La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/10/2016 | FRANCE | N°14BX02174

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 18 octobre 2016, 14BX02174


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Association Nature environnement 17 a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 2 août 2011 autorisant dans certains bassins hydrographiques, pendant cinq nuits consécutives, l'irrigation de diverses cultures, par dérogation à l'article 1er d'un arrêté du 10 juin 2011 limitant provisoirement les usages de l'eau dans ce département sur la période du 10 juin au 3 octobre 2011.

Par un jugement n° 1102002 du 15 mai 2014, le tribunal admi

nistratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Association Nature environnement 17 a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 2 août 2011 autorisant dans certains bassins hydrographiques, pendant cinq nuits consécutives, l'irrigation de diverses cultures, par dérogation à l'article 1er d'un arrêté du 10 juin 2011 limitant provisoirement les usages de l'eau dans ce département sur la période du 10 juin au 3 octobre 2011.

Par un jugement n° 1102002 du 15 mai 2014, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 juillet 2014, l'association Nature environnement 17, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 mai 2014 du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 août 2011 susmentionné ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

......................................................................................................

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Axel Basset, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public.

Une note en délibéré présentée pour l'association Nature environnement 17 a été enregistrée le 22 septembre 2016.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté cadre du 4 avril 2011 applicable à l'ensemble du territoire du département pour 2011, le préfet de la Charente-Maritime a, d'une part, défini quatorze bassins hydrographiques à l'intérieur desquels sont susceptibles d'être prises, du 4 avril au 3 octobre 2011, des mesures de suspension ou de limitation provisoire des usages de l'eau, pour faire face à une menace ou aux conséquences d'une sécheresse ou à un risque de pénurie, et, d'autre part, établi les plans d'alerte par bassin hydrographique, basés sur des indicateurs de débit des rivières, de niveaux de nappes ou d'état des milieux, ainsi que les mesures correspondantes de restriction ou d'interdiction des prélèvements d'eau. En application de l'article 4 de cet arrêté cadre, le préfet de la Charente-Maritime a, par un arrêté du 10 juin 2011 limitant provisoirement les usages de l'eau dans ce département, prononcé une suspension totale des prélèvements d'eau destinés à l'irrigation agricole sur onze des quatorze bassins hydrographiques ainsi délimités, à l'exception de certaines cultures dérogatoires, et prévu que, s'agissant des cultures qui ne font pas l'objet de cette mesure de suspension, une restriction volumétrique de 16 % pour douze bassins. Par un arrêté du 2 août 2011, l'autorité préfectorale a, par dérogation à l'article 1er de cet arrêté du 10 juin 2011, autorisé pendant cinq nuits consécutives, d'une part, l'irrigation des cultures agricoles dans trois bassins hydrographiques (Seugne, Aume-Couture, et Boutonne) et, d'autre part, sur le bassin du Mignon, l'irrigation des seules cultures fourragères au bénéfice des seuls éleveurs. L'association Nature environnement 17 relève appel du jugement du 15 mai 2014 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté préfectoral.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. La loi nº 92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau modifiée par la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006, codifiée aux articles L. 211-1 et suivants du code de l'environnement, a notamment pour objet la gestion équilibrée de la ressource en eau et vise à concilier, lors des différents usages de l'eau, les exigences de l'alimentation en eau potable de la population, de la conservation et du libre écoulement des eaux, de l'agriculture, de la pêche en eau douce, de la protection des sites et des loisirs. Selon les articles L. 211-2 et L. 211-3 de ce même code, un décret en Conseil d'Etat, d'une part, fixe notamment les règles de répartition des eaux, de manière à concilier les intérêts des diverses catégories d'utilisateurs et, d'autre part, détermine les conditions dans lesquelles l'autorité administrative peut prendre des mesures de limitation ou de suspension provisoire des usages de l'eau. Aux termes de l'article R. 211-66 dudit code : " Les mesures générales ou particulières prévues par le 1° du II de l'article L. 211-3 pour faire face à une menace ou aux conséquences d'accidents, de sécheresse, d'inondations ou à un risque de pénurie sont prescrites par arrêté du préfet du département. Elles peuvent imposer des opérations de stockage ou de déstockage de l'eau. Dans ce cas, l'arrêté imposant l'opération est porté à la connaissance de l'exploitant par tous moyens adaptés aux circonstances. Ces mesures, proportionnées au but recherché, ne peuvent être prescrites que pour une période limitée, éventuellement renouvelable. ". L'article R. 211-67 du même code dispose enfin : " Le préfet du département, lorsque la zone est entièrement comprise à l'intérieur d'un même département, ou les préfets des départements intéressés, lorsque la zone englobe un territoire s'étendant sur deux ou plusieurs départements, peuvent désigner, par arrêté, une zone d'alerte, pour un sous-bassin, bassin ou groupement de bassins correspondant à une unité hydrographique cohérente, dans laquelle ils sont susceptibles de prescrire les mesures mentionnées à l'article R. 211-66. ".

3. L'article 7E-3 du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) du bassin Loire-Bretagne, adopté par délibération n° 09-07 du comité de bassin Loire-Bretagne en date du 15 octobre 2009, pour les six années 2010 à 2015, puis approuvé par arrêté du préfet coordonnateur de ce bassin du 18 novembre 2009, dispose : " Lorsque le DCR [débit de crise] ou le PCR [niveau piézométrique de crise] est atteint, l'ensemble des prélèvements situés dans la zone d'influence du point nodal ou sur le secteur représenté par l'indicateur piézométrique, sont suspendus à l'exception de ceux répondant aux exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l'alimentation en eau potable de la population ".

