La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/10/2022 | FRANCE | N°457695

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 27 octobre 2022, 457695


Vu la procédure suivante :

La société Sacla a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2008, ainsi que des pénalités correspondantes, de bénéficier du sursis de paiement concernant ces pénalités et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 74 304 euros correspondant aux frais d'expertise qu'elle avait engagés.

Par un jugement n° 1409753 du 10 octobre 2017, le tribunal admi

nistratif de Lyon a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fins de...

Vu la procédure suivante :

La société Sacla a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2008, ainsi que des pénalités correspondantes, de bénéficier du sursis de paiement concernant ces pénalités et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 74 304 euros correspondant aux frais d'expertise qu'elle avait engagés.

Par un jugement n° 1409753 du 10 octobre 2017, le tribunal administratif de Lyon a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fins de sursis de paiement présentées par la société Sacla, prononcé la décharge partielle des impositions en litige et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Par un arrêt n° 17LY04170 du 19 août 2021, la cour administrative d'appel de Lyon, saisie d'un appel formé par la société Sacla contre ce jugement, a prononcé une décharge partielle des impositions en litige et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés le 20 octobre 2021 et les 20 janvier et 8 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Coverguards Sales, nouvelle dénomination de la société Sacla, doit être regardée comme demandant au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il lui fait grief ;

2°) réglant dans cette mesure l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Pour demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque, la société Coverguards Sales soutient que la cour administrative d'appel de Lyon :

- a méconnu l'article R. 621-9 du code de justice administrative en jugeant que le rapport d'expertise n'était entaché d'aucune irrégularité, alors que le sapiteur ne l'avait pas contresigné ;

- a méconnu l'article R. 621-2 du code de justice administrative en jugeant que la désignation irrégulière d'un sapiteur ne l'avait privée d'aucune garantie et était restée sans influence sur le sens des conclusions de l'expertise, alors que ce concours irrégulier et l'absence de débat contradictoire quant à des informations destinées à influer sur le contenu de l'expertise avaient nécessairement rendu les opérations d'expertise irrégulières ;

- a commis une erreur de droit en prenant en compte, alors même que ces éléments auraient été soumis au débat contradictoire devant elle, l'avis du sapiteur irrégulièrement désigné et les parties du rapport d'expertise qui s'y référaient, sans rechercher si ces éléments constituaient des éléments de pur fait non contestés par les parties ou des appréciations corroborées par d'autres éléments du dossier ;

- a commis une erreur de droit au regard de l'article 57 du code général des impôts, en se fondant sur l'expertise pour affirmer que l'administration a apporté la preuve qui lui incombait de l'existence d'une minoration du prix de cession d'actifs et de l'existence d'un transfert indirect de bénéfices à l'étranger, alors que l'expertise ordonnée était inutile et frustratoire, dès lors que la cour disposait au dossier de tous les éléments pour statuer et que ladite expertise entraînait un renversement de la charge de la preuve, qui reposait sur l'administration fiscale ;

- ne l'a pas suffisamment motivé en ne répondant pas à son moyen tiré de ce qu'il était nécessaire de tenir compte des marques non cédées - " Sacla " et " Euro Protection " - dès lors qu'elles avaient une incidence sur le volume de chiffre d'affaires attribué aux marques cédées et sur l'appréciation du rôle de ces marques dans la constitution du surprofit ;

- l'a insuffisamment motivé, a dénaturé les pièces du dossier et a commis une erreur de droit en écartant la méthode des coûts historiques, en jugeant qu'il n'y avait pas lieu de procéder à une pondération des deux méthodes retenues par l'expert;

- l'a insuffisamment motivé, a dénaturé le rapport d'expertise et a commis une erreur de droit au regard de l'article 57 du code général des impôts dans l'application de la méthode d'actualisation des flux futurs, en retenant comme valeur des marques un montant simplement réduit de 2 400 000 euros hors taxes, alors qu'elle aurait dû appliquer, aux termes des conclusions du rapport d'expertise, une décote fixée à 37 % de la valeur des marques afin de tenir compte de la franchise de redevance de cinq ans accordée à la société Sacla ;

- l'a insuffisamment motivé, a dénaturé les pièces du dossier et a commis une erreur de droit au regard de l'article 57 du code général des impôts et des principes d'autonomie des personnes morales en matière fiscale en jugeant que pouvait être pris en considération pour apprécier les perspectives de profits, le chiffre d'affaires réalisé par la société Euro Protection, détenue à 100 % par ses propres actionnaires, au motif que le terme " EuroProtection " ne constituerait pas une marque distincte de celles qu'elle avait elle-même cédées ;

