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19/12/2022 | FRANCE | N°463877

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 19 décembre 2022, 463877


Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a saisi le tribunal administratif de Melun, en application de l'article L. 52-15 du code électoral, sur le fondement de sa décision du 16 décembre 2021 rejetant le compte de campagne de M. D... B... et Mme E... F..., binôme de candidats aux élections départementales qui se sont déroulées les 20 et 27 juin 2021 dans la circonscription de Villejuif (Val-de-Marne).

Par un jugement n° 2200108 du 25 mars 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté, d'une

part, la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et...

Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a saisi le tribunal administratif de Melun, en application de l'article L. 52-15 du code électoral, sur le fondement de sa décision du 16 décembre 2021 rejetant le compte de campagne de M. D... B... et Mme E... F..., binôme de candidats aux élections départementales qui se sont déroulées les 20 et 27 juin 2021 dans la circonscription de Villejuif (Val-de-Marne).

Par un jugement n° 2200108 du 25 mars 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté, d'une part, la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et, d'autre part, les conclusions présentées par M. B... et Mme F... tendant, à titre principal, à ce qu'il soit fait droit au remboursement forfaitaire de leurs dépenses électorales ou, à titre subsidiaire, à ce que le remboursement soit réduit du montant des irrégularités éventuellement constatées.

Par une requête, enregistrée le 10 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à ce qu'il fixe le montant du remboursement dû par l'Etat ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue des opérations électorales organisées le 20 juin 2021 dans la circonscription de Villejuif (Val-de-Marne) en vue de la désignation des conseillers départementaux, Mme F... et M. B... ont obtenu 17,94 % des suffrages exprimés. Par une décision du 16 décembre 2021, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a rejeté leur compte de campagne, dit qu'ils n'avaient pas droit au remboursement de leurs dépenses électorales et saisi le juge de l'élection en application de l'article L. 52-15 du code électoral. M. B... relève appel du jugement du 25 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté, d'une part, la saisine de la CNCCFP en raison de son caractère irrégulier et, d'autre part, les conclusions présentées par Mme F... et M. B... tendant notamment, à titre principal, à ce qu'il soit fait droit au remboursement forfaitaire de leurs dépenses électorales ou, à titre subsidiaire, à ce que ce remboursement soit réduit du montant des irrégularités éventuellement constatées.

2. Aux termes de l'article L. 52-11-1 du code électoral : " Les dépenses électorales des candidats aux élections auxquelles l'article L. 52-4 est applicable font l'objet d'un remboursement forfaitaire de la part de l'Etat égal à 47,5 % de leur plafond de dépenses. Ce remboursement ne peut excéder le montant des dépenses réglées sur l'apport personnel des candidats et retracées dans leur compte de campagne. / Le remboursement forfaitaire n'est pas versé aux candidats qui ont obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés au premier tour de scrutin, qui ne se sont pas conformés aux prescriptions de l'article L. 52-11, qui n'ont pas déposé leur compte de campagne dans le délai prévu au II de l'article L. 52-12 ou dont le compte de campagne est rejeté pour d'autres motifs ou qui n'ont pas déposé leur déclaration de situation patrimoniale dans le délai légal et pour le scrutin concerné, s'ils sont astreints à cette obligation. / Dans les cas où les irrégularités commises ne conduisent pas au rejet du compte, la décision concernant ce dernier peut réduire le montant du remboursement forfaitaire en fonction du nombre et de la gravité de ces irrégularités ".

3. L'article L. 52-15 du même code dispose : " La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. Elle arrête le montant du remboursement forfaitaire prévu à l'article L. 52-11-1. / Hors le cas prévu à l'article L. 118-2, elle se prononce dans un délai de six mois à compter de l'expiration du délai fixé au II de l'article L. 52-12. Passé ce délai, les comptes sont réputés approuvés. / Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l'élection. / (...) Le remboursement total ou partiel des dépenses retracées dans le compte de campagne, quand la loi le prévoit, n'est possible qu'après l'approbation du compte de campagne par la commission. / (...) ".

4. En vertu du second alinéa de l'article L. 118-2 du même code : " Sans préjudice de l'article L. 52-15, lorsqu'il constate que la commission instituée par l'article L. 52-14 n'a pas statué à bon droit, le juge de l'élection fixe le montant du remboursement dû au candidat en application de l'article L. 52-11-1 ".

5. Il résulte des dispositions de l'article L. 118-2 du code électoral citées ci-dessus que lorsque le juge administratif constate que la décision de la CNCCFP prise sur le fondement de l'article L. 52-15 du code électoral est entachée d'un vice de procédure, il rejette cette saisine. Faute d'être régulièrement saisi, il n'y a pas lieu pour lui de statuer sur l'éligibilité du candidat. En revanche, il lui appartient de fixer le montant du remboursement dû, le cas échéant, par l'Etat.

6. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Melun, après avoir estimé, par des motifs non contestés du jugement attaqué, que la CNCCFP avait méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure, ce qui justifiait le rejet de sa saisine, ne s'est pas prononcé sur le montant du remboursement dû, le cas échéant, par l'Etat.

7. Aux termes de l'article L. 52-4 du code électoral, le mandataire financier du candidat " (...) règle les dépenses engagées en vue de l'élection et antérieures à la date du tour de scrutin où elle a été acquise, à l'exception des dépenses prises en charge par un parti ou groupement politique. Les dépenses antérieures à sa désignation payées directement par le candidat ou à son profit, ou par l'un des membres d'un binôme de candidats ou au profit de ce membre, font l'objet d'un remboursement par le mandataire et figurent dans son compte de dépôt. / (...) ".

