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23/11/2022 | FRANCE | N°460493

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 23 novembre 2022, 460493


Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 460493, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 janvier et 19 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Chambre nationale des ostéopathes demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 2021-51 du 21 décembre 2021 du ministre des solidarités et de la santé relative à la liste des organisations syndicales représentatives de la formation en ostéopathie ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.

761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 461736, par une requête et un n...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 460493, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 janvier et 19 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Chambre nationale des ostéopathes demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 2021-51 du 21 décembre 2021 du ministre des solidarités et de la santé relative à la liste des organisations syndicales représentatives de la formation en ostéopathie ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 461736, par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 21 février et 12 juillet 2022, l'Association française d'ostéopathie demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 2021-51 du 21 décembre 2021 du ministre des solidarités et de la santé relative à la liste des organisations syndicales représentatives de la formation en ostéopathie ;

2°) d'enjoindre au ministre des solidarités et de la santé d'organiser dans un délai d'un mois une nouvelle enquête de représentativité, précédée de la communication des critères d'appréciation de la représentativité des organisations concernées et des barèmes qui leur sont appliqués ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code des relations du public avec l'administration ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code du travail ;

- la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le décret n° 2018-90 du 13 février 2018 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre Boussaroque, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article 75 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades à la qualité du système de santé : " L'usage professionnel du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur est réservé aux personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation spécifique à l'ostéopathie ou à la chiropraxie délivrée par un établissement de formation agréé par le ministre chargé de la santé dans des conditions fixées par décret ".

2. D'autre part, en vertu du IV de l'article 26 du décret du 13 février 2018 relatif à l'agrément des établissements de formation en chiropraxie et en ostéopathie, la formation compétente, au sein de la commission nationale d'agrément des établissements de formation en chiropraxie et en ostéopathie, pour donner au ministre de la santé un avis sur les demandes d'agrément des établissements de formation en ostéopathie comprend, comme membres spécifiques à cette formation de la commission, huit représentants de la profession d'ostéopathe, ainsi que leurs suppléants, dont quatre ostéopathes exerçant à titre exclusif désignés par le ministre sur proposition des organisations professionnelles les plus représentatives au niveau national, deux ostéopathes médecins désignés sur proposition des organisations professionnelles les plus représentatives des ostéopathes médecins au niveau national ou, en l'absence d'une mesure de la représentativité des ostéopathes médecins constatée au niveau national, sur proposition du Conseil national de l'ordre des médecins, et deux ostéopathes masseurs-kinésithérapeutes nommés sur proposition des organisations professionnelles les plus représentatives des ostéopathes masseurs-kinésithérapeutes ou, en l'absence d'une mesure de la représentativité des ostéopathes masseurs-kinésithérapeutes constatée au niveau national, sur proposition du Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes.

3. La Chambre nationale des ostéopathes et l'Association française d'ostéopathie demandent l'annulation pour excès de pouvoir de la décision n° 2021-51 du 21 décembre 2021 par laquelle le ministre des solidarités et de la santé a, d'une part, décidé de prendre les critères annoncés dans un avis ministériel publié au Journal officiel de la République française le 23 mars 2019 pour fixer la liste des organisations professionnelles représentatives des ostéopathes, au sens des dispositions mentionnées au point précédent, appelées à proposer les membres représentant spécifiquement la profession siégeant au sein de la formation de la commission devant émettre un avis sur les demandes d'agrément des établissements de formation en ostéopathie, et, d'autre part, fixé cette liste. Il y a lieu de joindre leurs requêtes pour y statuer par une seule décision.

Sur la légalité externe :

4. En premier lieu, Mme A... B..., nommée directrice générale de l'offre de soins par décret du 24 juillet 2019 publié au Journal officiel de la République française du 26 juillet 2019, disposait, à compter du jour suivant cette publication, en application du 1° de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement, de la compétence pour signer, au nom du ministre chargé de la santé, la décision attaquée, qui relevait des affaires des services placés sous son autorité en vertu de l'article D. 1421-2 du code de la santé publique.

5. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 3, la décision attaquée a uniquement pour objet, sur la base des critères qu'elle retient, de fixer la liste des organisations professionnelles appelées à proposer au ministre chargé de la santé les membres, désignés ou nommés par celui-ci, représentant spécifiquement la profession d'ostéopathe au sein de la formation de la commission nationale d'agrément des établissements de formation en chiropraxie et en ostéopathie devant donner au même ministre, auprès duquel elle est placée, un avis sur les demandes d'agrément des établissements de formation en ostéopathie. Par suite, l'Association française des ostéopathes n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que les critères selon lesquels cette représentativité a été appréciée relèveraient des principes fondamentaux du droit syndical et auraient dû, à ce titre, être préalablement définis par la loi.

6. En troisième lieu, il ressort des pièces des dossiers que la représentativité des organisations professionnelles d'ostéopathes a été appréciée par le ministre au vu des résultats de l'enquête qu'il avait diligenté. Contrairement à ce qui est soutenu, il ne ressort pas de ces pièces que les résultats de cette enquête étaient devenus obsolètes à la date de la décision attaquée et que, pour ce motif, le ministre aurait dû diligenter une nouvelle enquête après l'annulation par le Conseil d'Etat statuant au contentieux de la précédente décision du 7 mai 2020 arrêtant la liste des organisations professionnelles d'ostéopathes représentatives pour siéger au sein de la commission consultative nationale d'agrément des établissements de formation en chiropraxie et en ostéopathie.

