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27/12/2022 | FRANCE | N°450220

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 27 décembre 2022, 450220


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 28 février 2021 et le 27 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le deuxième alinéa de l'article 5 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles.

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Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des lib...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 28 février 2021 et le 27 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le deuxième alinéa de l'article 5 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 5 du décret du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles, entré en vigueur le 1er janvier 2021 en vertu de son article 190 : " (...) Le demandeur n'est pas éligible à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat lorsqu'il dispose, au jour de la demande, d'un patrimoine immobilier dont la valeur estimée est supérieure à deux fois le plafond d'admission à l'aide juridictionnelle partielle et à l'aide à l'intervention de l'avocat./ Conformément au III de l'article 4 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée, la résidence principale du demandeur n'est pas prise en compte dans l'estimation du patrimoine immobilier auquel s'applique le plafond prévu au précédent alinéa ".

2. Aux termes de l'article 4 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, dans sa version issue de l'article 243 de la loi du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, en vigueur du 1er au 31 décembre 2020 : " I.- Les plafonds annuels d'éligibilité des personnes physiques à l'aide juridictionnelle sont fixés par décret en Conseil d'Etat. / II.- Le caractère insuffisant des ressources des personnes physiques est apprécié en tenant compte : / 1° Du revenu fiscal de référence ou, à défaut, des ressources imposables dont les modalités de calcul sont définies par décret ; / 2° De la valeur en capital du patrimoine mobilier ou immobilier non productif de revenus et du patrimoine mobilier productif de revenus ; / 3° De la composition du foyer fiscal. / III.- Les biens qui ne pourraient être vendus ou donnés en gage sans entraîner un trouble grave pour les intéressés ne sont pas pris en compte dans le calcul du montant des ressources auquel s'appliquent les plafonds d'éligibilité ".

3. En premier lieu, s'il résulte de l'article 190 du décret du 28 décembre 2020 que les dispositions attaquées de son article 5 sont entrées en vigueur le 1er janvier 2021, cette circonstance n'est pas, par elle-même, de nature à entraîner une méconnaissance du principe de sécurité juridique ni une violation des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. En deuxième lieu, la légalité des dispositions du décret critiqué doit être appréciée au regard des dispositions législatives applicables à la date de leur entrée en vigueur. Ainsi, si le requérant soutient que les dispositions attaquées du deuxième alinéa de l'article 5 du décret du 28 décembre 2020 sont dépourvues de base légale en ce qu'elles prévoient la non éligibilité à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat lorsque le demandeur dispose d'un patrimoine immobilier dont la valeur estimée est supérieure à deux fois le plafond d'admission, alors que l'article 4 de la loi du 10 juillet 1991, dans sa version applicable à la date de leur édiction, n'autorisait le pouvoir réglementaire à tenir compte, s'agissant du patrimoine immobilier, que de la valeur en capital du patrimoine immobilier non productif de revenus, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que les dispositions réglementaires critiquées ne sont entrées en vigueur que le 1er janvier 2021, date à laquelle s'appliquait la nouvelle version des dispositions de ce même article 4, issue de la loi du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, en vertu de laquelle le caractère insuffisant des ressources des personnes physiques s'apprécie en tenant compte, entre autres, de la valeur en capital du patrimoine immobilier non productif de revenus.

5. Enfin, compte tenu de l'objet de l'article 4 de la loi du 10 juillet 1991, qui autorisait le pouvoir réglementaire à fixer les plafonds annuels d'éligibilité des personnes physiques à l'aide juridictionnelle, le décret attaqué a pu, sans être entaché d'erreur manifeste d'appréciation ni méconnaître ce faisant les stipulations des articles 2, 8 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article premier de son premier protocole additionnel, prévoir un tel plafond, qui prend en compte la valeur du patrimoine immobilier détenu par le demandeur, et apprécie cette valeur sans que soit prise en compte la résidence principale de ce dernier.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le garde des sceaux, que la requête de M. A... doit être rejetée.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A..., à la Première ministre, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, au ministre de la santé et de la prévention et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré à l'issue de la séance du 1er décembre 2022 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; Mme Suzanne von Coester, conseillère d'Etat et M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 27 décembre 2022.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

Le rapporteur :

Signé : M. Bruno Bachini

La secrétaire :

Signé : Mme Valérie Peyrisse


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 450220
Date de la décision : 27/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 déc. 2022, n° 450220
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bruno Bachini
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:450220.20221227
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