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15/06/2017 | FRANCE | N°15BX04209

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 15 juin 2017, 15BX04209


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...C...ont demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2004 et 2005, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1401294 du 29 octobre 2015, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 29 décembre 2015, le 11 avril 2016

et le 30 novembre 2016, M. et Mme B...C..., représentés par la SCP Thouin-Palat et Boucard, dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...C...ont demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2004 et 2005, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1401294 du 29 octobre 2015, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 29 décembre 2015, le 11 avril 2016 et le 30 novembre 2016, M. et Mme B...C..., représentés par la SCP Thouin-Palat et Boucard, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier au motif qu'il ne comporte pas l'ensemble des mentions obligatoires prévues par l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

- il est également entaché d'une contradiction de motifs ;

- le tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier en considérant que l'administration n'aurait pas procédé à la requalification juridique des plantations ;

- le jugement attaqué n'a pas répondu au moyen tiré de ce que les récoltes sur pied étaient la propriété des sociétés propriétaires des plantations et non de la société Routa, propriétaire des seuls produits récoltés et donc périssables, ce qui expliquait l'absence de stock comptabilisé ;

- la proposition de rectification n'est pas motivée au sens de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales en l'absence d'indication du montant des rehaussements envisagés et des motifs de droit et de fait qui la fondent ; elle n'indique pas davantage la nature des stocks (produits récoltés, avances aux cultures, récoltes sur pied) pris en compte dans le rehaussement de la société Routa ;

- la méthode d'évaluation des stocks de la société en fonction de la valeur nette comptable des plantations n'est pas pertinente ; la valeur nette comptable en fonction d'amortissements correspond uniquement à l'évaluation des éléments d'actifs immobilisés corporels à l'exclusion des stocks ; les stocks (récoltes, récoltes sur pied ou avances aux cultures) doivent être évalués en fonction de leur prix de revient, déterminé en fonction des dépenses effectivement engagées par l'exploitant et non de manière forfaitaire en fonction de l'amortissement des plantations et de leur valeur nette comptable ;

- cette méthode est viciée dans son principe au regard des dispositions des articles 72, 72 A et 38-3 du code général des impôts ainsi que des dispositions des articles 38 sexdecies H, 38 nonies et 38 decies de l'annexe III à ce code qu'elle méconnaît ;

- il appartient à l'administration de prouver qu'un élément d'actif n'est pas correctement évalué qu'il s'agisse d'une immobilisation ou d'un stock ; les récoltes sur pied n'existent pas à l'ouverture de l'exercice, et en fin d'exercice elles sont évaluées soit à leur coût de revient soit à leur valeur vénale réelle ; une méthode d'évaluation forfaitaire des récoltes sur pied est nécessairement viciée dans son principe dès lors qu'elle ne tient pas compte des éléments réels d'exploitation ; en évaluant les stocks en fonction de la valeur des plantations et d'un amortissement sur cinq ans sans tenir compte du coût de revient effectif desdits stocks à évaluer au titre de chacun des exercices, l'administration a commis une erreur de droit ;

- ils sont en tout état de cause fondés à demander la décharge des rappels d'impôts sur le revenu issus du rehaussement du résultat d'exploitation à court terme de la société Routa pour un montant de 11 325 euros en 2004 et de 12 991 euros en 2005 dès lors que ces rehaussements n'ont pas été justifiés ni motivés dans la proposition de rectification.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 juillet 2016 et le 14 mars 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme C...ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 14 mars 2017, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 4 avril 2017.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Madelaigue,

- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. M. B...C...est associé de la société d'exploitation agricole (SEA) de Routa. Cette société exploite à la Guadeloupe des cultures d'ananas, de canne à sucre et de vanille sur des terres qui lui sont données à bail.

2. La société de Routa réalise son activité avec le concours de sociétés en nom collectif opérant des investissements en outre-mer. Celles-ci acquièrent les immobilisations nécessaires à l'exploitation agricole et les louent ensuite à la société de Routa qui en devient propriétaire au terme d'une période de cinq années.

