La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/11/2013 | FRANCE | N°13BX00066

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 07 novembre 2013, 13BX00066


Vu la décision n° 332002 du 21 novembre 2012 par laquelle le Conseil d'État statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté pour la société TMC Inter SL, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 15 juillet 2009 et a renvoyé l'affaire devant la même cour ;

Vu la requête, enregistrée le 17 juin 2008, présentée pour la Société TMC Inter SL, société à responsabilité limitée, ayant son siège Gran via de Jaume 1 n° 41 à Gerona (Espagne), représentée par son gérant en exercice, par Me B... ;

La société TMC Inter SL dem

ande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0202228, 0202229, 0202230 du 18 mars 2008...

Vu la décision n° 332002 du 21 novembre 2012 par laquelle le Conseil d'État statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté pour la société TMC Inter SL, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 15 juillet 2009 et a renvoyé l'affaire devant la même cour ;

Vu la requête, enregistrée le 17 juin 2008, présentée pour la Société TMC Inter SL, société à responsabilité limitée, ayant son siège Gran via de Jaume 1 n° 41 à Gerona (Espagne), représentée par son gérant en exercice, par Me B... ;

La société TMC Inter SL demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0202228, 0202229, 0202230 du 18 mars 2008 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires de taxe d'apprentissage et d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 1998 et 1999, et des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er octobre 1998 au 31 octobre 2000 ;

2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention fiscale franco-espagnole du 10 octobre 1995 ;

Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ;

Vu la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 octobre 2013 :

- le rapport de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, premier conseiller ;

- les conclusions de M.Nicolas Normand, rapporteur public ;

1. Considérant qu'à compter du 1er octobre 1998, la SARL TMC Inter a donné son fonds de commerce de transport international de marchandises en location gérance à la société espagnole TMC Inter SL ; que ces deux sociétés ont fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos en 1998, 1999 et 2000 ; que, sur la base des éléments recueillis lors de visites diligentées, sur le fondement des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, aux domiciles de M A...D..., gérant de ces deux sociétés, et de M. C...D..., associé, ainsi que dans les locaux de la SARL TMC Inter, et dans le cadre de l'exercice de son droit de communication, l'administration a estimé que la société TMC Inter SL était gérée à partir d'un établissement stable situé en France et a assimilé cette société à une société française en application de l'article 209-1 du code général des impôts et de la convention fiscale franco-espagnole du 10 octobre 1995 ; que la société TMC Inter SL relève appel du jugement du 18 mars 2008 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires de taxe d'apprentissage et d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 1998 et 1999 et des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er octobre 1998 au 31 octobre 2000 ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant que, par décision du 15 décembre 2008 postérieure à l'introduction de la requête, le directeur du contrôle fiscal du Sud-Pyrénées a prononcé le dégrèvement, à concurrence d'une somme de 11 877,53 euros, des droits de taxe sur la valeur ajoutée dus au titre de l'année 1998 ; que les conclusions de la requête de la société TMC Inter SL sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;

