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02/04/2013 | FRANCE | N°12BX01215

France | France, Cour administrative d'appel de, 6ème chambre (formation à 3), 02 avril 2013, 12BX01215


Vu la requête enregistrée par télécopie le 11 mai 2012, et régularisée le 15 mai 2012, présentée pour M. A... B..., demeurant..., et retenu au..., ;

M. B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200179 du 20 janvier 2012 par lequel le magistrat délégué du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 16 janvier 2012 par lequel le préfet de la Charente-Maritime lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, ainsi que de la décision du même jour le plaçant en rétention ad

ministrative ;

2°) d'annuler ces deux décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de pro...

Vu la requête enregistrée par télécopie le 11 mai 2012, et régularisée le 15 mai 2012, présentée pour M. A... B..., demeurant..., et retenu au..., ;

M. B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200179 du 20 janvier 2012 par lequel le magistrat délégué du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 16 janvier 2012 par lequel le préfet de la Charente-Maritime lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, ainsi que de la décision du même jour le plaçant en rétention administrative ;

2°) d'annuler ces deux décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat à verser à son conseil une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le règlement CE n° 1024/2009 du Conseil du 30 novembre 2009 modifiant le règlement CE n° 539/2001 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des Etats membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 mars 2013 :

- le rapport de M. Jean-Emmanuel Richard, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public ;

- les observations de Me Coste, avocat de M.B... ;

1. Considérant que M.B..., de nationalité serbe, a été interpellé le 15 janvier 2012 et a fait l'objet, à l'issue de sa garde à vue, le 16 janvier 2012, d'un arrêté du préfet de la Charente-Maritime portant obligation de quitter le territoire français sans délai, ainsi que d'une décision du même jour le plaçant en rétention administrative ; qu'il fait appel du jugement du 20 janvier 2012 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté et cette décision ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dès notification de l'obligation de quitter le territoire français, l'étranger auquel aucun délai de départ volontaire n'a été accordé est mis en mesure, dans les meilleurs délais, d'avertir un conseil, son consulat ou une personne de son choix. L'étranger est informé qu'il peut recevoir communication des principaux éléments des décisions qui lui sont notifiées en application de l'article L. 511-1. Ces éléments lui sont alors communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend. " ; qu'aux termes de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'il est prévu aux livres II et V du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de la personne est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français ou s'il ne sait pas lire. " ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal d'audition de M. B...que celui-ci a indiqué qu'il comprenait le français et a répondu de façon précise aux différentes questions qui lui étaient posées ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la notification de l'obligation de quitter le territoire français a été faite en français sans l'assistance d'un interprète en méconnaissance des dispositions précitées doit être écartée ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. (...). / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) ;(...). " ;

4. Considérant qu'aux termes du 4 de l'article 7 de la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier : " S'il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les États membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours " ; que la même directive prévoit, au 7) de son article 3, qu'il faut entendre par risque de fuite " le fait qu'il existe des raisons, dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu'un ressortissant d'un pays tiers faisant l'objet de procédures de retour peut prendre la fuite " ;

5. Considérant que contrairement à ce que soutient M. B...les dispositions ci-dessus rappelées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui fixent des critères objectifs permettant de penser que l'étranger faisant l'objet de la mesure d'éloignement est susceptible de prendre la fuite, tout en réservant l'hypothèse de circonstances particulières, ne sont pas incompatibles avec celles précitées de la directive n° 2008/115/Conseil d'Etat et avec les objectifs de proportionnalité et d'efficacité qu'elle énonce ;

6. Considérant que la décision de refus de départ volontaire, qui a été prise aux visas des textes dont elle fait application et qui précise notamment que M. B...qui n'a pas été en mesure de présenter un passeport assorti d'un visa d'entrée doit être regardé comme étant entré irrégulièrement sur le territoire national et qu'il s'est maintenu en situation irrégulière sans déposer de demande de titre de séjour, énonce suffisamment les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée ;

7. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait refusé d'accorder un délai de départ volontaire sans se livrer préalablement à une appréciation de la situation particulière de l'intéressé et qu'il se serait cru lié de refuser ce délai du seul fait que l'intéressé entrait dans l'un des cas prévus à l'article L. 511-1, II 3° précité ;

