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02/08/2022 | FRANCE | N°466117

France | France, Conseil d'État, 02 août 2022, 466117


Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 14 juin 2022 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé de Provence-Alpes Côte d'Azur l'a mis en demeure de cesser son activité de chirurgie ambulatoire de la cataracte. Par une ordonnance n° 2203239 du 8 juillet 2022, le juge des référés a rejeté sa demande.

Par une requête, enregistrée le 26 j

uillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 14 juin 2022 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé de Provence-Alpes Côte d'Azur l'a mis en demeure de cesser son activité de chirurgie ambulatoire de la cataracte. Par une ordonnance n° 2203239 du 8 juillet 2022, le juge des référés a rejeté sa demande.

Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de suspendre l'exécution de la décision du 14 juin 2022 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient :

- que l'ordonnance du juge des référés de première instance méconnaîtrait les dispositions de l'article R. 742-5 du code de justice administrative si sa minute n'était pas revêtue de la signature du magistrat qui l'a rendue ;

- que le juge des référés a dénaturé les faits en estimant que la mise en demeure n'aura qu'une durée de deux mois et que la condition d'urgence n'est pas satisfaite ;

- que la condition d'urgence est remplie, eu égard au préjudice financier que l'interdiction de pratiquer certaines activités lui porte ;

- que, bien que le moyen soit insusceptible d'être retenu en référé-liberté, la décision contestée est irrégulière, faute d'avoir été précédée d'une procédure contradictoire ;

- elle est entachée d'erreur de fait, puisqu'il disposait d'un agrément ;

- elle fait une application des dispositions de l'article L. 6122-1 du code de la santé publique qui, dans son cas particulier, portent une atteinte disproportionnée à l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où elles imposent que l'exercice d'une activité de traitement de la cataracte soit précédé de la délivrance d'une autorisation.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code de la santé publique ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. M. B... demande, en appel de l'ordonnance du 8 juillet 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Nice et sur le fondement des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, la suspension de la décision du 14 juin 2022 par laquelle le directeur de l'agence régionale de santé de Provence-Alpes Côte d'Azur l'a mis en demeure de cesser son activité de chirurgie de la cataracte.

Sur le cadre juridique du litige :

3. Il résulte de l'article L. 6122-1 du code de la santé publique que sont soumis à l'autorisation de l'agence régionale de santé les projets relatifs à la création, la conversion et le regroupement des activités de soins ayant vocation, compte tenu des moyens que celles-ci nécessitent, à faire l'objet d'une prise en charge hospitalière, y compris sous la forme d'alternatives à l'hospitalisation ou d'hospitalisation à domicile. Aux termes de l'article L. 6122-3 du même code : " L'autorisation ne peut être accordée qu'à : / 1° Un ou plusieurs médecins, éventuellement associés pour leur exercice professionnel ou pour la mise en commun de moyens nécessaires à cet exercice ; / 2° Un établissement de santé ; / 3° Une personne morale dont l'objet porte, notamment, sur l'exploitation d'un établissement de santé, d'une activité de soins (...) ". Aux termes de l'article R. 6122-25 de ce même code : " Sont soumises à l'autorisation prévue à l'article L. 6122-1 les activités de soins, y compris lorsqu'elles sont exercées sous la forme d'alternatives à l'hospitalisation, énumérées ci-après : / 1° Médecine ; / 2° Chirurgie ; (...) ". Enfin, aux termes de son article R. 6121-4 : " Les alternatives à l'hospitalisation mentionnées à l'article L. 6121-2 ont pour objet d'éviter une hospitalisation à temps complet ou d'en diminuer la durée. Les prestations ainsi dispensées se distinguent de celles qui sont délivrées lors de consultations ou de visites à domicile. / Ces alternatives comprennent les activités de soins dispensées par : (...) 2° Les structures pratiquant l'anesthésie ou la chirurgie ambulatoires. / (...) Dans les structures pratiquant l'anesthésie ou la chirurgie ambulatoires sont mis en œuvre, dans des conditions qui autorisent le patient à rejoindre sa résidence le jour même, des actes médicaux ou chirurgicaux nécessitant une anesthésie ou le recours à un secteur opératoire ".

