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26/06/2015 | FRANCE | N°13BX00236

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 26 juin 2015, 13BX00236


Vu la requête enregistrée le 23 janvier 2013, présentée pour M. et Mme B...C..., demeurant..., par MeA... ;

M. et Mme C...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900786 du 6 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que les pénalités y afférentes auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2004 ;

2°) de prononcer la décharge totale de ces cotisations supplémentaires, ou à d

faut la décharge à hauteur des impositions acquittées auprès des autorités fiscales alle...

Vu la requête enregistrée le 23 janvier 2013, présentée pour M. et Mme B...C..., demeurant..., par MeA... ;

M. et Mme C...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900786 du 6 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que les pénalités y afférentes auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2004 ;

2°) de prononcer la décharge totale de ces cotisations supplémentaires, ou à défaut la décharge à hauteur des impositions acquittées auprès des autorités fiscales allemandes, soit la somme de 83 285 euros, ou subsidiairement la décharge partielle à hauteur des crédits bancaires justifiés, soit 171 787 euros ;

3°) de prononcer la décharge intégrale des majorations ;

4°) de mettre les frais irrépétibles à la charge de l'Etat, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 juin 2015 :

- le rapport de M. Antoine Bec, président-assesseur ;

- les conclusions de Nicolas Normand, rapporteur public ;

- les observations de MeA..., pour Mme C...;

1. Considérant qu'à la suite de l'examen contradictoire de leur situation personnelle pour les années 2003 et 2004, M. et Mme C...ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales au titre de l'année 2004 dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée, en raison de crédits bancaires non justifiés, qui ont fait l'objet d'une taxation d'office en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales ; qu'ils demandent à la cour d'annuler le jugement du 6 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des pénalités y afférentes ;

Sur le principe de l'imposition en France :

Sur le terrain de la loi fiscale :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 4 A du code général des impôts: " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus "; qu'aux termes de l'article 4 B du même code: " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A: a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques... " ; que, pour l'application de ces dispositions, le foyer s'entend du lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de ses intérêts familiaux, sans qu'il soit tenu compte des séjours temporaires motivés par des nécessités professionnelles ou de circonstances exceptionnelles, le lieu du séjour principal du contribuable ne pouvant déterminer son domicile fiscal que dans l'hypothèse où celui-ci ne dispose pas de foyer ;

3. Considérant qu'au cours de l'année en litige, les requérants disposaient d'une maison sur la commune de Tonnac (81), acquise en janvier 2001, dans laquelle Mme C...avait établi sa résidence permanente ; que si l'activité professionnelle de M. C...le conduisait à se rendre régulièrement en Allemagne et dans divers autres pays européens, il revenait en France à l'issue de ses déplacements ; que M. C...doit ainsi être regardé comme ayant établi son foyer en France, au sens de l'article 4 B du code général des impôts précité ;

4. Considérant que l'article 2 de la convention fiscale conclue entre la France et l'Allemagne en vue d'éviter les doubles impositions, stipule : " 4. a) Au sens de la présente Convention, on entend par " résident d'un Etat contractant " toute personne qui, en vertu de la législation dudit Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère analogue. b) Lorsque, selon la disposition de l'alinéa a ci-dessus, une personne physique est considérée comme résident de chacun des Etats contractants, le cas est résolu d'après les règles énoncées ci-dessous : (aa) Cette personne est réputée résident de l'Etat contractant où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent. Lorsqu'elle dispose d'un foyer d'habitation permanent dans chacun des Etats contractants, elle est considérée comme résident de l'Etat contractant avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux) ; (bb) Si l'Etat contractant où cette personne a le centre de ses intérêts vitaux ne peut pas être déterminé, ou qu'elle ne dispose d'un foyer d'habitation permanent dans aucun des Etats contractants, elle est considérée comme résident de l'Etat contractant où elle séjourne de façon habituelle ; (cc) Si cette personne séjourne de façon habituelle dans chacun des Etats contractants ou qu'elle ne séjourne de façon habituelle dans aucun d'eux, elle est considérée comme résident de l'Etat contractant dont elle possède la nationalité ; (dd) Si cette personne possède la nationalité de chacun des Etats contractants ou qu'elle ne possède la nationalité d'aucun d'eux, les autorités compétentes des Etats contractants tranchent la question d'un commun accord( ...) " ;

5. Considérant que M. C...ne disposait en Allemagne, outre un bureau, que de l'usage d'une maison d'habitation mise à sa disposition à Eigen par l'un de ses fils ; que l'intérêt qu'il porte à la vie politique et sociale de Cologne et son implication dans la vie culturelle ne suffisent pas à justifier de la durée de ses séjours en Allemagne ; que faute d'établir avoir eu en 2004 un foyer d'habitation permanent en Allemagne, M. et Mme C...ne sont pas fondés à invoquer l'existence d'un conflit de résidence pour se prévaloir des stipulations de la convention fiscale franco-allemande, et doivent être regardés comme ayant eu en France, au cours de l'année 2004, leur unique foyer d'habitation permanent ;