7. En dernier lieu, ni les dispositions du premier alinéa de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, en vertu desquelles toute décision prise par une administration doit comporter la signature de son auteur, ni aucun autre texte ou principe n'imposent que, lorsqu'une telle décision fait l'objet d'une publication, cette signature figure sur le document publié. L'Association française d'ostéopathie n'est, par suite, pas fondée à soutenir que la décision attaquée serait illégale faute que cette décision et que l'avis du 23 mars 2019 aient été publiés au Journal officiel de la République française revêtus de leur signature.

Sur la légalité interne :

8. En premier lieu, il ressort des pièces des dossiers que la représentativité des organisations professionnelles d'ostéopathes a été appréciée par le ministre en fonction de leurs effectifs d'adhérents à jour de leur cotisation, de leur ancienneté, au minimum de deux ans dans le champ de la profession à compter de la date de dépôt légal des statuts, de l'activité et de l'expérience de ces organisations, conformément à ce qui avait été annoncé par l'avis publié le 23 mars 2019. L'Association française des ostéopathes n'est pas fondée à soutenir que ces critères, qui sont usuellement utilisés et analogues à ceux fixés à l'article L. 2151-1 du code du travail pour les organisations professionnelles d'employeurs et à l'article L. 162-33 du code de la sécurité sociale pour les organisations syndicales appelées à participer aux négociations conventionnelles nationales, seraient inadéquats ou trop imprécis et que les modalités selon lesquelles ils seraient appliqués auraient dû en conséquence, notamment s'agissant des effectifs d'adhérents à jour de leur cotisation, être détaillées dans l'avis d'enquête. A cet égard, le ministre pouvait légalement se fonder sur l'enquête de représentativité qu'il avait menée et retenir un seuil d'audience minimal par rapport au total des effectifs de la profession, qu'il n'a pas fixé de façon manifestement erronée à 5 %. Enfin, il ne ressort pas plus des pièces des dossiers que, comme il est soutenu, l'examen de ce critère de représentativité ait pu, du fait des conditions insuffisamment exigeantes dans lesquelles il aurait été vérifié ou de la prise en compte de données non pertinentes, être à l'origine d'une rupture d'égalité entre organisations, de " manœuvres frauduleuses de certaines d'entre elles " ou qu'il ait conduit l'administration à fonder son appréciation sur des faits inexacts.

9. En deuxième lieu, en retenant, parmi les organisations professionnelles représentatives des ostéopathes au sens des dispositions du IV de l'article 26 du décret du 13 février 2018, deux organisations représentatives des masseurs-kinésithérapeutes, la décision attaquée s'est bornée à faire application des dispositions règlementaires mentionnées au point 2, qui prévoient la nomination de deux membres sur proposition des organisations professionnelles les plus représentatives des ostéopathes masseurs-kinésithérapeutes. Il ressort des pièces des dossiers que les deux organisations professionnelles retenues comptent parmi leurs membres 68 % de l'ensemble des masseurs-kinésithérapeutes exerçant par ailleurs la profession d'ostéopathe et qu'elles comportent en leur sein des instances spécialisées dans le domaine de l'ostéopathie, dont leurs statuts les habilitent à défendre les intérêts. Il suit de là que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que les deux organisations désignées ne seraient pas représentatives au sens de ces dispositions réglementaires.

10. En troisième lieu, si les dispositions du IV de l'article 26 du décret du 13 février 2018 prévoient la désignation de quatre ostéopathes exerçant à titre exclusif sur proposition des organisations professionnelles les plus représentatives au niveau national, elles n'imposent pas par elles-mêmes, non plus qu'aucun autre texte ou principe, que ces organisations professionnelles soient elles-mêmes au nombre de quatre. En l'espèce, si la décision attaquée retient seulement deux organisations professionnelles comme représentatives des ostéopathes exerçant à titre exclusif, il ressort des pièces des dossiers que ces organisations comptent respectivement 1 209 et 1 164 adhérents, quand les deux requérantes n'en comptent que 637 et 208. Par suite, en se limitant à retenir ces deux organisations professionnelles d'ostéopathes exclusifs, peu important que l'une d'entre elle ait un statut associatif, la décision attaquée n'est pas entachée d'illégalité.

11. Il résulte de tout ce qui précède que les requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation de la décision qu'elles attaquent et que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction présentées par l'Association française d'ostéopathie doivent également être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les requêtes de la Chambre nationale des ostéopathes et de l'Association française d'ostéopathie sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Chambre nationale des ostéopathes, à l'Association française d'ostéopathie et au ministre de la santé et de la prévention.

Délibéré à l'issue de la séance du 9 novembre 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Yves Doutriaux, M. Jean-Luc Nevache, M. Damien Botteghi, M. Alban de Nervaux, conseillers d'Etat ; M. Damien Pons, maître des requêtes en service extraordinaire et M. Pierre Boussaroque, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 23 novembre 2022.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. Pierre Boussaroque

Le secrétaire :

Signé : M. Hervé Herber


Synthèse
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 460493
Date de la décision : 23/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 nov. 2022, n° 460493
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pierre Boussaroque
Rapporteur public ?: Mme Marie Sirinelli

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:460493.20221123
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