- a commis une erreur de droit au regard de l'article 57 du code général des impôts, en jugeant que l'administration apportait la preuve qui lui incombe de l'existence d'une minoration du prix de cession d'actifs et de l'existence d'un transfert indirect de bénéfices à l'étranger, alors que, d'une part, le taux de surprofit a été déterminé par comparaison entre ses résultats et ceux de la société Euro Protection et, d'autre part, il n'a été procédé à aucune analyse des conditions respectives d'exercice des activités des deux sociétés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Nissen, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL cabinet Briard, avocat de la Société Coverguards Sales ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Sacla, qui exerce une activité de négoce de vêtements et de chaussures de protection ainsi que de petits équipements, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos les 31 décembre 2007, 2008 et 2009. L'administration a ensuite rehaussé son résultat, sur le fondement de l'article 57 du code général des impôts, estimant que la société, en cédant le 19 octobre 2008 un ensemble de marques détenues par elle pour un montant de 90 000 euros hors taxes à une société luxembourgeoise, la société Involvex, laquelle bénéficiait d'un régime fiscal privilégié, a procédé à un transfert indirect de bénéfices dans le cadre d'une minoration du prix de cession. Le tribunal administratif de Lyon a, par un jugement du 10 octobre 2017, prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fins de sursis de paiement présentées par la société Sacla, prononcé la décharge partielle des impositions en litige et rejeté le surplus des conclusions de la demande. La société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 19 août 2021, en tant qu'il lui fait grief, par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel formé par la société, prononcé une décharge partielle des impositions en litige et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

2. Par un arrêt avant dire droit du 13 février 2020, la cour administrative d'appel de Lyon a décidé qu'il serait, avant de statuer sur la requête de la société Sacla, procédé à une expertise en vue de déterminer si le prix de vente des marques vendues par cette société correspondait à leur valeur, en prenant notamment en considération la dispense de versement de redevances pour une durée de cinq ans consentie par la société acheteuse, Involvex, à la société Sacla. Pour remplir la mission qui leur a été confiée par la cour, l'expert et son sapiteur ont d'abord envisagé quatre méthodes, puis abandonné la méthode des comparables et la méthode par capitalisation des redevances, pour ne retenir en définitive que deux méthodes, la méthode par les coûts historiques et la méthode d'actualisation des flux futurs, dont ils ont tiré une moyenne pondérée. Il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour, après avoir estimé que la méthode des coûts historiques ne permettait pas de manière certaine de prendre en considération l'effet de l'impôt sur les sociétés et conduisait à une évaluation près de huit fois inférieure à la méthode d'actualisation des flux futurs, a écarté cette première méthode pour ne retenir que la seconde et a considéré qu'il n'y avait pas lieu de procéder à une pondération, la méthode d'actualisation des flux futurs s'avérant, selon elle, la plus précise.

3. Il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour, après avoir fixé la valeur des marques cédées par la société Sacla à un montant de 8 733 348 euros hors taxes, montant également retenu par le tribunal administratif, a entendu appliquer la décote préconisée par le rapport d'expertise du 7 avril 2021 afin de tenir compte de la dispense de versement de redevances consentie pour cinq ans par l'acquéreur des marques. En fixant le montant de cette décote à 2 400 000 euros hors taxes, alors que le rapport d'expertise dont elle entendait faire application l'estimait, certes, à ce montant en valeur absolue, mais par application d'un taux de 37 % à une valeur des marques cédées estimée à 6 500 000 euros, la cour a dénaturé ce rapport d'expertise et insuffisamment motivé son arrêt.

4. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, d'annuler les articles 3 à 6 de l'arrêt attaqué et, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de l'Etat, à verser à la société Coverguards Sales, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 3 à 6 de l'arrêt du 19 août 2021 de la cour administrative d'appel de Lyon sont annulés.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Lyon.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à la société Coverguards Sales.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Coverguards Sales et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 octobre 2022 où siégeaient : M. Thomas Andrieu, conseiller d'Etat, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et Mme Cécile Nissen, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 27 octobre 2022.

Le président :

Signé : M. Thomas Andrieu

La rapporteure :

Signé : Mme Cécile Nissen

La secrétaire :

Signé : Mme Wafak Salem

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 27 oct. 2022, n° 457695
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Cécile Nissen
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé
Avocat(s) : SARL CABINET BRIARD

Origine de la décision
Formation : 9ème chambre
Date de la décision : 27/10/2022
Date de l'import : 30/10/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 457695
Numéro NOR : CETATEXT000046501658 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2022-10-27;457695 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award