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10/01/2024 | FRANCE | N°466245

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 10 janvier 2024, 466245


Vu la procédure suivante :



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet de la Côte-d'Or du 23 avril 2021 lui refusant la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étranger malade ", l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le Kosovo comme pays de renvoi. Par un jugement n° 2101349 du 19 novembre 2021, le tribunal administratif a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer un titre de séjou

r portant la mention " étranger malade " dans un délai de quinze jours.



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Vu la procédure suivante :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet de la Côte-d'Or du 23 avril 2021 lui refusant la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étranger malade ", l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le Kosovo comme pays de renvoi. Par un jugement n° 2101349 du 19 novembre 2021, le tribunal administratif a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " étranger malade " dans un délai de quinze jours.

Par un arrêt n° 21LY04076 du 5 mai 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel du préfet de la Côte-d'Or, annulé ce jugement et rejeté la demande de M. B....

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 1er août et 31 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du préfet de la Côte-d'Or ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros, à verser à son avocat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761 1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Antoine Berger, auditeur,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 23 avril 2021, le préfet de la Côte-d'Or a rejeté la demande de titre de séjour de M. B..., de nationalité kosovare et né le 30 juin 1949, présentée sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de reconduite. Par un jugement du 19 novembre 2021, le tribunal administratif de Dijon a annulé ces décisions et enjoint au préfet de délivrer un titre de séjour portant la mention " étranger malade " dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement. Par un arrêt du 5 mai 2022 contre lequel M. B... se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel du préfet de la Côte-d'Or, annulé ce jugement et rejeté les demandes présentées devant le tribunal administratif.

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 313-22, alors en vigueur, du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration mentionné à l'article R. 313-22, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, d'une part, que l'état de santé de M. B..., dont le défaut de prise en charge médicale pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, requiert la possibilité pour celui-ci de suivre un programme de chimiothérapie par azacitidine, commercialisée sous le nom " A... ", en étant hospitalisé une semaine chaque mois, d'autre part, que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a émis un avis en date du 29 décembre 2020 estimant que, compte tenu de l'offre de soins et des caractéristiques du système de santé au Kosovo, il ne pourrait y bénéficier effectivement d'un traitement adapté. En estimant que le préfet établissait que l'intéressé pourrait effectivement trouver au Kosovo les traitements qui lui sont nécessaires par la production d'extraits de la base de données MedCOI datant de 2017 et de celle de l'agence kosovare de médicament mise à jour en décembre 2021 alors que ces documents ne faisaient pas mention du traitement précité à l'azacitidine, la cour administrative d'appel de Lyon a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que M. B... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Delvolvé-Trichet, qui représente M. B... devant le Conseil d'Etat, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 5 mai 2022 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon.

Article 3 : L'Etat versera à la SCP Delvolvé-Trichet, avocat de M. B..., la somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de renonciation à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 7 décembre 2023 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Stéphane Hoynck, conseiller d'Etat et M. Antoine Berger, auditeur-rapporteur.

Rendu le 10 janvier 2024.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

Le rapporteur :

Signé : M. Antoine Berger

La secrétaire :

Signé : Mme Angélique Rajaonarivelo


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 466245
Date de la décision : 10/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 jan. 2024, n° 466245
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Antoine Berger
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SARL DELVOLVE ET TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 25/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:466245.20240110
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