4. En premier lieu, au soutien de ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté attaqué du 2 août 2011, l'association Nature environnement 17 se prévaut, par la voie de l'exception, de l'illégalité de l'arrêté cadre du 4 avril 2011 aux motifs, d'une part, que les différents seuils retenus par le préfet ont été fixés à un niveau trop bas pour sauvegarder les intérêts mentionnés à l'article L. 211-1 du code de l'environnement et que, d'autre part, cet arrêté n'institue pas le piézomètre de Saint-Georges du Bois comme indicateur de référence pour la gestion de la ressource en eau sur le bassin Curé-Sèvre Niortaise, en méconnaissance de l'article 7E-3 du SDAGE Loire Bretagne. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, pour fixer les différents seuils d'alerte mentionnés à l'article 3 dudit arrêté, applicables aux quatorze bassins hydrographiques concernés, le préfet de la Charente-Maritime s'est notamment fondé sur un ensemble de relevés collectés par Météo-France et l'Observatoire Régional de l'eau, afin de concilier, en application des dispositions des articles L. 211-1 et suivants, dont se prévaut l'association requérante, les exigences de l'alimentation en eau potable de la population, de la conservation et du libre écoulement des eaux, de l'agriculture, de la pêche en eau douce, de la protection des sites et des loisirs, alors que la sécheresse de l'année 2011 présentait un caractère exceptionnel. En se bornant à soutenir que des ruptures d'écoulement et des assecs sur les cours d'eau ont été relevés par la fédération départementale de pêche au cours de l'année 2011 alors même que les seuils de coupure n'étaient pas encore franchis, l'association Nature environnement 17 n'établit pas que le préfet de la Charente-Maritime aurait commis une erreur d'appréciation dans la détermination des niveaux des seuils d'alerte, ni, en tout état de cause, une erreur de même nature dans le choix des points de mesure destinés à évaluer le niveau de la ressource en eau en retenant parmi ces points, pour le bassin du Curé Sèvre Niortaise, le piézomètre de Forges, au lieu de celui de Saint-Georges du Bois, choix qui, contrairement à ce qu'elle soutient, n'était pas prescrit par l'article 7E-3 du SDAGE du bassin Loire-Bretagne. Il s'ensuit que l'exception soulevée par l'association requérante à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté attaqué et tirée de l'illégalité de l'arrêté cadre du 4 avril 2011 doit être écartée.

5. En deuxième lieu, l'association Nature environnement 17 soutient, d'une part, que le préfet aurait dû interdire tout prélèvement à l'usage d'irrigation agricole pour permettre de préserver les milieux aquatiques et la continuité des cours d'eau dès lors qu'il avait été constaté, dès le 15 juin 2011, que 29,6 % du réseau observé était en assec et que 17,4 % de celui-ci était en rupture d'écoulement sur le département de la Charente-Maritime, cette situation s'étant aggravée puisque au 1er juillet puis au 15 juillet 2011, 50 % puis 55 % de ce réseau était alors en assec, et que, d'autre part, contrairement à ce qu'ont indiqué les premiers juges, l'autorisation d'irriguer prévue par l'arrêt attaqué n'a pas été accordée qu'aux seuls éleveurs pour la production de fourrage mais, également, aux propriétaires d'exploitations agricoles en général. Il est vrai que l'arrêté attaqué du 2 août 2011 n'a pas seulement autorisé l'irrigation des seules cultures fourragères au bénéfice des seuls éleveurs sur le bassin du Mignon, comme prévu dans son article 1.2, mais, également, l'irrigation des cultures agricoles en général dans les trois bassins hydrographiques de la Seugne, d'Aume-Couture et de la Boutonne, ainsi qu'il ressort de son article 1.1. Toutefois, l'intéressée n'établit pas, par les données chiffrées et cartographies qu'elle produit, que l'autorité préfectorale, en autorisant l'irrigation de telles cultures, sur une période temporelle limitée de cinq nuits, dans seulement certains des quatorze bassins hydrographiques définis à l'article 3 de l'arrêté cadre du 4 avril 2011, et alors que la sécheresse constatée au cours de l'année 2011 présentait un caractère exceptionnel et avait conduit à la mise en place des mesures de restriction de l'usage de l'eau dès le 12 avril 2011, ne revêtait pas un caractère nécessaire et proportionné au but en vue duquel il a été pris. Ainsi, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance de l'article R. 211-66 du code de l'environnement doit être écarté.

6. En troisième et dernier lieu, si l'association Nature environnement 17 soutient que le préfet ne pouvait, sans méconnaître les dispositions de l'article 7E-3 du SDAGE Adour-Garonne, autoriser les prélèvements à usage d'irrigation dans le bassin de la Curé-Sèvre Niortaise au motif que le piézomètre de crise a été franchi le 24 juin 2011 à Saint-Georges du Bois, un tel moyen ne peut qu'être écarté comme inopérant dès lors que l'arrêté attaqué n'a pas pour objet d'autoriser l'irrigation dans ce bassin.

7. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Nature environnement 17 n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'association Nature environnement 17 demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'association Nature environnement 17 est rejetée.

''

''

''

''

2

N° 14BX02174


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

27-05 Eaux. Gestion de la ressource en eau.


Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. PEANO
Rapporteur ?: M. Axel BASSET
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : LE BRIERO

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 18/10/2016
Date de l'import : 22/11/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 14BX02174
Numéro NOR : CETATEXT000033284993 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-10-18;14bx02174 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award