Sur le surplus :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors en vigueur : " I. Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l'administration des impôts, ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des impôts, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie. II. Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter ou d'un juge délégué par lui. (...) L'ordonnance mentionnée au premier alinéa n'est susceptible que d'un pourvoi en cassation selon les règles prévues par le code de procédure pénale ; ce pourvoi n'est pas suspensif (...) " ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 164 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie : " IV. 1. Pour les procédures de visite et de saisie prévues à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales pour lesquelles le procès-verbal ou l'inventaire mentionnés au IV de cet article a été remis ou réceptionné antérieurement à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, un appel contre l'ordonnance mentionnée au II de cet article, alors même que cette ordonnance a fait l'objet d'un pourvoi ayant donné lieu à cette date à une décision de rejet du juge de cassation, ou un recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie peut, dans les délais et selon les modalités précisés au 3 du présent IV, être formé devant le premier président de la cour d'appel dans les cas suivants : (...) d) Lorsque, à partir d'éléments obtenus par l'administration dans le cadre d'une procédure de visite et de saisie, des impositions ont été établies ou des rectifications ne se traduisant pas par des impositions supplémentaires ont été effectuées et qu'elles font ou sont encore susceptibles de faire l'objet, à la date de l'entrée en vigueur de la présente loi, d'une réclamation ou d'un recours contentieux devant le juge, sous réserve des affaires dans lesquelles des décisions sont passées en force de chose jugée. Le juge, informé par l'auteur de l'appel ou du recours ou par l'administration, sursoit alors à statuer jusqu'au prononcé de l'ordonnance du premier président de la cour d'appel. (...) 3. Dans les cas mentionnés aux 1 et 2, l'administration informe les personnes visées par l'ordonnance ou par les opérations de visite et de saisie de l'existence de ces voies de recours et du délai de deux mois ouvert à compter de la réception de cette information pour, le cas échéant, faire appel contre l'ordonnance ou former un recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie. Cet appel et ce recours sont exclusifs de toute appréciation par le juge du fond de la régularité du déroulement des opérations de visite et de saisie. Ils s'exercent selon les modalités prévues respectivement aux articles L. 16 B et L. 38 du livre des procédures fiscales et à l'article 64 du code des douanes. En l'absence d'information de la part de l'administration, ces personnes peuvent exercer, selon les mêmes modalités, cet appel ou ce recours sans condition de délai. (...) " ;

5. Considérant, d'une part, que si la Cour européenne des droits de l'homme a jugé dans l'arrêt Ravon et autres contre France (n° 18497/03) du 21 février 2008 que les voies de recours ouvertes aux contribuables pour contester la régularité des visites et saisies opérées sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ne garantissaient pas l'accès à un procès équitable au sens de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 164 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie a prévu, pour les opérations prévues à l'article L. 16 B pour lesquelles le procès-verbal ou l'inventaire avait été remis ou réceptionné antérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi, une procédure d'appel devant le premier président de la cour d'appel contre l'ordonnance autorisant la visite et un recours devant ce même juge contre le déroulement des opérations de visite et de saisie, les ordonnances rendues par ce dernier étant susceptibles d'un pourvoi en cassation ; que le d) du 1 du IV du même article 164 dispose que cet appel et ce recours sont ouverts pour les procédures de visite et de saisie ayant permis, comme en l'espèce, à l'administration d'obtenir des éléments à partir desquels des impositions faisant l'objet d'un recours contentieux ont été établies ; que le 3 du IV de ce même article fait obligation à l'administration d'informer les personnes visées par l'ordonnance ou par les opérations de visite et de saisie de l'existence de ces voies de recours et du délai de deux mois ouverts à compter de la réception de cette information pour, le cas échéant, faire appel contre l'ordonnance ou former un recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie, cet appel et ce recours étant exclusifs de toute appréciation par le juge du fond de la régularité du déroulement de ces opérations ; que, ce faisant, le législateur a donné une nouvelle rédaction à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, conforme aux exigences de la convention, et a institué, à titre transitoire, la possibilité de bénéficier rétroactivement de ces nouvelles voies de recours contre l'ordonnance autorisant les opérations de visite et de saisie ainsi que contre le déroulement de telles opérations antérieures à l'entrée en vigueur de l'article 164 de cette loi ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'incompatibilité des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales avec les garanties du procès équitable de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

6. Considérant, d'autre part, que si la société TMC Inter SL soutient qu'elle n'a pas été informée par l'administration des nouvelles voies de recours ouvertes par l'article 164 de la loi du 4 août 2008, en violation de cet article lui-même, il ressort cependant des termes mêmes dudit article que la sanction attachée à l'absence de délivrance de cette information est la possibilité pour les intéressés d'exercer, selon les mêmes modalités, cet appel ou ce recours sans condition de délai ; qu'en tout état de cause, il résulte de l'instruction que, le 21 février 2013, l'administration a informé M. et Mme D...et la SARL TMC Inter SL des nouvelles voies de recours ouvertes, que le 22 mars 2013, la société TMC Inter SL a relevé appel devant le président de la cour d'appel de Montpellier de l'ordonnance du 13 septembre 2000 du président du tribunal de grande instance de Millau autorisant les visites domiciliaires litigieuses et que cet appel a été rejeté par ordonnance du 11 septembre 2013 ;

