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06/07/2006 | FRANCE | N°04BX01804

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4eme chambre (formation a 3), 06 juillet 2006, 04BX01804


Vu le recours, enregistré le 26 octobre 2004, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 99/3523 et 02/3665 du 29 juin 2004 par lequel le Tribunal administratif de Toulouse a prononcé la décharge du complément d'impôt sur les sociétés auquel la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Toulouse et du Midi toulousain a été assujettie au titre des années 1991 à 1998 ;

2°) de remettre intégralement l'imposition

contestée à la charge de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Toul...

Vu le recours, enregistré le 26 octobre 2004, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 99/3523 et 02/3665 du 29 juin 2004 par lequel le Tribunal administratif de Toulouse a prononcé la décharge du complément d'impôt sur les sociétés auquel la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Toulouse et du Midi toulousain a été assujettie au titre des années 1991 à 1998 ;

2°) de remettre intégralement l'imposition contestée à la charge de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Toulouse et du Midi toulousain ;

…………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 66-455 du 2 juillet 1966 modifiée ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 juin 2006 :

- le rapport de M. Vié, rapporteur ;

- les observations de Me Z..., pour la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Toulouse et du Midi toulousain, et de Mme Y... de Saint-Aignan représentant le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;

- et les conclusions de M. Pouzoulet, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions à fin de rétablissement de l'impôt :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : « Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : … qui permettent d'éviter, en totalité ou en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d'affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution d'un contrat ou d'une convention. / L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus feront l'objet d'un rapport annuel. Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement » ; qu'il résulte de ces dispositions que lorsque l'administration use des pouvoirs que lui confère ce texte dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable dès lors qu'elle établit que ces actes ont un caractère fictif, ou bien, à défaut, n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ;

Considérant que, par acte du 27 mai 1991, la Société nationale des chemins de fer belges a cédé au groupement d'intérêt économique Sandrine X..., dont la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Toulouse et du Midi toulousain détient 5 % du capital, deux rames de train à grande vitesse trans-Manche en cours de construction, pour la somme de 587 928 524 F (89 629 125,69 euros) ; que, par contrats de crédit-bail du même jour, ces mêmes biens ont été donnés en location par le groupement à la Société nationale des chemins de fer belges pour une durée comprise entre la date de livraison des rames et le 30 juin 2009, et ont fait l'objet d'une promesse de vente à la date du 30 juin 2001 ou à celle du 30 juin 2009, moyennant un prix convenu, sous réserve, pour le preneur, de souscrire un emprunt obligataire représentant 25 % du coût d'acquisition à « coupon zéro » rémunéré par le bailleur au taux nominal de 11,97 % ; que l'administration, estimant que le contrat de crédit-bail était fictif et exclusivement inspiré par des intérêts fiscaux, a écarté ce dernier sur le fondement des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, et a réintégré dans les résultats de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Toulouse et du Midi toulousain la quote-part lui revenant dans les déficits constatés par le groupement d'intérêt économique Sandrine X... au titre des exercices clos les 31 décembre des années 1991 à 1998 ; que s'étant abstenue de saisir le comité consultatif pour la répression des abus de droit, elle supporte la charge de la preuve des intentions qu'elle invoque ;

Considérant que le contrat susmentionné, dont il est constant qu'il a été exécuté conformément aux stipulations liant les parties, prévoit la location, par un groupement d'intérêt économique qui en demeure propriétaire, de biens que la société preneuse a exploités dans le cadre de son activité de transport, en bénéficiant d'une promesse unilatérale de vente du bailleur moyennant un prix convenu tenant compte, au moins pour partie, des loyers versés, et répond ainsi à la qualification d'opération de crédit-bail au sens de l'article 1er de la loi n° 66-455 du 2 juillet 1966 ; que la convention de trésorerie qui a assorti l'opération de crédit-bail ne saurait avoir pour effet de remettre en cause cette qualification, ni ne permet de regarder le contrat comme fictif dès lors, en tout état de cause, que la participation de la Société nationale des chemins de fer belges au financement de l'opération, qu'aucune disposition ne proscrit et qui participe des garanties offertes au bailleur, ne peut être regardée comme hors de proportion par rapport à l'ensemble des concours bancaires accordés, desquels ne sauraient être exclues les avances consenties au groupement par ses actionnaires dans le cadre de la « tranche C » de financement ; que, de même, le recours à ces avances pour relayer les financements classiques dès la deuxième année de contrat ne traduit nullement une prolongation artificielle de ce dernier dès lors qu'il est constant que la location des automotrices s'est poursuivie conformément aux termes de la convention ; que le ministre n'établit donc pas, par ces seules circonstances, le caractère fictif du contrat en cause ;

Considérant que la Société nationale des chemins de fer belges, connaissant des besoins structurels de financement, a pu, eu égard aux modalités du contrat ci-dessus analysées, bénéficier d'un important flux de trésorerie sans dégradation de ses ratios financiers, ni de sa capacité ultérieure d'endettement, tout en préservant la pérennité de ses moyens d'exploitation ; que si la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Toulouse et du Midi toulousain admet qu'elle disposait d'un intérêt fiscal au contrat, elle a pu conclure, grâce notamment à la participation financière de la société et à la garantie émise par le Royaume de Belgique, sous forme d'un arrêté royal couvrant le paiement de toutes sommes dues au titre du contrat, un contrat d'envergure sans supporter la charge de la totalité de l'investissement et comportant, en outre, un risque financier notablement réduit ; que le ministre ne saurait tirer de la dispense accordée à la Société nationale des chemins de fer belges d'assurer les biens loués que le contrat conclu ne présentait pas l'intérêt économique des contrats de crédit-bail, dès lors que le preneur, dans le cadre de sa politique de propre assureur, a accepté de se comporter comme tel à l'égard du bailleur, et disposait, ainsi qu'il a été dit, de la garantie du Royaume de Belgique ; qu'eu égard aux enjeux financiers de l'opération, le recours à un groupement d'intérêt économique répond à la nécessité d'une syndication bancaire ; qu'ainsi, en admettant que les modalités contractuelles de financement aient eu notamment pour effet de majorer les déficits du groupement durant la première partie du contrat, le ministre ne justifie pas de ce que le contrat de crédit-bail en cause aurait été inspiré par le seul motif d'atténuer des charges fiscales que la Caisse, par l'intermédiaire du groupement, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ; que, par suite, l'administration n'était pas en droit d'écarter le contrat de crédit ;bail en cause sur le fondement des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Toulouse a prononcé la décharge du complément d'impôt sur les sociétés auquel la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Toulouse et du Midi toulousain a été assujettie au titre des années 1991 à 1998 ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à payer à la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Toulouse et du Midi toulousain la somme de 1 300 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Toulouse et du Midi toulousain la somme de 1 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 04BX01804


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : ERSTEIN
Rapporteur ?: M. Jean-Marc VIE
Rapporteur public ?: M. POUZOULET
Avocat(s) : MEIER

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4eme chambre (formation a 3)
Date de la décision : 06/07/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 04BX01804
Numéro NOR : CETATEXT000007514685 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2006-07-06;04bx01804 ?
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