3.La société de Routa, qui est imposée selon le régime réel simplifié, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005 à l'issue de laquelle le service a rectifié le bénéfice agricole de la société après avoir constaté, d'une part, qu'elle n'avait pas comptabilisé en stock les avances aux cultures et n'avait pas évalué les stocks constitués par les cultures sur pied et, d'autre part, qu'elle avait à tort appliqué le régime des plus-values à court terme.

4. Le bénéfice agricole résultant de ces rectifications et notamment de l'augmentation d'actif correspondant à la variation de la production stockée a été imposé entre les mains de M. C... en fonction de sa participation dans la société de Routa.

5. M. et Mme C...relèvent appel du jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe qui a rejeté leur demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles leur foyer fiscal a été assujetti au titre des années 2004 et 2005, ainsi que des pénalités correspondantes, à la suite de ce contrôle.

6. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile.

7. La proposition de rectification du 30 octobre 2007 adressée à M. et Mme C...indique qu'elle est consécutive à la vérification de comptabilité de la SEA de Routa. Une copie de la proposition de rectification du 8 août 2007, établie selon la procédure contradictoire et adressée à M. A...C..., gérant de la société, est jointe en annexe.

8. En ce qui concerne les avances aux cultures, la proposition de rectification du 8 août 2007 adressée à la société rappelle tout d'abord les dispositions applicables. Elle indique qu'en application de l'article 72 A du code général des impôts, les avances aux cultures sont inscrites dans les stocks d'entrée et de sortie des exploitations agricoles soumises au régime réel d'imposition. Elle précise que les sommes que le repreneur verse au cédant à titre de remboursement d'avances sur cultures exposées par ce dernier constitue pour celui-ci une recette et non une plus-value de cession d'un élément d'actif susceptible d'être exonérée en application de l'article 41 du code et justifie ainsi la réintégration des sommes correspondantes dans le chiffre d'affaires de la société.

9. Néanmoins, la motivation de la proposition ne permet pas de déterminer clairement le montant de la rectification procédant de ce premier chef de redressement.

10. En ce qui concerne l'évaluation, en variation de stocks, des cultures sur pied, la proposition de rectification relève que celle-ci fait défaut, alors qu'elle aurait dû être établie conformément à l'article 38 sexdecies H de l'annexe III au code général des impôts qui prévoit que ces stocks doivent être évalués au prix de revient mais que le prix de revient peut être déterminé forfaitairement. La proposition indique encore : " méthode d'évaluation des stocks : l'évaluation est établie au prix facturé ou à la valeur réelle ".

11. Toutefois, le service se borne ensuite à mentionner une valeur brute chiffrée des cultures sur pied, ventilée selon le " nom de l'opération (de défiscalisation) " sans indiquer la base (coûts standards, prix de la récolte au cours du jour de clôture de l'exercice...) à laquelle il s'est référé ni la nature et la quantité des récoltes sur pied ainsi évaluées. En outre, cette évaluation brute non précisée est affectée d'une décote de 20 % (" au titre d'un amortissement normal sur une durée de 5 ans ") sans qu'il soit justifié sur quel fondement le prix de revient des cultures sur pied est ainsi évalué forfaitairement.

12. Dans ces conditions, la motivation insuffisante de la proposition de rectification de la société par référence à laquelle les rectifications du revenu imposable des requérants ont été opérées ne permettait pas à ces derniers d'engager utilement un dialogue avec l'administration, y compris sur la méthode d'évaluation des cultures sur pied. Sans même qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, y compris ceux relatifs à la régularité du jugement attaqué, M. et Mme C...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté leur demande.

13. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement à M. et Mme C...de la somme de 1 500 euros.

DECIDE

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe est annulé.

Article 2 : M. et Mme C...sont déchargés des compléments d'impôt sur le revenu et des pénalités auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2004 et 2005.

Article 3: L'Etat versera à M. et Mme C...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...C...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Une copie en sera adressée à la direction du contrôle fiscal sud-ouest et au ministre des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 18 mai 2017 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

Mme Marianne Pouget, président-assesseur,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 15 juin 2017.

Le rapporteur,

Florence Madelaigue

Le président,

Philippe Pouzoulet

Le greffier,

Evelyne Gay-Boissières

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 15BX04209


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