La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/03/2006 | FRANCE | N°02BX00882

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4eme chambre (formation a 3), 16 mars 2006, 02BX00882


Vu la requête, enregistrée le 14 mai 2002, présentée par Mme Hadria X, élisant domicile ... ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0002705 du 5 décembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande dirigée contre la décision en date du 9 octobre 2000 du ministre de la défense refusant de lui allouer une pension de reversion du chef de son mari décédé ;

2°) d'annuler ladite décision ;

…………………………………………………………………………………………….

Vu les autres

pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 59-1454 du 26 décembre 1959...

Vu la requête, enregistrée le 14 mai 2002, présentée par Mme Hadria X, élisant domicile ... ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0002705 du 5 décembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande dirigée contre la décision en date du 9 octobre 2000 du ministre de la défense refusant de lui allouer une pension de reversion du chef de son mari décédé ;

2°) d'annuler ladite décision ;

…………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 59-1454 du 26 décembre 1959, notamment l'article 71-1 ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 mars 2006 :

- le rapport de M. Laborde, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Doré, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 71-1 de la loi n° 59-1454 du 26 décembre 1959 : « A compter du 1er janvier 1961, les pensions imputées sur le budget de l'Etat dont sont titulaires les nationaux des pays ou territoires ayant appartenu à l'Union française ou à la Communauté ou ayant été placés sous le protectorat ou sous la tutelle de la France, seront remplacées pendant la durée normale de leur jouissance personnelle par des indemnités annuelles en francs, calculées sur la base des tarifs en vigueur pour lesdites pensions à la date de leur transformation. » ;

Considérant qu'en vertu de ces dispositions, M. El Bouazzaoui X, ressortissant marocain, engagé dans l'armée française le 4 octobre 1939 et rayé des contrôles le 4 octobre 1954, a perçu à compter du 1er janvier 1961 une indemnité insusceptible d'être revalorisée dans les conditions prévues par le code des pensions civiles et militaires de retraite et non réversible ; qu'à la suite de son décès survenu le 18 mars 2000, sa veuve, née Hadria Y, a demandé à bénéficier du droit à pension prévu par les dispositions de l'article L. 47 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction issue de la loi du 26 décembre 1964, applicable en l'espèce ; que cette demande a été rejetée au seul motif que M. X avait perçu jusqu'à son décès l'indemnité prévue par les dispositions précitées de l'article 71-1 de la loi du 26 décembre 1959 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ratifiée par la France en application de la loi du 31 décembre 1973 et publiée au Journal officiel par décret du 3 mai 1974 : « Les Hautes parties contractantes reconnaissent à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis au titre 1 de la présente convention » ; que selon l'article 14 de la même convention : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation » ; qu'en vertu des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. » ;

Considérant que le droit à pension de veuve prévu par les dispositions de l'article L. 47 du code des pensions civiles et militaires de retraite constitue, dès lors que les conditions de son obtention sont réunies, une créance qui doit être regardée comme un bien au sens de l'article 1er précité du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire au sens des stipulations précitées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi ;

Considérant que les pensions de retraite constituent, pour les agents publics, une rémunération différée destinée à leur assurer ou à assurer à leurs ayants cause des conditions matérielles de vie en rapport avec la dignité des fonctions précédemment exercées par ces agents ;

Considérant que les dispositions précitées de l'article 71-1 de la loi du 26 décembre 1959 créent une différence de traitement entre les retraités et, par voie de conséquence, entre leurs ayants cause, en fonction de la seule nationalité ; que la différence de situation existant entre les retraités ou leurs ayants cause, selon que les intéressés étaient de nationalité française ou ressortissants d'Etats devenus indépendants, ne justifie pas, eu égard à l'objet du droit à pension, une différence de traitement entre ces retraités ou ces ayants cause ; que les dispositions précitées de l'article 71-1 de la loi du 26 décembre 1959 étant, de ce fait, incompatibles avec les stipulations précitées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elles ne pouvaient légalement justifier que M. X fût titulaire de l'indemnité prévue par ces dispositions législatives et ne sauraient, par suite, justifier le rejet, par la décision ministérielle attaquée du 9 octobre 2000, de la demande présentée par Mme X en vue d'obtenir une pension en sa qualité de veuve ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0002705 du 5 décembre 2001 du Tribunal administratif de Poitiers et la décision du ministre de la défense du 9 octobre 2000 refusant à Mme X le bénéfice d'une pension de réversion sont annulés.

3

N° 02BX00882


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4eme chambre (formation a 3)
Numéro d'arrêt : 02BX00882
Date de la décision : 16/03/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Composition du Tribunal
Président : Mme ERSTEIN
Rapporteur ?: M. Jean-Louis LABORDE
Rapporteur public ?: M. DORE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2006-03-16;02bx00882 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award