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28/11/2016 | FRANCE | N°14BX03368

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 28 novembre 2016, 14BX03368


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Altis a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision implicite de rejet par laquelle le préfet de la région de Midi-Pyrénées a rejeté ses demandes indemnitaires et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 316 322 euros en remboursement du coût des travaux de fouilles archéologiques qu'elle a pris en charge et la somme de 159 465 euros en réparation de la perte d'exploitation qu'elle a subie du fait du retard causé dans son opération de construction d'un centre co

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Altis a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision implicite de rejet par laquelle le préfet de la région de Midi-Pyrénées a rejeté ses demandes indemnitaires et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 316 322 euros en remboursement du coût des travaux de fouilles archéologiques qu'elle a pris en charge et la somme de 159 465 euros en réparation de la perte d'exploitation qu'elle a subie du fait du retard causé dans son opération de construction d'un centre commercial, avec intérêts au taux légal à compter de la date de sa demande préalable et la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par jugement n° 1001260 du 30 septembre 2014, le tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat à lui verser une somme de 329 799 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2009 et une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par un recours enregistré le 2 décembre 2014, le ministre de la culture et de la communication demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001260 du 30 septembre 2014 ;

2°) de déclarer fautive la commune de Moissac dans la délivrance du permis de construire illégal ayant entrainé le préjudice allégué par la société Altis ;

3°) subsidiairement, de condamner la commune de Moissac à garantir l'Etat des condamnations éventuelles prononcées à son encontre.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du patrimoine ;

- la loi du 29 décembre 1892 sur les dommages causés à la propriété privée par l'exécution des travaux publics ;

- le décret n° 2004-490 du 3 juin 2004 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gil Cornevaux ;

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;

- et les observations de MeA..., représentant la société Altis.

Considérant ce qui suit :

1. La société Altis a entrepris la réalisation d'un centre commercial au lieu-dit " Pignols bas " à Moissac, pour lequel un permis de construire a été délivré le 24 avril 2008.

Les travaux de terrassement pour la réalisation par décaissement de la plateforme destinée à supporter le centre commercial ont été interrompus, à compter du 25 juillet 2008, à la suite de la découverte de vestiges archéologiques antiques. Le service régional de l'archéologie, après avoir rappelé la loi auprès de l'entreprise réalisant les travaux, a confirmé le 29 juillet 2008 l'intérêt des vestiges et s'est opposé à leur destruction. Le préfet de la région Midi-Pyrénées, postérieurement à l'étude de différentes solutions avec les parties en cause, a autorisé le 2 octobre 2008, l'opération de fouilles. La société Altis a présenté le 20 novembre 2009, une demande indemnitaire préalable portant sur les frais engagés pour la réalisation des travaux de fouilles et des pertes subies du fait du retard pris pour l'ouverture du centre commercial à laquelle l'administration lui a opposé une décision implicite de refus. Le tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat à verser à la société Altis la somme de 329 799 euros par un jugement dont appel est relevé par le ministre de la culture et de la communication. La société Altis, par la voie de l'appel incident, demande la réformation du jugement en tant qu'il a limité à 329 799 euros la somme que l'Etat a été condamné à lui verser.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'ont omis de statuer sur aucun des moyens soulevés devant eux, ont relevé que la responsabilité de l'Etat devait être engagée sur le fondement de la responsabilité sans faute en faveur des propriétaires de terrains faisant l'objet de fouilles archéologiques. Le montant du préjudice a quant à lui été fixé à partir des factures produites par la société Altis, alors d'ailleurs que l'Etat n'en contestait devant le tribunal ni le montant, ni le règlement. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté.

Sur la responsabilité de l'Etat à l'égard de la société Altis :

3. L'occupation temporaire de terrains autorisée par l'Etat à raison de fouilles archéologiques donne lieu, en application de l'article L. 531-10 du code du patrimoine, pour le préjudice résultant de la privation momentanée de jouissance et, le cas échéant, pour les dommages causés à la surface du sol, à une indemnité dont le montant est fixé, à défaut d'accord amiable, conformément aux dispositions de la loi du 29 décembre 1892 relative aux dommages causés à la propriété privée par l'exécution de travaux publics.

4. Le ministre soutient que la responsabilité sans faute de l'Etat ne peut être engagée puisqu'il ne s'agit pas de fouilles archéologiques exécutées d'office par l'Etat. Or, les vestiges archéologiques ont été découverts fortuitement par la réalisation de travaux de décaissement sur un terrain en vue d'un projet dont le permis de construire délivré ne mentionnait aucunement leur présence et ne comportait aucune prescription particulière. Après avoir demandé verbalement l'interruption des travaux, le service régional de l'archéologie s'est opposé à la destruction des vestiges compte tenu de leur intérêt scientifique et à la suite de nombreuses réunions, a proposé deux solutions, dont celle des fouilles archéologiques qui a été finalement retenue par la société Altis pour être la moins onéreuse. Ces opérations de fouilles ont été autorisées par les décisions du préfet de la région Midi-Pyrénées des 22 septembre et 2 octobre 2008. Les prises de position de l'administration quant aux fouilles devant être réalisées doivent être regardées comme manifestant l'intention de l'Etat de procéder d'office à la réalisation des fouilles et par conséquent engagent sa responsabilité sans faute.