7. Considérant, enfin, que si la requérante fait valoir que les nouvelles voies de droit ont été ouvertes plus de huit ans après les faits, ce qui serait contraire au droit d'être jugé dans un délai raisonnable garanti par l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, cette circonstance, si elle est de nature, le cas échéant, à ouvrir droit à indemnité, est sans influence sur la régularité et le bien-fondé des impositions en litige ;

8. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères, les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel " ;

9. Considérant que la société TMC Inter SL soutient que, pour établir les rappels litigieux, l'administration s'est fondée sur le rapport d'expertise demandé par M. A...D...à la société d'avocats Breysse et Margall, lequel rapport était couvert par le secret professionnel en application de ces dispositions ;

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la notification de redressements du 28 mai 2001, que l'administration a, lors des visites dans les locaux de la SARL TMC Inter, ainsi qu'au domicile de son gérant, M. A...D..., saisi de nombreux documents appartenant à la société TMC Inter SL, tels que factures de vente, Grand livre de 1999, brouillards de facturation, factures de charges et de frais généraux, journaux de vente et liste des clients de l'entreprise, contrats de location-gérance et de cession du parc de véhicules entre la société TMC Inter SL et la SARL TMC Inter, feuilles vierges à en-tête de la société TMC Inter SL, documents bancaires, courriers et fax envoyés ou reçus par la société TMC Inter SL rédigés en langue française avec l'indication des numéros de téléphone et de télécopie correspondant à des lignes ouvertes par la SARL TMC Inter à Millau ; que l'exercice du droit de communication auprès de certains affréteurs de la région parisienne a révélé que sur les factures de la société TMC Inter SL figuraient les numéros de téléphone des lignes ouvertes par la SARL TMC Inter à Millau ; que la notification de redressements relève également que tous les salariés de la société TMC Inter SL sont domiciliés en France ; qu'ainsi, pour décider que la société TMC Inter SL était gérée à partir d'un établissement stable situé en France et assimiler cette société à une société française en application de l'article 209-1 du code général des impôts et de la convention fiscale franco-espagnole du 10 octobre 1995, l'administration fiscale ne s'est pas fondée sur le rapport d'expertise demandé par M. A...D...à la société d'avocats Breysse et Margall mais sur l'ensemble de ces éléments ; que ce n'est que devant les premiers juges que l'administration a fait pour la première fois mention de ce rapport ; qu'ainsi, le rapport dont s'agit n'ayant pas servi de fondement aux redressements contestés, le moyen doit être écarté ;

11. Considérant, enfin, qu'à supposer que la requérante ait entendu remettre en cause la régularité des opérations de visites ordonnées sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, au motif qu'elles auraient entrainé la saisie d'un document couvert par le secret professionnel, il résulte des termes mêmes de l'article 164 de la loi du 4 août 2008, rappelés au point 3, que la régularité des opérations de visites et de saisie effectuées sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ne peut être contestée devant le juge de l'impôt, mais uniquement devant le premier président de la cour d'appel ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société TMC Inter SL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la société TMC Inter SL, à concurrence de la somme de 11 877,53 euros.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société TMC Inter SL est rejeté.

''

''

''

''

2

N° 13BX00066


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 13BX00066
Date de la décision : 07/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal.

Droits civils et individuels - Convention européenne des droits de l'homme - Droits garantis par la convention - Droit à un procès équitable (art - 6).


Composition du Tribunal
Président : Mme RICHER
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : DEBORD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2013-11-07;13bx00066 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award