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27/10/2022 | FRANCE | N°463976

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 27 octobre 2022, 463976


Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a transmis au tribunal administratif de Dijon, en application de l'article L. 52-15 du code électoral, sa décision en date du 24 février 2022 par laquelle elle a rejeté le compte de campagne de Mme C... B... et de M. D... A..., candidats au premier tour des élections départementales qui se sont déroulées le 20 juin 2021 dans le canton de Vincelles (Yonne), après avoir constaté l'absence de présentation de ce compte par un expert-comptable. Par un jugement n° 2200680 du

28 avril 2022, le tribunal administratif de Dijon a déclaré Mme B....

Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a transmis au tribunal administratif de Dijon, en application de l'article L. 52-15 du code électoral, sa décision en date du 24 février 2022 par laquelle elle a rejeté le compte de campagne de Mme C... B... et de M. D... A..., candidats au premier tour des élections départementales qui se sont déroulées le 20 juin 2021 dans le canton de Vincelles (Yonne), après avoir constaté l'absence de présentation de ce compte par un expert-comptable. Par un jugement n° 2200680 du 28 avril 2022, le tribunal administratif de Dijon a déclaré Mme B... et M. A... inéligibles pour une durée de douze mois.

Par une requête enregistrée le 13 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de juger qu'il n'y a pas lieu de la déclarer inéligible.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 ;

- la loi n° 2019-1269 du 2 décembre 2019 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Nissen, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que le binôme constitué par Mme B... et M. A..., candidats aux élections départementales des 20 et 27 juin 2021 dans le canton de Vincelles (Yonne), a obtenu 20,41 % des suffrages exprimés et n'a pas accédé au second tour de ce scrutin. Par une décision en date du 24 février 2022 la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a rejeté leur compte de campagne au motif qu'il n'était pas présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables, en méconnaissance des dispositions du III de l'article L. 52-12 du code électoral. En application de l'article L. 52-15 du code électoral, la Commission a saisi le tribunal administratif de Dijon, qui a déclaré Mme B... et M. A... inéligibles pour une durée de douze mois, par un jugement du 28 avril 2022 dont Mme B... relève appel.

2. D'une part, en vertu de l'article L. 52-3-1 du code électoral : " Pour l'application du présent chapitre aux scrutins binominaux, les membres du binôme exercent les droits reconnus aux candidats et sont tenus aux obligations qui s'imposent à eux, de manière indissociable. / Les membres du binôme déclarent un mandataire unique et déposent un compte de campagne unique. " Aux termes de l'article L. 52-12 du même code dans sa rédaction issue de la loi du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral : " I. Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne lorsqu'il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés (...). / III. Le compte de campagne est présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables. Ce dernier met le compte de campagne en état d'examen et s'assure de la présence des pièces justificatives requises. / Cette présentation n'est pas obligatoire : / 1° Lorsque le candidat ou le candidat tête de liste n'est pas tenu d'établir un compte de campagne, en application du I du présent article ; / 2° Ou lorsque le candidat ou le candidat tête de liste a obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés et que les recettes et les dépenses de son compte de campagne n'excèdent pas un montant fixé par décret. (...) ".

3. D'autre part, en vertu de l'article L. 52-15 du code électoral dans sa rédaction issue de la même loi du 2 décembre 2019 : " La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. / (...) Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté, (...) la commission saisit le juge de l'élection. (...) " Aux termes de l'article L. 118-3 de ce code dans sa rédaction issue de cette même loi : " Lorsqu'il relève une volonté de fraude ou un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible : 1° Le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12 ; (...) L'inéligibilité mentionnée au présent article est prononcée pour une durée maximale de trois ans et s'applique à toutes les élections.(...) / En cas de scrutin binominal, l'inéligibilité s'applique aux deux candidats du binôme. (...) ".

4. En application des dispositions de l'article L. 118-3 du code électoral citées ci-dessus, en dehors des cas de fraude, le juge de l'élection ne peut prononcer l'inéligibilité d'un candidat sur le fondement de ces dispositions que s'il constate un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales. Il lui incombe à cet effet de prendre en compte l'ensemble des circonstances de l'espèce et d'apprécier s'il s'agit d'un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales et s'il présente un caractère délibéré. En raison des finalités poursuivies par les dispositions précitées de l'article L. 52-12 du code électoral, l'obligation de recourir à un expert-comptable pour présenter le compte de campagne constitue une formalité substantielle dont l'omission est un manquement d'une particulière gravité, hormis le cas où les dépenses et les recettes sont nulles. En outre, il résulte des dispositions des articles L. 191, L. 210-1 et L. 221 du même code dans leur version issue notamment de la loi du 16 janvier 2015 que le législateur a instauré un mode de scrutin majoritaire binominal à deux tours sans panachage ni vote préférentiel, afin d'assurer la parité au sein des conseils départementaux, et a retenu le principe de solidarité des candidats d'un même binôme. Cette solidarité conduit à ce que les membres d'un même binôme soient tous les deux déclarés inéligibles en cas de méconnaissance des règles relatives au financement des campagnes électorales, ainsi que le prévoient les dispositions, citées au point 3, de l'article L. 118-3 du code électoral, dans sa rédaction issue de la loi du 2 décembre 2019.

5. Il résulte de l'instruction que les deux membres du binôme, qui a obtenu plus de 5 % au premier tour du scrutin, ont déposé conjointement un compte de campagne dont les dépenses et recettes n'étaient pas nulles. Si Mme B... fait valoir, d'une part, qu'elle n'avait pas accès au compte de campagne et, d'autre part, qu'elle pensait que M. A... connaissait la réglementation et l'avait assurée que celle-ci serait respectée, elle n'invoque aucune circonstance précise de nature à démontrer que la méconnaissance, par le binôme, de l'obligation de recourir à un expert-comptable ne constitue pas, dans les circonstances de l'espèce, un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales présentant un caractère délibéré. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif l'a déclarée inéligible pour une durée de douze mois, la circonstance que M. A... ait financé l'essentiel des dépenses de campagne par un apport personnel étant à cet égard sans incidence.

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme C... B..., à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à M. D... A....

Délibéré à l'issue de la séance du 13 octobre 2022 où siégeaient : M. Thomas Andrieu, conseiller d'Etat, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et Mme Cécile Nissen, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 27 octobre 2022.

Le président :

Signé : M. Thomas Andrieu

La rapporteure :

Signé : Mme Cécile Nissen

La secrétaire :

Signé : Mme Wafak Salem


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 463976
Date de la décision : 27/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 27 oct. 2022, n° 463976
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Cécile Nissen
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:463976.20221027
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