5. Aux termes de l'article 6 du décret du 3 juin 2004 n° 2004-490 relatif aux procédures administratives et financières en matière d'archéologie préventive : " Lorsqu'il dispose d'informations lui indiquant qu'un projet qui ne lui est pas transmis en application de l'arrêté mentionné à l'article 5 est néanmoins susceptible d'affecter des éléments du patrimoine archéologique, le préfet de région peut demander au maire de lui communiquer au cours de l'instruction, selon le cas, le dossier de demande de permis de construire, de demande de permis de démolir, de demande d'autorisation de lotir, de demande d'autorisation relative à des installations ou travaux divers ou le dossier de réalisation de zone d'aménagement concerté qui correspond à ce projet ".

6. Le ministère de la culture et de la communication soutient qu'au regard des dispositions précitées, le permis de construire de la société Altis délivré par la mairie de Moissac était illégal, faute pour le maire de lui avoir communiqué le dossier de demande de permis de construire et que, de ce fait, la responsabilité pour faute de la commune de Moissac est engagée en lieu et place de la responsabilité sans faute de l'Etat. Il résulte de l'instruction que le préfet de région Midi-Pyrénées a saisi le service d'urbanisme de la mairie de Moissac, par simple voie de copie d'une correspondance du 21 mars 2008, adressée à la direction départementale de l'équipement. De plus ladite correspondance portait sur un projet à l'adresse du

lieu-dit " Vidalet ", le long de la RD 927, et non pas du lieu-dit " Pignols Bas ", adresse du projet d'opération de construction commerciale de la société Altis. C'est donc à la suite de carences des services du préfet de région Midi-Pyrénées que le permis de construire a pu être délivré à la société Altis. Il ne peut donc être reproché à la commune d'avoir commis une faute par la délivrance du permis de construire à la société Altis. Par suite, et en tout état de cause, les préjudices dont la société Altis fait état ne peuvent être regardés comme trouvant leur origine directe dans une faute de la commune de Moissac. Le ministre n'est ainsi pas fondé à soutenir que l'action de la société Altis est mal dirigée ni qu'une faute de la commune de Moissac serait de nature à exonérer l'Etat de tout ou partie de sa responsabilité.

7. Il résulte de ce qui précède que c'est donc à bon droit que le tribunal administratif de Toulouse a jugé que la société Altis pouvait prétendre à l'indemnisation des conséquences dommageables résultant des fouilles, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 531-10 du code du patrimoine.

Sur l'appel en garantie du ministère de la culture et de la communication :

8. Il résulte de ce qui précède que les conclusions en garantie présentées par le ministre de la culture et de la communication contre la commune de Moissac, au demeurant irrecevables car nouvelles en appel, doivent être rejetées dès lors que le préjudice de la société Altis résulte uniquement de la responsabilité sans faute de l'Etat.

Sur l'appel incident de la société Altis :

9. Par le biais de son appel incident, la société Altis demande une augmentation du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance en s'appuyant sur deux factures dont elle n'a pu faire état, selon ses dires, que postérieurement au dépôt de sa demande de première instance. Concernant la première facture émise le 14 mai 2009 pour un montant de

95 045,25 euros HT, il résulte de l'instruction, que cette facture est en lien direct avec les opérations matérielles de fouilles archéologiques. Ainsi, son montant doit être ajouté à l'indemnisation allouée par le tribunal administratif qui n'est d'ailleurs pas contestée en l'espèce. En revanche, les frais de la société Altis liés à sa contestation de la facture devant le juge judiciaire n'ont aucun lien direct avec les opérations de fouilles archéologiques et ne doivent donc pas être pris en charge par l'Etat sur le fondement de sa responsabilité sans faute. Aucun élément ne permettant d'établir l'existence d'une seconde facture émise pour un montant de

64 922,63 euros HT, son montant ne peut donner lieu à indemnisation.

10. Il résulte de ce qui précède que la société Altis est fondée à demander que la somme que l'Etat a été condamné à lui verser soit portée à 424 844,25 euros HT, somme qui n'excède pas le montant de ses conclusions de première instance.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat à verser à la société Altis et à la commune de Moissac la somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le recours du ministre de la culture et de la communication est rejeté.

Article 2 : La somme que l'Etat a été condamné, par le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 30 septembre 2014, à verser à la société Altis est portée à 424 844,25 euros HT.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 30 septembre 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat est condamné à verser respectivement à la société Altis et à la commune de Moissac une somme de 1 500 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la Société Altis est rejeté.

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No 14BX03368


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-05-04-01-03 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés. Congés de maladie. Accidents de service.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Gil CORNEVAUX
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : SELARL LETANG et ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 28/11/2016
Date de l'import : 27/12/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 14BX03368
Numéro NOR : CETATEXT000033550596 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-11-28;14bx03368 ?
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