.

Sur les frais d'expertise :

18. L'ONIAM justifie avoir supporté les frais de 1'expertise diligentés dans le cadre de la procédure de règlement amiable devant la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales pour un montant de 700 euros. Ainsi et contrairement à ce qui est soutenu en défense, ces frais ne font pas partie du préjudice patrimonial subi par M. D...mais constituent des dépenses que l'ONIAM a directement exposées. Par suite, le CHU et son assureur ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse les a condamnés à rembourser à l'ONIAM l'intégralité de cette somme en application des dispositions précitées du 4ème aliéna de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHU et de son assureur une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'ONIAM et non compris dans les dépens. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de L'ONIAM, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme que le centre hospitalier universitaire de Toulouse et la société AXA Assurance ont été condamnés à verser à l'ONIAM par le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 26 février 2015 est portée à 36 631 euros.

Article 2 : La somme que le centre hospitalier universitaire de Toulouse et la société AXA Assurance ont été condamnés à verser à l'ONIAM à titre de pénalité est portée à 2 747,32 euros.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 26 février 2015 est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 4 : le centre hospitalier universitaire de Toulouse et la société AXA Assurance verseront, solidairement, à l'ONIAM une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, au centre hospitalier universitaire de Toulouse, à la société AXA Assurance et à la Caisse primaire d'assurance maladie du Lot.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 octobre 2017.

Le rapporteur,

Manuel E...Le président,

Éric Rey-Bèthbéder Le greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 15BX01354


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX01354
Date de la décision : 17/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : SELARL MONTAZEAU et CARA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-10-17;15bx01354 ?
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