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01/08/2022 | FRANCE | N°453036

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 01 août 2022, 453036


Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 453036, par une requête, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés le 28 mai 2021 et les 21 janvier et 5 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Sanofi Aventis France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 19 avril 2021 relatif a` l'expérimentation pour l'incitation a` la prescription hospitalière de médicaments biologiques délivrés en ville et l'arrêté du 19 avril 2021 relatif a` l'efficience et la pertinence de la prescription hos

pitalière de médicaments biologiques délivrés en ville, en tant que ces arrêtés s...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 453036, par une requête, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés le 28 mai 2021 et les 21 janvier et 5 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Sanofi Aventis France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 19 avril 2021 relatif a` l'expérimentation pour l'incitation a` la prescription hospitalière de médicaments biologiques délivrés en ville et l'arrêté du 19 avril 2021 relatif a` l'efficience et la pertinence de la prescription hospitalière de médicaments biologiques délivrés en ville, en tant que ces arrêtés s'appliquent a` la spécialité Toujeo ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'économie, des finances et de la relance et au ministre des solidarités et de la santé, dans un délai de cinq jours, de diffuser ou faire diffuser, par tous moyens appropriés, une information précise et non équivoque aux établissements de santé´ sur ces annulations, pour réserver tout effet utile à l'annulation contentieuse envers les tiers et les acteurs concernés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 458873, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 26 novembre 2021 et le 5 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Sanofi Aventis France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 septembre 2021 modifiant l'arrêté du 19 avril 2021 relatif a` l'expérimentation pour l'incitation a` la prescription hospitalière de médicaments biologiques délivrés en ville en tant que cet arrêté s'applique a` la spécialité Toujeo ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'économie, des finances et de la relance et au ministre des solidarités et de la santé, dans un délai de cinq jours, de diffuser ou faire diffuser, par tous moyens appropriés, une information précise et non équivoque aux établissements de santé´ sur cette annulation, pour réserver tout effet utile à l'annulation contentieuse envers les tiers et les acteurs concernés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

3° Sous le n° 461677, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 février et 11 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Sanofi Aventis France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 15 décembre 2021 relatif a` l'efficience et la pertinence de la prescription hospitalière de médicaments biologiques délivrés en ville en tant que cet arrêté s'applique a` la spécialité Toujeo ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'économie, des finances et de la relance et au ministre des solidarités et de la santé, dans un délai de cinq jours, de diffuser ou faire diffuser, par tous moyens appropriés, une information précise et non équivoque aux établissements de santé´ sur cette annulation, pour réserver tout effet utile à l'annulation contentieuse envers les tiers et les acteurs concernés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

4° Sous le n° 464609, par une requête, enregistrée le 1er juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Sanofi Aventis France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêté du 31 mars 2022 modifiant l'arrêté du 19 avril 2021 relatif a` l'expérimentation pour l'incitation a` la prescription hospitalie`re de médicaments biologiques délivrés en ville en ce qu'il s'applique a` la spécialité Toujeo ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'économie, des finances et de la relance et au ministre des solidarités et de la santé, dans un délai de cinq jours, de diffuser, ou faire diffuser par tous moyens appropriés, une information précise et non équivoque aux établissements de santé´ sur cette annulation, pour réserver tout effet utile à l'annulation contentieuse envers les tiers et les acteurs concernés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Agnès Pic, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Par quatre requêtes qu'il y lieu de joindre, la société Sanofi Aventis France demande l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du ministre de l'économie, des finances et de la relance et du ministre des solidarités et de la santé du 19 avril 2021 relatif a` l'expérimentation pour l'incitation a` la prescription hospitalière de médicaments biologiques délivrés en ville, de l'arrêté des mêmes ministres du 19 avril 2021 relatif a` l'efficience et la pertinence de la prescription hospitalière de médicaments biologiques délivrés en ville, de l'arrêté des mêmes ministres du 30 septembre 2021 modifiant le premier de ces arrêtés du 19 avril 2021, de l'arrêté des mêmes ministres du 15 décembre 2021 relatif a` l'efficience et la pertinence de la prescription hospitalière de médicaments biologiques délivrés en ville et de l'arrêté des mêmes ministres du 31 mars 2022 modifiant le premier des arrêtés du 19 avril 2021, en tant que l'ensemble des arrêtés qu'elle attaque s'appliquent à la spécialité Toujeo 300 unités par millilitre (insuline glargine), solution injectable en stylo prérempli, indiquée dans le traitement du diabète sucré de l'adulte, qu'elle commercialise en vertu d'une autorisation de mise sur le marché délivrée le 24 avril 2015.

