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22/07/2022 | FRANCE | N°464270

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 22 juillet 2022, 464270


Vu la procédure suivante :

La communauté de communes Chinon Vienne et Loire, à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 mai 2021 par lequel la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales lui a notifié pour l'exercice 2021 son attribution individuelle au titre des composantes de la dotation globale de fonctionnement en application de l'article L. 1613-5-1 du code général des collectivités territoriales, en tant que cet arrêté ne lui accorde aucune somme au titre de la dotation d'intercommunalité, a pro

duit un mémoire, enregistré le 6 octobre 2021 au greffe du tribunal ...

Vu la procédure suivante :

La communauté de communes Chinon Vienne et Loire, à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 mai 2021 par lequel la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales lui a notifié pour l'exercice 2021 son attribution individuelle au titre des composantes de la dotation globale de fonctionnement en application de l'article L. 1613-5-1 du code général des collectivités territoriales, en tant que cet arrêté ne lui accorde aucune somme au titre de la dotation d'intercommunalité, a produit un mémoire, enregistré le 6 octobre 2021 au greffe du tribunal administratif d'Orléans, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel elle soulève une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n° 2103080 du 23 mai 2022, enregistrée le 23 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente de la 4ème chambre du tribunal administratif d'Orléans, avant qu'il soit statué sur la demande de la communauté de communes Chinon Vienne et Loire, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 5211-28 du code général des collectivités territoriales.

Par la question prioritaire de constitutionnalité transmise, la communauté de communes Chinon Vienne et Loire soutient que l'article L. 5211-28 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue du 9° du I de l'article 250 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 et du VII de l'article 250 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, applicable au litige, méconnaît le principe d'égalité devant la loi, le principe d'égalité devant les charges publiques et le principe de libre administration et d'autonomie financière des collectivités territoriales.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des collectivités territoriales, notamment son article L. 5211-28 ;

- la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 ;

- la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Nicolas Jau, auditeur,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de la communauté de communes Chinon Vienne et Loire ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 19 juillet 2022, présentée par la communauté de communes Chinon Vienne et Loire ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. L'article 250 de la loi du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 a procédé à une réforme, entrée en vigueur le 1er janvier 2019, du fonctionnement et des critères d'attribution de la dotation d'intercommunalité, dont les modalités sont désormais régies par l'article L. 5211-28 du code général des collectivités territoriales, qui constitue l'une des composantes de la dotation globale de fonctionnement à laquelle sont éligibles les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Cet article L. 5211-28 a ensuite été complété par l'article 250 de la loi du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

3. Aux termes de ces dispositions, les sommes versées à compter de l'année 2019 au titre de la dotation d'intercommunalité aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, dont les quatre catégories éligibles sont définies au I de l'article L. 5211-28, sont regroupées au sein d'une enveloppe unique, qui se substitue aux quatre enveloppes spécifiques à chaque catégorie d'établissements publics de coopération intercommunale qui existaient auparavant, et sont réparties entre les bénéficiaires après application de garanties définies au 2° du IV de l'article L. 5211-28. Le montant de la dotation d'intercommunalité versée à un bénéficiaire au titre d'une année de répartition est calculé à partir du montant perçu l'année précédente, après application, le cas échéant, de l'une de ces garanties, dans les conditions prévues au 1° du IV du même article.

4. Le premier alinéa du III de l'article L. 5211-28, dans sa rédaction issue de l'article 250 de la loi du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 et de l'article 250 de la loi du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, dispose que : " Les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la dotation par habitant perçue l'année précédente est inférieure à 5 € bénéficient l'année de répartition, avant application des dispositions prévues au IV, d'un complément égal à la différence entre une attribution de 5 € par habitant, multipliée par la population des communes que l'établissement regroupe au 1er janvier de l'année de répartition, et l'attribution perçue l'année précédente. Les établissements dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur l'année de répartition au double du potentiel fiscal par habitant moyen des établissements appartenant à la même catégorie ainsi que les établissements ayant déjà bénéficié de ce complément depuis 2019 ne bénéficient pas de ce complément ".

