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21/07/2022 | FRANCE | N°455179

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 21 juillet 2022, 455179


Vu la procédure suivante :

La société d'exercice libéral à responsabilité limitée Pourciel et associés a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 27 août 2020 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande d'ouverture d'un bureau annexe sur le territoire de la commune de Lacroix-Falgarde (Haute-Garonne) et de la décision rejetant son recours gracieux. Par une ordonnance n° 2103921 du 29 ju

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Vu la procédure suivante :

La société d'exercice libéral à responsabilité limitée Pourciel et associés a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 27 août 2020 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande d'ouverture d'un bureau annexe sur le territoire de la commune de Lacroix-Falgarde (Haute-Garonne) et de la décision rejetant son recours gracieux. Par une ordonnance n° 2103921 du 29 juillet 2021, le juge des référés a suspendu l'exécution de ces deux décisions.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 août 2021 et 10 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le garde des sceaux, ministre de la justice demande au Conseil d'Etat d'annuler cette ordonnance.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l'ordonnance n° 45-290 du 2 novembre 1945 ;

- la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 ;

- la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;

- le décret n° 67-868 du 2 octobre 1967 ;

- le décret n° 71-942 du 26 novembre 1971 modifié ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Cabinet Briard, avocat de la société Pourciel et associés ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Par une décision du 27 août 2020, le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté la demande par laquelle la société Pourciel et associés, titulaire d'un office de notaire à Venerque (Haute-Garonne), a sollicité l'ouverture d'un bureau annexe à Lacroix-Falgarde (Haute-Garonne). Par une ordonnance du 29 juillet 2021 contre laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a suspendu l'exécution de cette décision et de celle rejetant le recours gracieux formé par la société.

3. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. Il lui appartient également, l'urgence s'appréciant objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de chaque espèce, de faire apparaître dans sa décision tous les éléments qui, eu égard notamment à l'argumentation des parties, l'ont conduit à considérer que la suspension demandée revêtait un caractère d'urgence.

4. Pour estimer que la condition d'urgence était remplie du fait de l'atteinte grave et immédiate aux intérêts de la société Pourciel et associés résultant du refus opposé à sa demande d'ouverture d'un bureau annexe à Lacroix-Falgarde, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse s'est borné à relever que ce refus impliquait nécessairement une perte de chiffre d'affaires pour la société, en ce qu'elle l'empêchait d'exploiter le local dont elle disposait dans cette commune. En statuant ainsi, sans apporter plus de précision sur l'impact financier pour la société ni sur les autres intérêts en présence, il a entaché son ordonnance d'une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que le garde des sceaux, ministre de la justice, est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée.

7. Si la société requérante fait valoir qu'elle supporte les charges d'un local dont elle a fait l'acquisition à Lacroix-Falgarde, en vue de l'ouverture de son bureau annexe, il ne résulte pas de l'instruction que l'absence d'exploitation de ce local résultant du refus opposé à sa demande d'ouverture d'un bureau annexe porte par elle-même une atteinte grave à sa situation, ni à l'intérêt des habitants de cette commune. Dès lors, en l'état de l'instruction, la condition d'urgence ne peut être regardée comme remplie.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les moyens qu'elle invoque, que la demande présentée par la société Pourciel et associés devant le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse doit être rejetée.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 29 juillet 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse est annulée.

Article 2 : La requête de la société Pourciel et associés devant le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Pourciel et associés devant le Conseil d'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice et à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Pourciel et associés.

Délibéré à l'issue de la séance du 16 juin 2022 où siégeaient : Mme Suzanne von Coester, assesseure, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre et M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 21 juillet 2022.

La présidente :

Signé : Mme Suzanne von Coester

Le rapporteur :

Signé : M. Cédric Fraisseix

La secrétaire :

Signé : Mme Valérie Peyrisse


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 21 jui. 2022, n° 455179
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cédric Fraisseix
Rapporteur public ?: M. Stéphane Hoynck
Avocat(s) : SARL CABINET BRIARD

Origine de la décision
Formation : 6ème chambre
Date de la décision : 21/07/2022
Date de l'import : 26/07/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 455179
Numéro NOR : CETATEXT000046081003 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2022-07-21;455179 ?
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