8. Considérant qu'il résulte des dispositions du II de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français sans délai et, par suite, exclure l'application des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 à l'égard de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ne peut qu'être écarté ; que le requérant ne saurait davantage utilement invoquer la méconnaissance de l'article 8 du décret du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers, dont les dispositions ont été abrogées par le décret n° 2001-492 du 6 juin 2001 ;

9. Considérant que si le requérant, ressortissant serbe, titulaire d'un passeport biométrique était exempté de visa en application du règlement n° 539/2001 du Conseil du 15 mars 2001 modifié par le règlement (UE) n° 1244/2009 du Conseil du 30 novembre 2009 et n'entrait pas ainsi dans le champ d'application des dispositions précitées du a) du 3° du paragraphe II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui permettent à l'autorité administrative de priver d'un délai de départ volontaire l'étranger qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, le premier juge a cependant estimé que le préfet pouvait légalement fonder sa décision sur le b) du même article dès lors que l'intéressé s'était maintenu sur le territoire français à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; que si M. B... soutient qu'il ne remplissait pas cette condition en faisant valoir qu'il n'est entré en France qu'en décembre 2011 peu de temps avant les fêtes pour rendre visite à sa famille, il ressort des pièces du dossier qu'il avait obtenu le 10 juillet 2011 une carte d'admission à l'aide médicale de l'Etat valable jusqu'au 18 juillet 2012 comportant l'adresse à Angoulême d'un appartement dont il a déclaré lors de son audition être locataire et où il a déclaré vivre tout en se rendant de temps en temps chez... ; que, dans ces conditions, et alors que le requérant se borne à affirmer sans autre précision qu'il était reparti en Serbie depuis l'obtention de sa carte d'aide médicale, c'est à bon droit que le premier juge a estimé que sa situation entrait dans les prévisions du b) du 3° du paragraphe II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui permettait au préfet de regarder comme établi, sauf circonstance particulière, le risque que M. B...se soustraie à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français ;

10. Considérant que si le requérant se prévaut de ce qu'il détenait un passeport en cours de validité et justifiait d'une adresse, de ce qu'il avait déclaré ne s'opposer nullement à son départ, et qu'il n'avait aucun intérêt à chercher à prendre la fuite alors qu'il avait l'assurance de pouvoir revenir en France sans difficulté, le préfet a pu néanmoins, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, estimer, compte tenu notamment des informations contradictoires donné par l'intéressé quant à sa domiciliation en indiquant tout d'abord vivre dans son appartement à Angoulême tout en déclarant être hébergée de temps en temps chez... ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué du président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 16 janvier 2012 lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai ;

En ce qui concerne le placement en rétention :

12. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / (...) / 6°) Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; / (...). " ;

13. Considérant que pour ordonner le placement en rétention administrative de M. B... et estimer que l'intéressé ne présentait pas de garanties de représentation, le préfet s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé n'était pas en mesure de présenter un passeport en cours de validité ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé pouvait présenter un tel passeport ; que, dès lors, la décision litigieuse est entachée d'une erreur de fait qui n'est pas sans influence sur sa légalité ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué du président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 16 janvier 2012 le plaçant en rétention administrative ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

15. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français de M.B..., n'implique pas qu'il soit procédé à un nouvel examen de la situation de l'intéressé et que lui soit délivrée une autorisation provisoire de séjour ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet :

16. Considérant que M. B...bénéficie de l'aide juridictionnelle totale ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Coste, avocat de M.B..., la somme de 800 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement n° 1200179 du 20 janvier 2012 du magistrat délégué du président du tribunal administratif de Bordeaux est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. B...dirigées contre la décision du 16 janvier 2012 du préfet de la Charente-Maritime le plaçant en rétention administrative.

Article 2 : La décision du 16 janvier 2012 du préfet de la Charente-Maritime plaçant M. B...en rétention administrative est annulée.

Article 3 : L'Etat versera à Me Coste, avocat de M.B..., la somme de 800 euros au titre des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle dont M. B...a été reconnu bénéficiaire.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.

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No 12BX01215


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. CHEMIN
Rapporteur ?: M. Jean-Emmanuel RICHARD
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : COSTE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Date de la décision : 02/04/2013
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 12BX01215
Numéro NOR : CETATEXT000027276342 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.de;arret;2013-04-02;12bx01215 ?
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