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30/03/2017 | FRANCE | N°16BX04029

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 30 mars 2017, 16BX04029


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler les décisions du préfet de la Haute-Vienne du 1er avril 2016 portant refus de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1600686 du 13 octobre 2016, le tribunal administratif de Limoges a annulé la décision fixant le pays de renvoi et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure dev

ant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 décembre 2016, M.C..., représenté par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler les décisions du préfet de la Haute-Vienne du 1er avril 2016 portant refus de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1600686 du 13 octobre 2016, le tribunal administratif de Limoges a annulé la décision fixant le pays de renvoi et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 décembre 2016, M.C..., représenté par Me Preguimbeau, avocat, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n°1600686 du tribunal administratif de Limoges du 13 octobre 2016 ;

2°) d'annuler le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français contenues dans l'arrêté du 1er avril 2016 du préfet de la Haute-Vienne ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour ou à défaut de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en application des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi que la somme de 13 euros correspondant à un droit de plaidoirie .

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée au regard des exigences posées par les articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, dès lors que certains éléments relatifs à sa vie privée ne sont pas visés par le préfet ;

- il a contracté un pacte civil de solidarité le 29 janvier 2015 avec sa compagne, ressortissante française, et lui apporte un soutien quotidien depuis le décès de sa fille survenu brutalement le 14 avril 2015 ; ces éléments constituent des circonstances particulières justifiant une admission au séjour au titre de la vie privée et familiale ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- cette décision est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- cette décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2017, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est suffisamment motivée en droit et en fait ;

- cette décision ne porte pas une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale du requérant, dès lors que ce dernier est entré à une date inconnue en France, qu'il n'apporte que très peu d'éléments à même de démontrer l'existence d'une vie commune avec sa compagne et qu'il ne justifie pas entretenir des liens stables et durables avec les membres de sa famille vivant en France, ni être dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'un défaut d'examen de la situation personnelle du requérant.

Par ordonnance du 30 décembre 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 février 2017 à 12 heures.

M. C...a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 novembre 2016 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et de l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Catherine Girault, président,

- et les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M.C..., ressortissant marocain, né le 21 avril 1975, titulaire d'un titre de séjour délivré par les autorités italiennes valable jusqu'au 20 mai 2016, a contracté un pacte civil de solidarité le 29 janvier 2015 avec une ressortissante française. Par un arrêté du 1er avril 2016, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a annulé la décision fixant le pays de renvoi. M. C... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes tendant à l'annulation des décisions portant refus de titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Sur la légalité de l'arrêté du 1er avril 2016 :

2. L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. En se prévalant de ses attaches familiales en France, M. C...doit être regardé comme invoquant la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par la décision contestée. Il ressort des pièces du dossier que M. C...a divorcé de son épouse marocaine par consentement mutuel le 11 mai 2011, a retiré un dossier de mariage avec MmeA..., ressortissante française en décembre 2014, puis, constatant qu'au vu des documents qui lui ont été remis par son consulat, le Maroc ne reconnaît pas un mariage d'un musulman avec une non-musulmane, a contracté le 29 janvier 2015 un pacte civil de solidarité avec sa compagne. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des différentes attestations circonstanciées de membres de la famille, d'amis et de la voisine du couple, des différentes photographies jointes au dossier ainsi que du décompte effectué par la caisse d'allocations familiales de la Haute-Vienne, que la communauté de vie de M. C...et Mme A...est stable et remonte au moins au mois de janvier 2015. En outre, il ressort de l'attestation rédigée par Mme A...le 15 avril 2016 que, depuis le décès brutal de sa fille aînée Cassandra A...survenu le 14 avril 2015, M. C... lui est d'un très grand soutien. Par suite, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce et à l'intensité et la stabilité des liens qui unissent le requérant et sa compagne, M. C... est fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Vienne a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en lui refusant un titre de séjour le 1er avril 2016, à demander l'annulation de ce refus ainsi que, par voie de conséquence, de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

5. Eu égard aux motifs d'annulation retenus au point 3, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de délivrer à M. C...un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et le droit de plaidoirie :

6. M. C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce et en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, au titre des frais d'instance, le versement à Me Preguimbeau, avocat de M.C..., de la somme de 800 euros, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

7. Aux termes de l'article 2 du décret n°95-161 du 15 février 1995 relatif aux droits de plaidoirie et à la contribution équivalente : " Le droit de plaidoirie est dû à l'avocat pour chaque plaidoirie faite aux audiences dont la liste est fixée par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice. /A défaut de plaidoirie, est considéré comme ayant plaidé l'avocat représentant la partie à l'audience(...) ". M. C...n'ayant pas été représenté à l'audience, le droit de plaidoirie n'est pas dû. Ses conclusions tendant au remboursement d'un tel droit ne peuvent donc qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : L'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 1er avril 2016 est annulé en tant qu'il refuse un titre de séjour à M. C...et lui fait obligation de quitter le territoire français.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Vienne de délivrer à M. C...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le jugement n°1600686 du tribunal administratif de Limoges du 13 octobre 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : En application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, l'Etat versera la somme de 800 euros à Me Preguimbeau, sous réserve qu'elle renonce à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C..., au ministre de l'intérieur et au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 23 février 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

M. Paul-André Braud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 mars 2017.

Le président-assesseur,

Jean-Claude PAUZIÈSLe président-rapporteur,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Vanessa BEUZELIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

No 16BX04029


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX04029
Date de la décision : 30/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Catherine GIRAULT
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SELARL PREGUIMBEAU - GREZE : AEGIS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-03-30;16bx04029 ?
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