4. Il résulte de ces dispositions que sont soumis à autorisation les actes chirurgicaux qui, se distinguant des prestations délivrées lors de consultations ou de visites à domicile, nécessitent une anesthésie au sens de l'article D. 6124-91 du code de la santé publique ou le recours à un secteur opératoire, lequel doit être conforme à des caractéristiques fixées par arrêté du ministre chargé de la santé en vertu de l'article D. 6124-302 du même code, prévoyant notamment une zone opératoire protégée propre à garantir la réduction maximale des risques de nature infectieuse. Ces actes peuvent être pratiqués dans le cadre d'une activité alternative à l'hospitalisation, au sein de structures qui ne sont pas nécessairement des établissements de santé, à la condition toutefois que cette activité ait été autorisée par l'agence régionale de santé et satisfasse aux conditions précisées notamment par les articles D. 6124-301-1 et suivants du code de la santé publique.

5. A ce titre, il ressort des pièces du dossier que la chirurgie de la cataracte, qui implique d'inciser l'œil pour en extraire le cristallin, ne peut être regardée comme une prestation délivrée lors d'une consultation mais nécessite le recours à un secteur opératoire, quand bien même elle serait pratiquée sous anesthésie topique et non sous anesthésie générale ou loco-régionale.

Sur les moyens de la requête :

6. En premier lieu, il résulte tant des termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative que du but dans lequel la procédure qu'il instaure a été créée que doit exister un rapport direct entre l'illégalité relevée à l'encontre de l'autorité administrative et la gravité de ses effets au regard de l'exercice de la liberté fondamentale en cause.

7. Par suite, la seule circonstance que la décision contestée du 14 juin 2022 n'a pas été précédée de la procédure contradictoire prévue par les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ne saurait, à supposer même qu'elle ne soit pas justifiée par l'urgence, porter par elle-même une atteinte grave à la liberté d'entreprendre, au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Ce moyen n'est donc, ainsi que le reconnaît d'ailleurs le requérant, pas opérant dans le cadre du présent litige.

8. En deuxième lieu, en se bornant à citer un courrier de l'année 2002 du conseil départemental des Alpes-Maritimes de l'ordre des médecins faisant état d'un " agrément ", le requérant n'apporte aucun élément de nature à établir que son activité de chirurgie de la cataracte disposait de l'autorisation prévue par les dispositions citées au point 3. Le moyen tiré de ce que la décision contestée du 14 juin 2022 serait entachée, sur ce point, d'inexactitude matérielle n'est, par suite, manifestement pas de nature à créer un doute sérieux quant à sa légalité.

9. En troisième lieu, eu égard à son office, il appartient au juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de prendre, en cas d'urgence, toutes les mesures qui sont de nature à remédier aux effets résultant d'une atteinte grave et manifestement illégale portée, par une autorité administrative, à une liberté fondamentale, y compris lorsque cette atteinte résulte de l'application de dispositions législatives qui sont manifestement incompatibles avec les engagements européens ou internationaux de la France, ou dont la mise en œuvre entraînerait des conséquences manifestement contraires aux exigences nées de ces engagements.

10. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que les opérations de la cataracte pratiquées par le requérant au titre de son activité libérale en cabinet relèvent des activités de chirurgie soumises à autorisation préalable de l'agence régionale de santé, en application des dispositions de l'article L. 6122-1 du code de la santé publique. Si M. B... soutient qu'en lui imposant de se soumettre à cette procédure d'autorisation, l'administration a fait de ces dispositions une application qui, s'agissant de " petite chirurgie ", entraîne des conséquences incompatible avec les stipulations du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la seule existence d'un débat scientifique sur la nature du traitement de la cataracte en l'absence d'équipements lourds n'est pas de nature à caractériser une incompatibilité manifeste, seule de nature à justifier que le juge du référé fasse usage des pouvoirs que lui confère l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Ce moyen n'est, par suite, manifestement pas de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, dont il se borne à alléguer qu'elle aurait pu ne pas être signée conformément aux dispositions de l'article R. 742-5 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande, à ce titre, M. B....

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B....

Copie en sera adressée au ministre de la santé et de la prévention.

Fait à Paris, le 2 août 2022

Signé : Denis Piveteau


Synthèse
Numéro d'arrêt : 466117
Date de la décision : 02/08/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 02 aoû. 2022, n° 466117
Inédit au recueil Lebon

Origine de la décision
Date de l'import : 11/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:466117.20220802
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