8. Si, par dérogation à la formalité substantielle que constitue l'obligation de recourir à un mandataire pour toute dépense effectuée en vue de sa campagne, le règlement direct de menues dépenses par le candidat peut être admis, ce n'est qu'à la double condition que leur montant, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 52-4 du code électoral, c'est-à-dire prenant en compte non seulement les dépenses intervenues après la désignation du mandataire financier mais aussi celles réglées avant cette désignation et qui n'auraient pas fait l'objet d'un remboursement par le mandataire, soit faible par rapport au total des dépenses du compte de campagne et négligeable au regard du plafond de dépenses autorisées fixé par l'article L. 52-11 du code électoral.

9. Il résulte de l'instruction que Mme F... a payé directement, après la désignation du mandataire financier, diverses dépenses, notamment d'imprimerie, pour un montant total de 4 809 euros. Ce montant correspond à 30,18 % du montant total des dépenses inscrites au compte de campagne et à 11,59 % du plafond légal des dépenses. Un tel montant n'est ni faible par rapport au total des dépenses du compte de campagne des candidats, ni négligeable au regard du plafond des dépenses autorisées. Les dépenses en cause ne sauraient, dès lors, être qualifiées de menues dépenses. La circonstance que les dépenses d'imprimerie aient fait l'objet, avant le dépôt du compte de campagne, d'un remboursement par l'imprimeur du paiement effectué par Mme F..., d'un reversement par celle-ci sur le compte de campagne de la somme qui lui avait été remboursée et d'un paiement direct de l'imprimeur par le mandataire financier est dépourvue d'incidence, dès lors que ces dépenses ont été exposées après qu'a été désigné ce mandataire, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-4 précité du code électoral. Compte tenu de cette irrégularité, qui aurait été de nature à justifier le rejet du compte de campagne des intéressés, il résulte des dispositions de l'article L. 52-11-1 du code électoral que M. B... et Mme F... n'ont pas droit au remboursement par l'Etat de leurs dépenses de campagne.

10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant au remboursement par l'Etat de ses dépenses électorales.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. D... B..., à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 25 novembre 2022 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. Géraud Sajust de Bergues, M. Benoît Bohnert, Mme Anne Courrèges, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et M. Didier Ribes, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 19 décembre 2022.

Le président :

Signé : M. Christophe Chantepy

Le rapporteur :

Signé : M. Didier Ribes

La secrétaire :

Signé : Mme Nadine Pelat


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 463877
Date de la décision : 19/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

ÉLECTIONS ET RÉFÉRENDUM - DISPOSITIONS GÉNÉRALES APPLICABLES AUX ÉLECTIONS - FINANCEMENT ET PLAFONNEMENT DES DÉPENSES ÉLECTORALES - COMMISSION NATIONALE DES COMPTES DE CAMPAGNE ET DES FINANCEMENTS POLITIQUES (CNCCFP) - PROCÉDURE DEVANT LA COMMISSION - VICE DE PROCÉDURE ENTACHANT LA DÉCISION DE LA CNCCFP (ART - L - 52-15 DU CODE ÉLECTORAL) – REJET DE SA SAISINE PAR LE JUGE – OFFICE DU JUGE DE L’ÉLECTION – 1) OBLIGATION DE STATUER SUR L’ÉLIGIBILITÉ DU CANDIDAT – ABSENCE – 2) OBLIGATION DE FIXER LE MONTANT DU REMBOURSEMENT DÛ - LE CAS ÉCHÉANT - PAR L’ETAT – EXISTENCE [RJ1].

28-005-04-03-01 Il résulte de l'article L. 118-2 du code électoral que lorsque le juge administratif constate que la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) prise sur le fondement de l'article L. 52-15 du code électoral est entachée d’un vice de procédure, il rejette cette saisine. ......1) Faute d’être régulièrement saisi, il n’y a pas lieu pour lui de statuer sur l’éligibilité du candidat. ......2) En revanche, il lui appartient de fixer le montant du remboursement dû, le cas échéant, par l’Etat.

ÉLECTIONS ET RÉFÉRENDUM - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - POUVOIRS DU JUGE - REJET PAR LE JUGE DE LA SAISINE DE LA CNCCFP LORSQUE SA DÉCISION EST ENTACHÉE D’UN VICE DE PROCÉDURE (ART - L - 52-15 DU CODE ÉLECTORAL) – OFFICE DU JUGE DE L’ÉLECTION – 1) OBLIGATION DE STATUER SUR L’ÉLIGIBILITÉ DU CANDIDAT – ABSENCE – 2) OBLIGATION DE FIXER LE MONTANT DU REMBOURSEMENT DÛ - LE CAS ÉCHÉANT - PAR L’ETAT – EXISTENCE [RJ1].

28-08-05 Il résulte de l'article L. 118-2 du code électoral que lorsque le juge administratif constate que la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) prise sur le fondement de l'article L. 52-15 du code électoral est entachée d’un vice de procédure, il rejette cette saisine. ......1) Faute d’être régulièrement saisi, il n’y a pas lieu pour lui de statuer sur l’éligibilité du candidat. ......2) En revanche, il lui appartient de fixer le montant du remboursement dû, le cas échéant, par l’Etat.


Références :

[RJ1]

Cf., en l’étendant, CE, 23 juillet 2012, Chevrot, n° 356623, p. 288 ;

CE, 19 juin 2013, CNCCFP c/ M. Ouzoulias et M. Ouzoulias, n°s 356862, 357277, p. 164.


Publications
Proposition de citation : CE, 19 déc. 2022, n° 463877
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:463877.20221219
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