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22/07/2022 | FRANCE | N°454471

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 22 juillet 2022, 454471


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 juillet 2021 et 12 octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération nationale des services publics et de santé Force ouvrière demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-571 du 10 mai 2021 relatif aux comités sociaux territoriaux des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de j

ustice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 84-53 d...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 juillet 2021 et 12 octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération nationale des services publics et de santé Force ouvrière demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-571 du 10 mai 2021 relatif aux comités sociaux territoriaux des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le décret n° 2021-571 du 10 mai 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Nicolas Jau, auditeur,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Haas, avocat de la Fédération nationale des services publics et de santé Force ouvrière ;

Considérant ce qui suit :

1. L'article 4 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a prévu la fusion des comités techniques et des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, à l'issue du prochain renouvellement général des instances de dialogue social dans la fonction publique, au sein d'une nouvelle instance unique, le comité social territorial. Le décret du 10 mai 2021 relatif aux comités sociaux territoriaux des collectivités territoriales et de leurs établissements publics a pour objet d'en fixer l'organisation, la composition, les attributions et le fonctionnement. Aux termes de son article 34 : " Sont éligibles au titre d'un comité social territorial les agents remplissant les conditions requises pour être inscrits sur la liste électorale de ce comité, à l'exception : / 1° Des agents en congé de longue maladie, de longue durée ou de grave maladie ; (...) ". Les conclusions de la Fédération nationale des services publics et de santé Force ouvrière doivent être regardées comme tendant à l'annulation du 1° de cet article 34.

2. Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.

3. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, désormais codifié aux articles L. 822-6 à L. 822-17 du code général de la fonction publique : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. (...) / 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. (...) ". Aux termes de l'article 8 du décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale : " L'agent contractuel en activité et comptant au moins trois années de services, atteint d'une affection dûment constatée, le mettant dans l'impossibilité d'exercer son activité, nécessitant un traitement et des soins prolongés et présentant un caractère invalidant et de gravité confirmée bénéficie d'un congé de grave maladie pendant une période maximale de trois ans. (...) ".

4. En prévoyant l'inéligibilité à un comité social territorial des agents en congé de longue maladie, de longue durée ou de grave maladie, le pouvoir réglementaire a entendu assurer le bon fonctionnement de ces comités en garantissant l'exercice effectif du mandat de représentant du personnel. Il résulte des dispositions citées au point 3 que ces agents sont atteints d'affections particulièrement graves, par leur caractère invalidant et par la nécessité d'un traitement et de soins prolongés, les mettant durablement dans l'impossibilité d'exercer leurs fonctions. Dans ces conditions, le pouvoir réglementaire a pu légalement traiter ces agents différemment des autres agents en congé de maladie, qui ne se trouvent pas durablement dans l'impossibilité d'exercer leurs fonctions, dès lors que cette différence de traitement est en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et n'est pas manifestement disproportionnée au regard des objectifs poursuivis.

5. Il résulte de ce qui précède que la Fédération nationale des services publics et de santé Force ouvrière n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 10 mai 2021.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la Fédération nationale des services publics et de santé Force ouvrière est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération nationale des services publics et de santé Force ouvrière, à la Première ministre et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au ministre de la transformation et de la fonction publiques.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 juillet 2022 où siégeaient : M. Guillaume Goulard, président de chambre, présidant ; M. Pierre Collin, président de chambre ; M. Stéphane Verclytte, M. Christian Fournier, M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, Mme Françoise Tomé, conseillers d'Etat ; Mme Rose-Marie Abel, maître des requêtes en service extraordinaire et M. Nicolas Jau, auditeur-rapporteur.

Rendu le 22 juillet 2022.

Le président :

Signé : M. Guillaume Goulard

Le rapporteur :

Signé : M. Nicolas Jau

La secrétaire :

Signé : Mme Elsa Sarrazin


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 22 jui. 2022, n° 454471
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Nicolas Jau
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Avocat(s) : HAAS

Origine de la décision
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Date de la décision : 22/07/2022
Date de l'import : 26/07/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 454471
Numéro NOR : CETATEXT000046082461 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2022-07-22;454471 ?
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