Vu la procédure suivante :
La société Aire parc a demandé à la cour administrative d'appel de Nancy, d'une part, d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2019 par lequel le préfet de la Meuse a refusé de lui délivrer une autorisation environnementale, d'autre part, d'enjoindre au préfet de reprendre l'instruction de sa demande d'autorisation environnementale dans un délai de 30 jours, sous une astreinte de 500 euros par jour de retard, enfin, à titre subsidiaire, d'annuler partiellement l'arrêté du 2 septembre 2019 en tant qu'il porte sur les éoliennes E1 à E6 ou sur les éoliennes E1 à E7 et d'enjoindre au préfet de reprendre l'instruction de la demande d'autorisation en ce qui concerne ces éoliennes.
Par un arrêt n° 19NC03061 du 1er juin 2021, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté cette requête.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 juillet et 13 octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Aire parc demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'aviation civile ;
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- l'arrêté du 25 juillet 1990 des ministres de la défense, de l'intérieur, de l'équipement, du logement, des transports et de la mer, des départements et territoires d'outre-mer, relatif aux installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation ;
- l'arrêté du 20 juillet 2016 du ministre de la défense fixant les règles et services de la circulation aérienne militaire ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Aire parc ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Aire parc a sollicité, le 7 mai 2019, la délivrance d'une autorisation environnementale pour l'implantation et l'exploitation d'un parc éolien composé de neuf aérogénérateurs et trois postes de livraison sur le territoire de la commune de Nubécourt (Meuse). Par un arrêté du 2 septembre 2019, le préfet de la Meuse a rejeté cette demande en se fondant sur l'avis défavorable émis le 5 juillet 2019 par la ministre des armées. Par un arrêt du 1er juin 2021, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté la demande de la société Aire parc tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 septembre 2019, à ce qu'il soit enjoint au préfet de reprendre l'instruction de sa demande d'autorisation environnementale et, à titre subsidiaire, à l'annulation partielle de l'arrêté du 2 septembre 2019 en tant qu'il porte sur les éoliennes E1 à E6 ou sur les éoliennes E1 à E7 et à ce qu'il soit enjoint au préfet de reprendre l'instruction de la demande portant sur ces éoliennes. La société Aire parc se pourvoit en cassation contre cet arrêt.
2. Aux termes de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " I.- Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / 1° Qu'un vice n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et demander à l'autorité administrative compétente de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d'irrégularité ; (...) ".
3. D'une part, il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge administratif, dans le cadre de son office de plein contentieux, de prononcer une annulation partielle de la décision de refus d'autorisation d'exploiter un parc éolien qui lui est déférée lorsqu'il est saisi de conclusions en ce sens et qu'il constate que l'illégalité n'affecte qu'une partie divisible de celle-ci.
4. D'autre part, si l'article R. 425-29-2 du code de l'urbanisme dispense les projets d'installation d'éoliennes terrestres soumis à autorisation environnementale de l'obtention d'un permis de construire, il n'a, en revanche, ni pour objet ni pour effet de dispenser de tels projets du respect des règles d'urbanisme qui leurs sont applicables.
5. Il résulte des dispositions de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme qu'une construction constituée de plusieurs éléments formant, en raison des liens physiques ou fonctionnels entre eux, un ensemble immobilier unique, doit en principe faire l'objet d'une seule autorisation d'urbanisme. En revanche, lorsque deux constructions sont distinctes, la seule circonstance que l'une ne pourrait fonctionner ou être exploitée sans l'autre, au regard de considérations d'ordre technique ou économique et non au regard des règles d'urbanisme, ne suffit pas à caractériser un ensemble immobilier unique.
6. Pour rejeter les conclusions de la société Aire parc tendant, à titre subsidiaire, à l'annulation partielle de l'arrêté du 2 septembre 2019, la cour a relevé que le refus opposé par le ministre des armées était fondé sur une appréciation d'ensemble du projet, pris dans sa globalité, pour en déduire que cette appréciation n'était pas divisible et que son bien-fondé ne pouvait être limité à une partie des éoliennes constituant le parc projeté. Il résulte de ce qui précède qu'en se fondant sur ce seul élément sans rechercher si, ainsi que cela était soutenu, le projet présentait un caractère divisible, la cour a commis une erreur de droit. Dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés, la société Aire parc est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
8. Aux termes de l'article R. 181-32 du code de l'environnement : " Lorsque la demande d'autorisation environnementale porte sur un projet d'installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, le préfet saisit pour avis conforme : / 1° Le ministre chargé de l'aviation civile (...) / 2° Le ministre de la défense, y compris pour ce qui concerne les radars et les radiophares omnidirectionnels très haute fréquence (VOR) relevant de sa compétence ; / (...) Ces avis sont rendus dans le délai de deux mois (...) ". Aux termes de l'article R. 181-34 du même code : " Le préfet est tenu de rejeter la demande d'autorisation environnementale dans les cas suivants : / (...) 2° Lorsque l'avis de l'une des autorités ou de l'un des organismes consultés auquel il est fait obligation au préfet de se conformer est défavorable ; / (...) La décision de rejet est motivée ".
9. Il ressort des pièces du dossier que le ministre des armées a relevé, dans son avis du 5 juillet 2019, que le projet, qui se situe à la fois sous un tronçon du réseau de vol à très basse altitude des armées (RTBA) et dans un espace permanent VOLTAC ETN dédié à l'entraînement des hélicoptères, constituerait, " associé à d'autres parcs déjà construits ou autorisés, un obstacle massif de nature à compromettre ou empêcher le transit sous le RTBA en toute sécurité aux aéronefs volant à vue selon les règles des circulations aériennes civile et militaire (CAG ou CAM) " et qu'en conséquence, " l'implantation de nouveaux aérogénérateurs dans ce secteur est de nature à induire une contrainte supplémentaire préjudiciable à la sécurité des vols et n'est donc pas possible ". Ce faisant, le ministre des armées a entendu s'opposer à l'implantation de toute éolienne supplémentaire dans le secteur concerné par le projet. Il résulte des dispositions précitées des articles R. 181-32 et R. 181-34 du code de l'environnement que le préfet était dès lors, pour ce motif, tenu de rejeter l'ensemble des demandes de la requérante. Par suite, les moyens soulevés par la société Aire parc contre l'arrêté préfectoral du 2 septembre 2019, ne peuvent être qu'écartés comme inopérants. Les conclusions à fin d'annulation et d'injonction de la société Aire parc ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par la société Aire parc, tant devant la cour administrative d'appel de Nancy que devant le Conseil d'Etat.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 1er juin 2021 de la cour administrative d'appel de Nancy est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société Aire parc devant la cour administrative d'appel de Nancy et les conclusions présentées par cette société devant le Conseil d'Etat sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Aire parc, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au ministre des armées.
Délibéré à l'issue de la séance du 17 novembre 2022 où siégeaient : M. Cyril Roger-Lacan, asseseur, présidant ; Mme Suzanne von Coester, conseillère d'Etat et M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 19 décembre 2022.
Le président :
Signé : M. Cyril Roger-Lacan
Le rapporteur :
Signé : M. Cédric Fraisseix
La secrétaire :
Signé : Mme Laïla Kouas