La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/08/2022 | FRANCE | N°457157

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 01 août 2022, 457157


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 30 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat des infirmiers libéraux Infin'idels demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le Premier ministre, le ministre des solidarités et de la santé et l'Union nationale des caisses d'assurance maladie ont implicitement rejeté sa demande du 30 octobre 2020 tendant à l'abrogation de l'article 11 du titre XVI de la nomenclature générale des actes professionnels en tant qu'il prévoit

que la séance de soins infirmiers est d'une durée d'une demi-heure ;

2°)...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 30 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat des infirmiers libéraux Infin'idels demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le Premier ministre, le ministre des solidarités et de la santé et l'Union nationale des caisses d'assurance maladie ont implicitement rejeté sa demande du 30 octobre 2020 tendant à l'abrogation de l'article 11 du titre XVI de la nomenclature générale des actes professionnels en tant qu'il prévoit que la séance de soins infirmiers est d'une durée d'une demi-heure ;

2°) d'enjoindre, sous astreinte, au Premier ministre, au ministre des solidarités et de la santé et à l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, d'abroger l'article 11 du titre XVI de la nomenclature générale des actes professionnels dans un délai d'un mois à compter de la décision du Conseil d'État ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Agnès Pic, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Duhamel, Rameix, Gury, Maître, avocat de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie ;

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat des infirmiers libéraux Infin'idels a demandé au Premier ministre, au ministre des solidarités et de la santé et à l'Union nationale des caisses d'assurance maladie d'abroger l'article 11 du titre XVI, relatif aux soins infirmiers, de la nomenclature générale des actes professionnels, qui définit la " séance de soins infirmiers " prise en charge, avec la cotation qu'il lui attribue, comme comprenant " l'ensemble des actions de soins liées aux fonctions d'entretien et de continuité de la vie, visant à protéger, maintenir, restaurer ou compenser les capacités d'autonomie de la personne " et qui précise que " La cotation forfaitaire par séance inclut l'ensemble des actes relevant de la compétence de l'infirmier réalisés au cours de la séance, la tenue du dossier de soins et de la fiche de liaison éventuelle ", en tant qu'il prévoit que la séance de soins infirmiers ainsi cotée dure une demi-heure. Le syndicat requérant doit être regardé comme demandant l'annulation du refus implicite de ces autorités d'abroger cette disposition dans cette mesure.

2. En premier lieu, d'une part, l'alinéa 1er de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration, dispose que : " L'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l'illégalité ait cessé ". L'autorité administrative compétente pour abroger un acte réglementaire est celle qui, à la date de l'abrogation, est compétente pour prendre cet acte.

3. D'autre part l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale dispose que : " La prise en charge ou le remboursement par l'assurance maladie de tout acte ou prestation réalisé par un professionnel de santé, dans le cadre d'un exercice libéral ou d'un exercice salarié auprès d'un autre professionnel de santé libéral, ou en centre de santé, en maison de santé, en maison de naissance ou dans un établissement ou un service médico-social, ainsi que (...) d'un exercice salarié dans un établissement de santé, à l'exception des prestations mentionnées à l'article L. 165-1, est subordonné à leur inscription sur une liste établie dans les conditions fixées au présent article (...) Les conditions d'inscription d'un acte ou d'une prestation, leur inscription et leur radiation sont décidées par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, après avis de l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire et après avis, le cas échéant, de la Haute Autorité de santé lorsque la décision porte sur l'évaluation du service attendu ou du service rendu d'un acte ou d'une prestation. Les décisions d'inscription de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie sont réputées approuvées sauf opposition motivée des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale ".

4. Il résulte de ces dispositions que seule l'Union nationale des caisses d'assurance maladie a compétence pour abroger ou modifier la liste des actes et prestations pris en charge ou remboursés par l'assurance maladie. Si, par suite, le Premier ministre et le ministre de la santé et de la solidarité n'avaient pas compétence pour procéder à l'abrogation sollicitée, ils sont cependant réputés, en vertu de l'article L. 114-2 du code des relations entre le public et l'administration, avoir transmis cette demande à l'administration compétente.

5. En second lieu, l'article 11 du titre XVI de la nomenclature des actes et prestations dans sa rédaction en vigueur, issue de la décision de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie du 22 janvier 2022, définit notamment la séance de soins infirmiers pouvant être cotée comme une " séance d'une demi-heure, à raison de 4 au maximum par 24 heures " comprenant " l'ensemble des actions de soins liés aux fonctions d'entretien et de continuité de la vie, visant à protéger, maintenir, restaurer ou compenser les capacités d'autonomie de la personne. / La cotation forfaitaire par séance inclut l'ensemble des actes relevant de la compétence de l'infirmier réalisés pendant la séance, la tenue du dossier de soins et de la fiche de liaison éventuelle ". Il résulte de ces dispositions que la séance de soins infirmiers, donnant lieu à une cotation forfaitaire, comprend l'ensemble des actions de soins réalisées relevant de la compétence de l'infirmier participant à la protection, au maintien, à la restauration ou à la compensation des capacités d'autonomie de la personne ainsi que la tenue du dossier de soins et de la fiche de liaison éventuelle et qu'elle a, du fait de la prise en charge globalisée qu'elle implique, vocation à durer environ une demi-heure. Cette définition de la séance de soins s'impose à l'infirmier qui ne peut notamment facturer une seconde séance au motif que la première aurait dépassé cette durée de quelques minutes.

6. D'une part, en fixant une durée de référence pour la cotation de l'acte correspondant à une séance de soins infirmiers, dont elles prévoient qu'il couvre de manière forfaitaire l'ensemble des actions de soins infirmiers qu'elles désignent réalisées au cours de cette séance ainsi que la tenue du dossier de soins et de la fiche de liaison éventuelle, les dispositions litigieuses ne sont pas entachées d'une erreur manifeste d'appréciation. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, la durée d'une demi-heure prévue pour une telle séance ne correspondrait pas à celle nécessaire à la prise en charge globalisée attendue telle qu'elle est définie par l'article litigieux et qu'elle serait, pour ce motif également, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

7. D'autre part, en prévoyant que la cotation forfaitaire de la séance de soins infirmiers dont elle définit le contenu se fait " par séance d'une demi-heure ", les dispositions en litige sont dépourvues d'ambiguïté et ne portent pas atteinte à l'objectif de valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat Infin'idels n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie refusant d'abroger l'article 11 du titre XVI de la nomenclature générale des actes professionnels définissant la séance de soins infirmiers en tant qu'il prévoit que la séance de soins infirmiers cotée dure une demi-heure. Les conclusions du syndicat requérant à fin d'injonction ne peuvent, par suite, qu'être également rejetées.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête du syndicat Infin'idels est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au syndicat Infin'idels, à l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et au ministre de la santé et de la prévention.

Copie en sera adressée à la Première ministre.

Délibéré à l'issue de la séance du 11 juillet 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre ; M. Yves Doutriaux, M. Jean-Luc Nevache, M. Pierre Boussaroque, M. Damien Botteghi, conseillers d'Etat et Mme Agnès Pic, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 1er août 2022.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

La rapporteure :

Signé : Mme Agnès Pic

La secrétaire :

Signé : Mme Anne Lagorce

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 01 aoû. 2022, n° 457157
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Agnès Pic
Rapporteur public ?: Mme Marie Sirinelli
Avocat(s) : SCP DUHAMEL - RAMEIX - GURY- MAITRE

Origine de la décision
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Date de la décision : 01/08/2022
Date de l'import : 06/09/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 457157
Numéro NOR : CETATEXT000046164971 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2022-08-01;457157 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award