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30/05/2014 | FRANCE | N°13BX03323

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 30 mai 2014, 13BX03323


Vu, enregistrée le 10 décembre 2013, la requête présentée pour M. B... C..., domicilié..., retenu au ...;

M. C... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1304161 du 25 novembre 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Vienne en date du 19 novembre 2013 ordonnant sa remise aux autorités belges ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne d'examiner sa demande de titre de séjour en qualité

d'étranger malade ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en applicatio...

Vu, enregistrée le 10 décembre 2013, la requête présentée pour M. B... C..., domicilié..., retenu au ...;

M. C... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1304161 du 25 novembre 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Vienne en date du 19 novembre 2013 ordonnant sa remise aux autorités belges ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne d'examiner sa demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 mai 2014 ;

- le rapport de Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

- et les observations de Me Boyance, avocat de M.C... ;

1. Considérant que M. C..., né le 14 avril 1984, de nationalité congolaise (RDC), déclare être entré en France le 9 septembre 2013 ; qu'il a sollicité auprès des services de la préfecture de la Vienne son admission au séjour au titre de l'asile dans le cadre des dispositions du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté en date du 19 novembre 2013, le préfet de la Vienne a refusé de l'admettre au séjour au titre de l'asile et a décidé sa remise aux autorités belges en charge de sa demande d'asile ; que par un arrêté du même jour, le préfet de la Vienne a décidé son placement en rétention administrative ; que M. C... a saisi, le 22 novembre 2013, le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant à l'annulation de la décision portant remise aux autorités belges ; qu'il relève appel du jugement n° 1304161 du 25 novembre 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui figure dans le livre V de ce code relatif aux mesures d'éloignement : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne. " ; qu'aux termes de l'article L. 531-2 du même code : " Les dispositions de l'article L. 531-1 sont applicables, sous la réserve mentionnée à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 741-4, à l'étranger qui demande l'asile, lorsqu'en application des dispositions des conventions internationales conclues avec les Etats membres de l'Union européenne l'examen de cette demande relève de la responsabilité de l'un de ces Etats. " ; que le III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, l'intégration et à la nationalité, applicable en cas de décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence, prévoit que l'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat délégué par lui l'annulation de cette décision dans les quarante-huit heures suivant sa notification ; que l'article R. 776-1 du code de justice administrative énumère les décisions susceptibles d'être contestées selon les dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au nombre desquelles figure notamment la décision par laquelle l'étranger non ressortissant de l'Union européenne est remis aux autorités compétentes de l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile ;

3. Considérant que M. C...soutient que le juge unique n'était pas compétent pour statuer sur sa demande alors qu'il n'a pas demandé l'annulation de l'arrêté le plaçant en rétention ; que toutefois, il ressort des dispositions du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu organiser une procédure spéciale afin que le juge administratif statue rapidement sur la légalité des mesures relatives à l'éloignement des étrangers, hors la décision refusant le séjour et les mesures d'expulsion, lorsque ces derniers sont placés en rétention ou assignés à résidence ; que cette procédure est applicable quelle que soit la mesure d'éloignement, autre qu'un arrêté d'expulsion, en vue de l'exécution de laquelle le placement en rétention ou l'assignation à résidence ont été pris, y compris en l'absence de contestation de cette mesure ; qu'ainsi, dans le cas où un étranger est placé en rétention en vue de sa remise aux autorités compétentes de l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile, il appartient au président du tribunal administratif ou au magistrat qu'il délègue de statuer, selon les dispositions du III de l'article L. 512-1, sur les conclusions dirigées contre la décision aux fins de réadmission, notifiée à l'intéressé en même temps que la mesure de placement en rétention, alors même que celui-ci n'aurait pas contesté cette dernière mesure ;

