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18/06/2009 | FRANCE | N°09BX00463

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 18 juin 2009, 09BX00463


Vu la requête, enregistrée le 19 février 2009, présentée pour Mme Mirushe X épouse Y, demeurant ..., par Me Dieumegard ; Mme Y demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0802614 du 22 janvier 2009 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 15 septembre 2008 du préfet de la Charente-Maritime, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Charente-Maritime de lui délivre

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Vu la requête, enregistrée le 19 février 2009, présentée pour Mme Mirushe X épouse Y, demeurant ..., par Me Dieumegard ; Mme Y demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0802614 du 22 janvier 2009 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 15 septembre 2008 du préfet de la Charente-Maritime, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Charente-Maritime de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il ait statué sur sa situation administrative et de réexaminer celle-ci, dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en faisant application des articles 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mai 2009 :

- le rapport de Mme Madelaigue, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Lerner, rapporteur public ;

Considérant que Mme Y, de nationalité kosovare, est entrée irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 25 juin 2007 ; qu'après le rejet de sa demande d'asile le 11 décembre 2007 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et le 21 juillet 2008 par la Cour nationale du droit d'asile, le préfet de la Charente-Maritime a pris un arrêté portant refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que Mme Y fait appel du jugement du 22 janvier 2009 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur l'aide juridictionnelle provisoire :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'admettre Mme Y au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté attaqué :

En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté litigieux a été signé, pour le préfet de la Charente-Maritime, par M. Patrick Dallennes, secrétaire général de la préfecture ; que celui-ci avait reçu une délégation de signature du préfet par un arrêté du 16 juillet 2008, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, à l'effet de signer tous actes, correspondances et décisions , à l'exception de certaines matières parmi lesquelles ne figurent pas les arrêtés portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination ; que le secrétaire général était, dès lors, compétent pour signer l'arrêté contesté ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait ;

Considérant, en second lieu, que l'arrêté litigieux comporte la mention de l'ensemble des considérations de fait et de droit sur lesquelles il se fonde ; qu'il est, dès lors, suffisamment motivé ;

Considérant que l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 20 novembre 2007, applicable en l'espèce, dispose que : L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation ; que, par suite, Mme Y ne peut utilement soutenir que la décision distincte l'obligeant à quitter le territoire français ne serait pas motivée ;

En ce qui concerne la légalité interne :

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 ;

Considérant que ces dispositions dérogatoires, qui permettent au préfet de délivrer un titre de séjour au regard d'une appréciation discrétionnaire de la situation de l'étranger même non pourvu d'un visa de long séjour, ne créent aucun droit au profit de l'intéressé ; que la requérante, qui se borne à faire valoir, sans nullement l'établir, qu'elle encourrait des risques en cas de retour au Kosovo, ne justifie d'aucune circonstance humanitaire ou exceptionnelle ; qu'ainsi, elle n'établit pas que le préfet aurait méconnu les dispositions précitées ;

Considérant, en second lieu, que Mme Y ne peut utilement invoquer les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle n'a formé aucune demande de titre de séjour sur ce fondement ;

Considérant qu'elle est toutefois recevable à invoquer la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors notamment qu'elle avait demandé une régularisation à titre humanitaire et exceptionnel ; qu'aux termes de cet article : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; que si Mme Y fait valoir qu'elle est entrée en France le 25 juin 2007 avec ses deux enfants pour rejoindre son époux et qu'ils ont eu un nouvel enfant né sur le territoire national le 4 avril 2008, il ressort des pièces du dossier qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales au Kosovo où résidaient, à la date de la décision attaquée, la mère de son époux, trois des enfants du couple ainsi que son frère ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la durée et des conditions de séjour de Mme Y en France et du fait que son époux a été l'objet d'une mesure analogue le même jour, l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, quand bien même l'époux de Mme Y aurait un emploi, qu'elle aurait noué des relations en France et que ses filles y sont scolarisées, le préfet de la Charente-Maritime n'a ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi :

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ; que si Mme Y soutient qu'elle serait victime de violences en cas de retour au Kosovo en raison de son appartenance à la communauté ashkalie et du fait que son père est ancien officier de la police de Mitrovica, elle n'apporte, en tout état de cause, pas d'élément de nature à établir la réalité de risques personnels et actuels, dont l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile n'ont d'ailleurs pas retenu l'existence ; que, dès lors, la décision distincte fixant le pays de renvoi n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait abstenu de se livrer à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressée avant de prendre l'arrêté attaqué ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme Y n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de la requérante tendant à ce qu'il soit ordonné, sous astreinte, la délivrance à son profit d'un titre de séjour, ne peuvent être accueillies ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme Y au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Mme Y est admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : La requête de Mme Y est rejetée.

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N° 09BX00463


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 09BX00463
Date de la décision : 18/06/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BRUNET
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: M. LERNER
Avocat(s) : DIEUMEGARD

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2009-06-18;09bx00463 ?
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