5. A l'appui de sa question prioritaire de constitutionnalité, la communauté de communes Chinon Vienne et Loire soutient que les dispositions de l'article L. 5211-28, en particulier celles de son III, méconnaissent le principe d'égalité devant la loi, le principe d'égalité devant les charges publiques et les principes de libre administration et d'autonomie financière des collectivités territoriales.

6. Aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " La loi (...) doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ". Aux termes de l'article 13 de cette Déclaration : " Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ". Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. Le principe d'égalité devant les charges publiques ne fait pas obstacle à ce que des situations différentes fassent l'objet d'un traitement différent, sous réserve que le législateur se fonde sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose.

7. En premier lieu, en prévoyant le versement d'un complément de dotation d'intercommunalité dans les conditions prévues au III de l'article L. 5211-28, le législateur a entendu, d'une part, que les établissements publics de coopération intercommunale dont la dotation d'intercommunalité par habitant était inférieure à cinq euros l'année précédente puissent bénéficier des effets de la réforme instaurée par la loi de finances pour 2019, tout en veillant à exclure du bénéfice de ce complément les établissements présentant des niveaux élevés de ressources fiscales, et d'autre part, que soit préservé l'objectif de péréquation assigné à la dotation d'intercommunalité. Dès lors, en conditionnant le versement de ce complément à un indicateur de ressource fiscale apprécié comparativement à la moyenne des établissements de la même catégorie, et en distinguant ainsi entre catégories d'établissements publics de coopération intercommunale, lesquelles sont placées dans des situations différentes, le législateur a retenu un critère objectif et rationnel en rapport direct avec l'objet de la loi.

8. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient la communauté de communes Chinon Vienne et Loire, le montant des attributions individuelles de dotation d'intercommunalité n'est pas sans rapport avec les niveaux de potentiel fiscal et de coefficient d'intégration fiscale, qui s'appliquent, aux côtés d'un indicateur tiré du revenu par habitant, pour le calcul du montant des attributions de tous les établissements publics de coopération intercommunale éligibles à la dotation d'intercommunalité et qui permettent de tenir compte du niveau d'intégration intercommunale et du niveau des ressources fiscales de l'établissement.

9. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que les dispositions contestées porteraient atteinte au principe d'égalité devant la loi et au principe d'égalité devant les charges publiques ne saurait être regardé comme présentant un caractère sérieux.

10. En dernier lieu, en se bornant à affirmer, à l'appui de son grief tiré de ce que les dispositions contestées porteraient atteinte au principe de libre administration et d'autonomie financière des collectivités territoriales, que l'absence de versement en 2021 d'une somme au titre de la dotation d'intercommunalité aurait eu pour conséquence la dégradation de sa capacité d'autofinancement brute, la requérante ne fournit aucun élément permettant d'établir sérieusement que la perte financière résultant des dispositions contestées serait d'une ampleur telle qu'elle serait susceptible d'entraver la libre administration des établissements publics de coopération intercommunale ou de porter atteinte à leur autonomie financière. La communauté de communes ne peut, dès lors, soutenir que les articles 72 et 72-2 de la Constitution ont été méconnus.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a dès lors pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la communauté de communes Chinon Vienne et Loire.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la communauté de communes Chinon Vienne et Loire, au ministre de l'intérieur et des outre-mer ainsi qu'au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, à la Première ministre et au tribunal administratif d'Orléans.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 juillet 2022 où siégeaient : M. Guillaume Goulard, président de chambre, présidant ; M. Pierre Collin, président de chambre ; M. Stéphane Verclytte, M. Christian Fournier, M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, Mme Françoise Tomé, conseillers d'Etat ; M. Mathieu Le Coq, maître des requêtes et M. Nicolas Jau, auditeur-rapporteur.

Rendu le 22 juillet 2022.

Le président :

Signé : M. Guillaume Goulard

Le rapporteur :

Signé : M. Nicolas Jau

La secrétaire :

Signé : Mme Elsa Sarrazin


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 22 jui. 2022, n° 464270
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Nicolas Jau
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Avocat(s) : SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Date de la décision : 22/07/2022
Date de l'import : 26/07/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 464270
Numéro NOR : CETATEXT000046082496 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2022-07-22;464270 ?
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