2. Aux termes de l'article L. 5121-1 du code de la santé publique : " On entend par : (...) 15° a) (...) médicament biologique similaire, tout médicament biologique de même composition qualitative et quantitative en substance active et de même forme pharmaceutique qu'un médicament biologique de référence mais qui ne remplit pas les conditions prévues au a du 5° du présent article pour être regardé comme une spécialité générique en raison de différences liées notamment à la variabilité de la matière première ou aux procédés de fabrication et nécessitant que soient produites des données précliniques et cliniques supplémentaires dans des conditions déterminées par voie réglementaire (...) ; / b) Groupe biologique similaire, le regroupement d'un médicament biologique de référence et de ses médicaments biologiques similaires, tels que définis au a du présent 15°. Ils sont regroupés au sein de la liste de référence des groupes biologiques similaires établie par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (...) ".

3. Par une décision du 31 décembre 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a jugé que les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale peuvent, sur le fondement respectivement des articles L. 162-31-1 et L. 162-22-7-4 du code de la sécurité sociale, d'une part, autoriser des expérimentations à caractère national reposant sur des mesures incitatives pour les établissements de santé et, d'autre part, prévoir que ces mêmes établissements de santé peuvent bénéficier d'une dotation du fonds d'intervention régional, dans le but, dans l'un et l'autre cas, notamment, d'améliorer la pertinence et l'efficience de la prescription de médicaments. Ces mesures peuvent, en particulier, concerner la prescription de médicaments ayant, en tout ou partie, les mêmes indications thérapeutiques, alors même qu'ils n'appartiendraient pas au même groupe générique ou au même groupe biologique similaire, dès lors qu'elles visent à en améliorer la pertinence et l'efficience. En revanche, les ministres ne peuvent, sans commettre d'erreur de droit, pour définir le champ de l'expérimentation qu'ils autorisent ou déterminer les indicateurs qui fondent l'évaluation des résultats des établissements de santé ouvrant le bénéfice d'une dotation du fonds d'intervention régional, inciter à la prescription de certains médicaments biologiques de préférence à d'autres en utilisant les notions de " médicaments biologiques similaires " ou de " médicaments biosimilaires " dans un sens différent de celui qui résulte des dispositions de l'article L. 5121-1 du code de la santé publique citées au point 2. En outre, pour prendre des mesures incitatives applicables à des médicaments ayant en tout ou partie les mêmes indications thérapeutiques mais n'appartenant pas au même groupe générique ou au même groupe biologique similaire tels que définis par l'article L. 5121-1 du code de la santé publique, les ministres doivent préciser les conditions dans lesquelles la prescription d'une spécialité doit, dans une telle situation, être regardée comme plus pertinente et plus efficiente que celle d'une autre. Le Conseil d'Etat a, en conséquence, annulé pour excès de pouvoir les arrêtés du 3 août 2018 et des 12 février, 19 mars et 29 mai 2019 en tant qu'ils s'appliquent à la spécialité pharmaceutique Toujeo, dès lors que les ministres avaient qualifié dans ces arrêtés cette spécialité de médicament " référent " d'un groupe insuline glargine pour les besoins des mesures d'incitation des établissements de santé à la prescription de médicaments biologiques similaires délivrés en ville, sans préciser aucunement les conditions dans lesquelles la prescription d'une spécialité biologique similaire à Lantus devrait être regardée comme plus pertinente et plus efficiente que celle de Toujeo.

