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27/12/2022 | FRANCE | N°448990

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 27 décembre 2022, 448990


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 22 janvier 2021 et le 30 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les articles 5 et 101 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles;

2°) de mettre à la charge de l'Etat

la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrati...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 22 janvier 2021 et le 30 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les articles 5 et 101 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 5 du décret du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles : " Le demandeur n'est pas éligible à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat lorsqu'il dispose, au jour de la demande, d'un patrimoine mobilier ou financier dont la valeur est supérieure au plafond d'admission à l'aide juridictionnelle totale. / Le demandeur n'est pas éligible à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat lorsqu'il dispose, au jour de la demande, d'un patrimoine immobilier dont la valeur estimée est supérieure à deux fois le plafond d'admission à l'aide juridictionnelle partielle et à l'aide à l'intervention de l'avocat. Conformément au III de l'article 4 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée, la résidence principale du demandeur n'est pas prise en compte dans l'estimation du patrimoine immobilier auquel s'applique le plafond prévu au précédent alinéa ". Aux termes de l'article 101 du même décret : " La part contributive de l'Etat versée à l'avocat ou à l'officier public ou ministériel qui prête son concours au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle est celle qui est prévue par les articles 86, 87, 90, 91, 95, 96, 97 et 98, affectée d'un pourcentage calculé en fonction du tableau ci-après : /

2. Aux termes de l'article 4 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " I.- Les plafonds annuels d'éligibilité des personnes physiques à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat sont fixés par décret en Conseil d'Etat. / II.- Le caractère insuffisant des ressources des personnes physiques est apprécié en tenant compte : (...) 2° De la valeur en capital du patrimoine mobilier ou immobilier même non productif de revenus ; / (...) III.- Les biens qui ne pourraient être vendus ou donnés en gage sans entraîner un trouble grave pour les intéressés ne sont pas pris en compte dans le calcul du montant des ressources auquel s'appliquent les plafonds d'éligibilité ".

3. En premier lieu, si le requérant soutient que les dispositions réglementaires contestées seraient illégales en tant qu'elles créeraient un " effet de seuil ", eu égard aux règles de plafond retenues, la différence de traitement entre justiciables suivant la répartition de leurs ressources entre revenu, patrimoine mobilier ou financier et patrimoine immobilier résultant des dispositions attaquées du décret du 28 décembre 2020 est en rapport direct avec l'objet de l'article 4 de la loi du 10 juillet 1991 cité ci-dessus et n'est pas manifestement disproportionnée. Ces dispositions, qui fixent les conditions d'éligibilité à l'aide juridictionnelle en fonction du niveau de ressources des justiciables, ne méconnaissent pas davantage les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, les dispositions précitées du 2° du II de l'article 4 de la loi du 10 juillet 1991, en vertu desquelles le caractère insuffisant des ressources des personnes physiques est apprécié en tenant compte notamment de la valeur en capital du patrimoine mobilier ou immobilier, même non productif de revenus, ne faisaient pas obstacle à ce que le pouvoir réglementaire prévoie, à l'article 5 du décret attaqué pris pour l'application de cette loi, compte tenu de la marge d'appréciation dont il disposait, qu'il soit tenu compte de manière séparée du patrimoine mobilier et du patrimoine immobilier pour apprécier l'éligibilité du demandeur à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat.

5. Enfin, en prévoyant à l'article 5 du décret attaqué que, conformément aux dispositions du III de l'article 4 de la loi du 10 juillet 1991, la résidence principale du demandeur n'est pas prise en compte dans l'estimation du patrimoine immobilier auquel s'applique le plafond prévu au précédent alinéa, le pouvoir réglementaire, qui n'a pas entendu, ce faisant, exclure que l'autorité compétente pour statuer sur la demande puisse tenir compte, au titre de ces mêmes dispositions et dans le cadre d'un examen au cas par cas, de l'existence d'autres biens qui ne pourraient être vendus ou donnés en gage sans entraîner un trouble grave pour leur propriétaire, n'a pas méconnu la loi.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le garde des sceaux, que la requête de M. B... doit être rejetée.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., à la Première ministre, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, au ministre de la santé et de la prévention et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré à l'issue de la séance du 1er décembre 2022 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; Mme Suzanne von Coester, conseillère d'Etat et M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 27 décembre 2022.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

Le rapporteur :

Signé : M. Bruno Bachini

La secrétaire :

Signé : Mme Valérie Peyrisse


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 448990
Date de la décision : 27/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 déc. 2022, n° 448990
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bruno Bachini
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:448990.20221227
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