4. Considérant d'une part que, M. C... ayant été placé en rétention administrative par un arrêté du 19 novembre 2013, il appartenait au magistrat statuant seul de se prononcer dans le délai de soixante-douze heures sur la demande de l'intéressé tendant à l'annulation de la décision du même jour de remise aux autorités belges ; que M. C... n'est, par suite, pas fondé à soutenir que le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux aurait méconnu les dispositions susénoncées et entaché son jugement d'irrégularité ;

5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence. " ; que le principe du caractère contradictoire de la procédure interdit au président d'une formation de jugement de se fonder, pour rejeter des conclusions, sur des éléments qui n'auraient pas été connus des demandeurs ;

6. Considérant que si M. C... fait valoir que le principe du contradictoire a été méconnu dès lors que le mémoire du préfet, dont il ressort des pièces du dossier qu'il a été reçu par le tribunal administratif le 25 novembre 2013, à 7h20 du matin, ne lui a été communiqué qu'après la fin des débats, alors que l'affaire était mise en délibéré, cette circonstance, à la supposer établie, n'est pas de nature à affecter la régularité du jugement dès lors que ledit mémoire ne contenait aucun élément auquel le magistrat désigné se serait référé pour rejeter la requête ;

7. Considérant enfin qu'à l'appui de sa demande, M. C... soutenait que la décision de réadmission en Belgique était entachée d'erreur de droit dès lors que préalablement à son adoption, il s'était désisté de sa demande d'asile, cette circonstance faisant obstacle à sa remise aux autorités belges ; que le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux ne s'est pas prononcé sur ce moyen, qui n'était pas inopérant ; que, par suite, son jugement doit être annulé ;

8. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif ;

Sur la légalité de l'arrêté de la décision de réadmission en date du 19 novembre 2013 :

9. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige a été signé par M. Yves Seguy, secrétaire général de la préfecture de la Vienne ; que M. A...bénéficiait, en vertu d'un arrêté du 11 février 2013, régulièrement publié le même jour dans le n°12 du recueil des actes administratifs de la préfecture, d'une délégation de signature du préfet de la Vienne lui donnant compétence " s'agissant du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (...) pour l'ensemble de ses dispositions (...) " ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été signé par une autorité administrative incompétente doit être écarté ;

10. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 modifiée susvisée : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " ; que la décision contestée, qui expose la procédure mise en oeuvre dans le cadre de la remise de M. C... aux autorités belges, les éléments caractérisant sa situation personnelle et familiale, l'allégation par téléphone du dépôt d'une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade dont il n'a pas été trouvé trace, ainsi que la possibilité, pour l'intéressé, de recevoir les soins appropriés à son état de santé en Belgique, pour le cas où de tels soins seraient effectivement nécessaires, énonce de manière suffisante, au regard de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, les éléments de fait qui la fondent et permet d'établir que le préfet a procédé à l'examen de la situation particulière de M. C... ;

11. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 4 du règlement susvisé n° 343/2003 : " Le processus de détermination de l'État membre responsable en vertu du présent règlement est engagé dès qu'une demande d'asile est introduite pour la première fois auprès d'un État membre. (...) " ; qu'aux termes de l'article 16 du même règlement : " L'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile en vertu du présent règlement est tenu de : (...) c) reprendre en charge, dans les conditions prévues à l'article 20, le demandeur d'asile dont la demande est en cours d'examen et qui se trouve, sans en avoir reçu la permission, sur le territoire d'un autre État membre ; (...) e) reprendre en charge, dans les conditions prévues à l'article 20, le ressortissant d'un pays tiers dont il a rejeté la demande et qui se trouve, sans en avoir reçu la permission, sur le territoire d'un autre État membre. " ; qu'aux termes de l'article 17 : " L'Etat membre auprès duquel une demande d'asile a été introduite et qui estime qu'un autre Etat membre est responsable de l'examen de cette demande peut requérir ce dernier aux fins de prise en charge (...) " ; qu'aux termes de l'article 18 du même règlement : " 1. L'Etat membre requis (...) doit statuer sur la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur dans un délai de deux mois à compter de la réception de la demande. (...) " ;

