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22/01/2009 | FRANCE | N°07BX02524

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, Juge des reconduites à la frontière, 22 janvier 2009, 07BX02524


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 11 décembre 2007 sous le n° 07BX02524, présentée pour le PREFET DU LOIRET par Me Denizot, avocat ;

le PREFET DU LOIRET demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704797 du 26 octobre 2007 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 23 octobre 2007 par lequel il a décidé la reconduite à la frontière de M. Nikoloze X ;

2°) de rejeter la demande de M. X devant le Tribunal administratif de Toulouse ;

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Vu les aut...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 11 décembre 2007 sous le n° 07BX02524, présentée pour le PREFET DU LOIRET par Me Denizot, avocat ;

le PREFET DU LOIRET demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704797 du 26 octobre 2007 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 23 octobre 2007 par lequel il a décidé la reconduite à la frontière de M. Nikoloze X ;

2°) de rejeter la demande de M. X devant le Tribunal administratif de Toulouse ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'article 3-1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 décembre 2008,

- le rapport de M. Leducq ;

- et les conclusions de M. Zupan, commissaire du gouvernement ;

Sur l'aide juridictionnelle provisoire :

Considérant qu'il y lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'admettre M. X au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par M. X :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été notifié au PREFET DU LOIRET le 13 novembre 2007 ; que la télécopie de sa requête a été enregistrée au greffe de la Cour le 11 décembre 2007, soit dans le délai d'un mois prévu par les dispositions de l'article R. 766-20 du code de justice administrative, et a été confirmée par envoi de l'original de cette requête parvenu au greffe avant la clôture de l'instruction ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par M. X et tirée de la tardiveté de la requête du PREFET DU LOIRET ne peut qu'être écartée ;

Sur le fond :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;

Considérant que si M. X fait valoir qu'il réside en France avec son épouse depuis 2001, que deux de leurs trois enfants sont nés en France et deux y sont scolarisés et qu'ils s'efforcent de s'intégrer à la société française, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il ne peut justifier d'une durée importante de séjour sur le territoire français, que son épouse est également en situation irrégulière et qu'il ne justifie pas être dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine ; qu'en outre, rien ne fait obstacle à ce que, compte tenu de leur jeune âge, il emmène ses enfants en Géorgie afin d'y poursuivre une vie familiale normale ; qu'ainsi, eu égard aux circonstances de l'espèce, l'arrêté litigieux n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, c'est à tort que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur ce que l'arrêté du PREFET DU LOIRET en date du 23 octobre 2007 décidant la reconduite à la frontière de l'intéressé aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour en prononcer l'annulation ;

Considérant qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X tant devant la Cour que devant le Tribunal administratif de Toulouse ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté décidant la reconduite à la frontière :

Considérant que l'arrêté du PREFET DU LOIRET en date du 23 octobre 2007 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui le fondent ; que, par suite, il est suffisamment motivé ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions des articles L. 511-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à la reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions de reconduite et, par suite, exclure l'application des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, selon lesquelles les décisions qui doivent être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979 ne peuvent légalement intervenir qu'après que l'intéressé a été mis à même de présenter des observations écrites ou orales ; que dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 est inopérant ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, « II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité » ; qu'aux termes de l'article L. 311-5 du même code, La délivrance d'une autorisation provisoire de séjour, d'un récépissé de demande de titre de séjour et d'un récépissé de demande d'asile n'a pas pour effet de régulariser les conditions de l'entrée en France, sauf s'il s'agit d'un étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, entré irrégulièrement en France en juin 2001, a sollicité le bénéfice de l'asile politique ; que celui-ci lui a été refusé par décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 26 mars 2002 confirmée par la commission des recours des réfugiés le 23 mars 2003 ; que, dans ces conditions, la délivrance de titres de séjour provisoires dans l'attente de la décision de l'office puis de la commission des recours n'a, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 311-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pas eu pour effet de régulariser les conditions de son entrée en France ; que, dès lors, le PREFET DU LOIRET n'a pas entaché l'arrêté en date du 23 octobre 2007 décidant la reconduite à la frontière d'une erreur de droit en le fondant sur les dispositions de l'article L. 511-1-II-1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant que si M. X invoque, par voie d'exception, l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour en date du 9 août 2006, il ne peut se prévaloir du moyen unique tiré de la méconnaissance des dispositions de la circulaire ministérielle du 13 juin 2006 du ministre de l'intérieur, laquelle est dépourvue de tout caractère réglementaire ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990, Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'ainsi qu'il vient d'être dit ci-dessus, l'épouse de M. X faisant aussi l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière, rien ne fait obstacle à ce qu'ils emmènent leurs enfants avec eux en Géorgie ; que dès lors, l'arrêté du PREFET DU LOIRET en date du 23 octobre 2007 décidant la reconduite à la frontière de M. X n'a pas méconnu les stipulations précitées ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision fixant le pays de destination :

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prenant la décision fixant le pays de destination, le PREFET DU LOIRET ne se soit pas livré à un examen particulier de l'ensemble de la situation personnelle de M. X ou qu'il se soit estimé lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Commission des recours des réfugiés ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, « Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 » ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » ; que si M. X produit un document du ministère de l'intérieur géorgien en date du 17 avril 2006 mentionnant son placement en détention préventive durant 24 heures en août 1999 et divers documents faisant état de la mort violente en 2006 d'un certain Kakha X, ces documents, imprécis et lacunaires, ne peuvent suffire à démontrer l'existence de risques actuels et personnels encourus en cas de retour en Géorgie ; que dès lors, l'arrête du PREFET DU LOIRET en date du 23 octobre 2007 fixant le pays de destination ne méconnait ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de placement en rétention administrative :

Considérant que la décision de placement en rétention du 23 octobre 2007 mentionne les considérations de droit et de fait sur lesquels elle se fonde et notamment, que M. X, démuni de passeport, de domicile et de ressources, n'offre pas de garanties de représentation ; que dès lors le moyen tiré de son insuffisante motivation ne saurait être accueilli ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU LOIRET est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté portant reconduite à la frontière de M. X en date du 23 octobre 2007 ;

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du PREFET DU LOIRET en date du 23 octobre 2007, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. X demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. X la somme que l'Etat demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'aide juridictionnelle provisoire est accordée à M. X.

Article 2 : Le jugement du 26 octobre 2007 du Tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif et ses conclusions incidentes sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions de l'Etat tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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No 07BX02524


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 07BX02524
Date de la décision : 22/01/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alain LEDUCQ
Rapporteur public ?: M. ZUPAN
Avocat(s) : TERCERO

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2009-01-22;07bx02524 ?
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