Sur le terrain de la doctrine :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du même livre : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 80 B : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; (...) " ; que la décision par laquelle l'administration a procédé au dégrèvement des rappels d'impôt sur le revenu mis à leur charge au titre des années 2003, 2005 et 2006, qui n'est pas motivée, ne saurait comporter une prise de position formelle de l'administration sur l'application de la loi fiscale ;

Sur le bien-fondé de l'imposition en litige :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. Elle peut, en outre, lui demander des justifications (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 16 A du même livre : " Les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. / Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite. " ; qu'aux termes de l'article L. 69 du même livre : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16. " ; qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. " ; qu'en application de ces dispositions, l'administration a pour 2004 imposé M. et Mme C...selon la procédure d'office, dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée, les sommes figurant au crédit de leur compte bancaire détenu à la banque populaire occitane pour un montant total de 179 307 euros ; qu'en application de l'article L. 193 du livres des procédures fiscales, la charge de la preuve de l'origine et de la nature de ces sommes incombe à M. et MmeC... ;

8. Considérant, en premier lieu, que M. et Mme C...font valoir que, pour un montant de 115 200 euros ces sommes correspondent à des virements, en date des 16 janvier, 30 mars, 23 août et 1er octobre 2004, en provenance du compte bancaire qu'ils détiennent à la banque suisse " Lombard Oder Darier Hentsch " et sur lequel avait été versé le produit de la vente de parcelles de bois réalisée en France en 1998 pour un montant de 3 550 000 francs ; que, toutefois, faute de produire notamment les relevés bancaires de ce compte suisse, ils n'établissent pas que les virements en cause porteraient sur des sommes provenant de la vente de ces parcelles de bois ; qu'ainsi, M. et Mme C...n'établissent pas la nature et l'origine de la somme de 115 200 euros présente sur leur compte ; que doit par suite être écarté le moyen tiré de ce que cette somme constituerait non des revenus d'origine indéterminée, mais le remploi d'un élément présent dans leur patrimoine antérieurement à la première année non prescrite ; que les intéressés ne peuvent non plus utilement se prévaloir de l'article 20 de la convention fiscale franco-allemande permettant d'éviter les doubles impositions, faute d'établir que ces revenus d'origine indéterminée auraient été également déclarés et taxés en Allemagne ;

9. Considérant, en deuxième lieu, qu'en produisant une facture du 28 juillet 2004 relative à l'acompte de 56 587,02 euros dû par l'un de ses clients, M. C...doit être regardé comme établissant l'origine de la somme de 56 587,02 euros figurant au crédit de leur compte bancaire à la banque populaire occitane, sans que la présence de sa signature sur l'un seulement des exemplaires de la facture soit de nature à altérer sa valeur probante ; que M. et Mme C...sont par suite fondés à soutenir que cette somme ne pouvait être taxée dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée, et à demander le dégrèvement des impositions correspondantes ; que cette somme étant dégrevée, ils ne peuvent en revanche se prévaloir utilement de l'article 20 de la convention fiscale franco-allemande relatif aux doubles impositions pour réclamer le bénéfice du crédit d'impôt prévu par l'article 20 de la convention fiscale franco- allemande ;

Sur les pénalités :

10. Considérant, qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ; que, pour l'application de ces dispositions, il appartient à l'administration qui entend appliquer les pénalités de mauvaise foi d'établir l'intention du contribuable d'éluder l'impôt ;

11. Considérant que l'administration a assorti les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et les rappels de cotisations sociales au titre de l'année 2004 de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré, compte tenu de l'importance des minorations révélées par l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle ; qu'elle a ainsi régulièrement motivé cette pénalité ; qu'eu égard à l'importance de cette minoration, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'intention des contribuables d'éluder l'impôt ; que M. et Mme C... n'établissent pas que ces revenus auraient été déclarés et taxés en Allemagne, et que les crédits qualifiés de non justifiés proviendraient de transferts de compte à compte ; qu'ainsi, l'administration établit le bien-fondé de l'application des pénalités prévues par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme C...sont seulement fondés à demander la décharge des impositions supplémentaires et des pénalité afférentes correspondant à la taxation de la somme de 56 587,02 euros dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. et Mme C... demandent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE

Article 1er : M. et Mme C...sont déchargés des suppléments d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales ainsi que des pénalités y afférentes mis à leur charge au titre de l'année 2004 correspondant à la taxation de la somme de 56 587, 02 euros dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 6 décembre 2012 est reformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme C...est rejeté.

5

N° 13BX00236


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme RICHER
Rapporteur ?: M. Antoine BEC
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : RIBES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 26/06/2015
Date de l'import : 29/11/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 13BX00236
Numéro NOR : CETATEXT000033442496 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-06-26;13bx00236 ?
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