12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'instruction de la demande d'asile présentée par M. C... a révélé que ce dernier avait déposé une demande analogue en Belgique ; que les autorités belges, saisies le 23 octobre 2013 d'une demande de reprise en charge en application de l'article 16-1-e du règlement n° 343/2003 susmentionné, et ayant fait connaître leur accord le 5 novembre 2013, le préfet a prononcé la remise de M. C... auxdites autorités en application des dispositions précitées de ce règlement ;

13. Considérant que M. C... soutient qu'il a retiré sa demande d'asile auprès de la préfecture de la Vienne par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 octobre 2013, reçue en préfecture le 15 octobre suivant, retrait réitéré par un courrier du 4 novembre 2013 ; qu'il en conclut que le règlement n° 343/2003 ne lui était plus applicable et que la procédure de remise aux autorités belges aurait, en conséquence, dû être interrompue ; que M. C... fait état, à l'appui de ce moyen, de l'arrêt n° C-620/10 rendu le 3 mai 2012 par la Cour de justice de l'Union européenne ; que toutefois, cet arrêt se rapporte à la situation d'un étranger ayant retiré sa demande d'asile sans en avoir introduit une dans au moins un autre Etat membre, situation dont la cour indique qu'elle n'a pas été expressément réglée par le règlement n° 343/2003 susvisé ; qu'en l'espèce, si M. C... fait valoir qu'il a retiré la demande d'asile présentée en France, il n'établit ni même n'allègue qu'il avait préalablement retiré la demande d'asile présentée auprès des autorités belges ; que, par suite, en application des dispositions précitées des c) ou e) du 1 de l'article 16 du règlement n° 343/2003, la Belgique était tenue de reprendre en charge M. C... dès lors que l'Etat français lui en faisait la demande, que la demande d'asile présentée en Belgique par l'intéressé ait été encore en cours d'examen ou ait d'ores et déjà fait l'objet d'une décision de rejet ; que le règlement n° 343/2003 avait dès lors toujours vocation à s'appliquer et que M. C... n'est en conséquence pas fondé à soutenir que la décision de réadmission vers la Belgique en date du 19 novembre 2013 serait entachée d'erreur de droit ;

14. Considérant, en quatrième lieu, que, contrairement à ce que soutient M. C..., la décision attaquée fait état de la demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade que celui-ci a déclaré avoir déposée à la préfecture le 15 octobre 2013 ; que si elle ne mentionne pas le courrier du 4 novembre 2013, une telle omission n'est, en tout état de cause, pas de nature à caractériser une erreur de fait ; que si M. C... soutient que le préfet aurait dû s'assurer que son état de santé n'était pas incompatible avec un voyage vers la Belgique et un retour en République démocratique du Congo, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'intéressé ait allégué n'être pas en mesure d'entreprendre un tel voyage ;

Sur l'arrêté de placement en rétention du 19 novembre 2013 :

15. Considérant que si l'avocate de M. C... avait indiqué, dans sa demande introductive devant le tribunal, attaquer les deux décisions qui avaient été notifiées à celui-ci, elle soutient avoir spécifié à l'audience devant le tribunal qu'elle n'entendait pas demander l'annulation de l'arrêté de placement en rétention, et réitère cette position devant la cour ; qu'il n'y a donc pas lieu de se prononcer sur la légalité de l'arrêté de placement en rétention du 19 novembre 2013 ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision de remise aux autorités belges serait entachée d'illégalité ni à en demander, pour ce motif, l'annulation ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

17. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions en annulation de M. C..., n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions à fin d'injonction présentées par l'intéressé doivent, par suite, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

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No 13BX03323


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : BOYANCE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Date de la décision : 30/05/2014
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 13BX03323
Numéro NOR : CETATEXT000029103216 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2014-05-30;13bx03323 ?
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