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02/08/2022 | FRANCE | N°466066

France | France, Conseil d'État, 02 août 2022, 466066


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision n° 1060 du 17 mai 2022 par laquelle la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins a suspendu, pour une durée d'un an, son droit d'exercer sa profession et assorti cette suspension d'une obligation de formation ;

2°) de mettre à la

charge du Conseil national de l'ordre des médecins la somme de 4 000 euros au t...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision n° 1060 du 17 mai 2022 par laquelle la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins a suspendu, pour une durée d'un an, son droit d'exercer sa profession et assorti cette suspension d'une obligation de formation ;

2°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A... soutient que la condition d'urgence est satisfaite et que la décision contestée :

- est entachée d'un vice de procédure, faute qu'il ait été invité à désigner l'expert de son choix ;

- est entachée d'erreur d'appréciation en ce que, d'une part, le Conseil national de l'ordre des médecins a estimé dangereuse la poursuite de son activité professionnelle et, d'autre part, en ce que l'interdiction d'exercice ne se limite pas à la participation aux activités de garde.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. M. A..., médecin généraliste, demande au juge des référés du Conseil d'Etat de suspendre, sur le fondement des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision du 17 mai 2022 par laquelle la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins, faisant application des dispositions de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique, l'a suspendu, pour une durée d'un an, de son droit d'exercer sa profession et assorti cette suspension d'une obligation de formation, visant à l'obtention d'un diplôme d'université de remise à niveau en médecine générale et comportant deux stages de six mois en médecine générale.

3. Aux termes de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique : " I. - En cas d'insuffisance professionnelle rendant dangereux l'exercice de la profession, la suspension temporaire, totale ou partielle, du droit d'exercer est prononcée par le conseil régional ou interrégional pour une période déterminée, qui peut, s'il y a lieu, être renouvelée. (...) / II.-La suspension ne peut être ordonnée que sur un rapport motivé établi à la demande du conseil régional ou interrégional dans les conditions suivantes : / 1° Pour les médecins, le rapport est établi par trois médecins qualifiés dans la même spécialité que celle du praticien concerné désignés comme experts, le premier par l'intéressé, le deuxième par le conseil régional ou interrégional et le troisième par les deux premiers experts. Ce dernier est choisi parmi les personnels enseignants et hospitaliers titulaires de la spécialité. Pour la médecine générale, le troisième expert est choisi parmi les personnels enseignants titulaires ou les professeurs associés ou maîtres de conférences associés des universités ; (...) / III.- En cas de carence de l'intéressé lors de la désignation du premier expert ou de désaccord des deux experts lors de la désignation du troisième, la désignation est faite, à la demande du conseil régional ou interrégional, par ordonnance du président du tribunal judiciaire dans le ressort duquel se trouve la résidence professionnelle de l'intéressé (...) ".

4. En premier lieu, la simple allégation par laquelle le requérant prétend n'avoir pas été invité à désigner l'un des trois experts, qui est contredite par les termes de la décision contestée, met en cause la régularité d'une décision du tribunal judiciaire de Lorient et intervient alors que l'intéressé n'a, tout au long de la procédure administrative, jamais soulevé cette contestation, n'est manifestement pas de nature, en l'état du dossier, à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.

5. En deuxième lieu, si M. A... fait valoir que le rapport d'expertise du 28 février 2022 a conclu que son exercice médical n'était " actuellement " pas dangereux pour ses patients, il résulte toutefois des termes mêmes de ce rapport qu'il fait état de nombreuses lacunes dans ses connaissances médicales et qu'il n'écarte l'existence d'un exercice dangereux qu'en considération de ce que, s'agissant de sa pratique en cabinet, M. A... se borne à prescrire des arrêts de travail et, dans une moindre mesure, des renouvellements d'ordonnances et de ce qu'il dirige les autres situations médicales vers des confrères généralistes ou spécialistes, ou invite ses patients à " faire le 15 " et de ce que, s'agissant de ses permanences à la maison médicale de Locminé, les experts recommandent fermement qu'il cesse cette activité qui l'amène à intervenir " en première ligne ".

6. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce qu'en estimant que les compétences professionnelles de M. A... rendaient dangereux son exercice médical, la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins aurait fait une inexacte application des dispositions de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique, n'est manifestement pas de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de sa décision.

7. En troisième lieu, enfin, le moyen tiré de ce que, en ne limitant pas la suspension à la seule activité de médecine de garde, la décision contestée ne serait pas proportionnée à l'insuffisance professionnelle retenue, n'est, manifestement, pas non plus de nature à créer un doute sérieux quant à sa légalité. En effet, les situations cliniques que l'intéressé est susceptible de rencontrer dans son exercice libéral de médecine générale ne sauraient être distinguées, par principe, de celles qu'il peut connaître lorsqu'il assure une permanence en maison médicale.

8. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la question d'urgence, la requête de M. A... doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, par application des dispositions de l'article L. 522-3 du même code.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A....

Copie en sera adressée au Conseil national de l'ordre des médecins.

Fait à Paris, le 2 août 2022

Signé : Denis Piveteau


Synthèse
Numéro d'arrêt : 466066
Date de la décision : 02/08/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 02 aoû. 2022, n° 466066
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP DUHAMEL - RAMEIX - GURY- MAITRE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:466066.20220802
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