4. Il ressort des pièces des dossiers que Toujeo et Lantus diffèrent par leur composition quantitative en substance active, ce qui fait obstacle à ce que l'un puisse être regardé comme un médicament biologique similaire à l'autre au sens du 15° de l'article L. 5121-1 du code de la santé publique. Il résulte pour autant de ce qui a été dit au point précédent que les ministres peuvent prendre des mesures concernant la prescription de la première spécialité, alors même qu'elle n'appartient pas au même groupe générique ou au même groupe biologique similaire que la seconde, dès lors que ces spécialités ont en partie les mêmes indications thérapeutiques et que les mesures prises par les ministres visent à améliorer la pertinence et l'efficience de la prescription. Par suite, les arrêtés attaqués, qui ne se référent d'ailleurs plus à la notion de " groupe biologique similaire " ou de " médicament biologique similaire ", pouvaient légalement concerner la prescription de la spécialité Toujeo.

5. Toutefois, il résulte également de ce qui a été jugé par le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, et rappelé au point 3 que les mesures d'incitation ainsi prises ne pouvaient légalement concerner des médicaments n'appartenant pas au même groupe générique ou au même groupe biologique similaire, mais ayant simplement en tout ou partie les mêmes indications thérapeutiques, sans qu'il soit justifié des conditions dans lesquelles la prescription d'une spécialité biologique similaire peut être regardée comme plus pertinente et plus efficiente. Comme ceux précédemment annulés, les arrêtés attaqués font figurer la spécialité Toujeo au nombre des médicaments " référents " du " groupe insuline glargine ". En indiquant seulement que les médicaments de ce groupe partagent " des indications thérapeutiques superposables ", qu'ils relèvent de la même classe anatomique, thérapeutique et chimique (ATC) reconnue par l'Organisation mondiale de la santé et que le développement de prescriptions alternatives est susceptible de " diversifier les sources d'approvisionnement " et de " dégager des marges de manœuvres financières " pour l'assurance maladie en permettant une concurrence par les prix, les ministres ne justifient pas des conditions dans lesquelles la prescription d'une spécialité biologique similaire à Lantus devrait être regardée comme plus pertinente et plus efficiente que celle de Toujeo. Par suite, la requérante est fondée à soutenir que les arrêtés qu'elle attaque font une inexacte application de la notion d'efficience, appliquée aux prescriptions hospitalières délivrées en ville, qui suppose une analyse des coûts, pris dans leur ensemble, engendrés pour l'assurance maladie par la prise en charge qu'impliquent les différentes prescriptions pertinentes pour une même indication thérapeutique.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des requêtes, que la société Sanofi Aventis France est fondée à demander l'annulation des arrêtés qu'elle attaque en tant qu'ils s'appliquent à la spécialité Toujeo.

7. La présente décision n'appelant aucune mesure d'exécution, les conclusions de la société Sanofi Aventis France à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros à verser à la société Sanofi Aventis France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les arrêtés du ministre des solidarités et de la santé et du ministre de l'économie, des finances et de la relance des 19 avril 2021, 30 septembre 2021, 15 décembre 2021 et 31 mars 2022 sont annulés en tant qu'ils s'appliquent a` la spécialité Toujeo.

Article 2 : L'Etat versera à la société Sanofi Aventis France une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Sanofi Aventis France et au ministre de la santé et de la prévention.

Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 11 juillet 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Yves Doutriaux, M. Jean-Luc Nevache, Mme Sophie-Justine Lieber, M. Pierre Boussaroque, M. Damien Botteghi, conseillers d'Etat et Mme Agnès Pic, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 1er août 2022.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

La rapporteure :

Signé : Mme Agnès Pic

Le secrétaire :

Signé : Mme Anne Lagorce

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 453036
Date de la décision : 01/08/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 01 aoû. 2022, n° 453036
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Agnès Pic
Rapporteur public ?: Mme Marie Sirinelli

Origine de la décision
Date de l'import : 06/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:453036.20220801
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