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15/06/2022 | FRANCE | N°453611

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 15 juin 2022, 453611


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 juin et 14 septembre 2021 et le 7 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 24 mars 2021 par laquelle le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes, statuant en formation restreinte, l'a suspendu du droit d'exercer l'art dentaire pour une durée de six mois et a subordonné la reprise de son activité aux résultats d'une no

uvelle expertise ;

2°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordr...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 juin et 14 septembre 2021 et le 7 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 24 mars 2021 par laquelle le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes, statuant en formation restreinte, l'a suspendu du droit d'exercer l'art dentaire pour une durée de six mois et a subordonné la reprise de son activité aux résultats d'une nouvelle expertise ;

2°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Fraval, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Richard, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 4124-3 du code de la santé publique, applicable aux situations d'infirmité ou d'état pathologique rendant dangereux l'exercice de la profession de médecin, de chirurgien-dentiste ou de sage-femme : " I. - Dans le cas d'infirmité ou d'état pathologique rendant dangereux l'exercice de la profession, la suspension temporaire du droit d'exercer est prononcée par le conseil régional ou interrégional pour une période déterminée, qui peut, s'il y a lieu, être renouvelée. / Le conseil est saisi à cet effet soit par le directeur général de l'agence régionale de santé soit par une délibération du conseil départemental ou du Conseil national. (...) / II. - La suspension ne peut être ordonnée que sur un rapport motivé établi à la demande du conseil régional ou interrégional par trois médecins désignés comme experts, le premier par l'intéressé, le deuxième par le conseil régional ou interrégional et le troisième par les deux premiers experts (...) ".

2. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 16 mars 2020, le conseil départemental du Val-de-Marne de l'ordre des chirurgiens-dentistes a saisi, sur le fondement des dispositions de l'article R. 4124-3 du code de la santé publique citées au point précédent, le conseil régional d'Ile-de-France de l'ordre des chirurgiens-dentistes d'une demande tendant à ce que M. A... B..., chirurgien-dentiste, soit suspendu du droit d'exercer l'art dentaire en raison d'un état pathologique rendant dangereux l'exercice de sa profession. Par une décision du 1er octobre 2020, le conseil régional de l'ordre a rejeté la demande du conseil départemental, qui a saisi le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes de la même demande. Par une décision du 24 mars 2021, dont M. B... demande l'annulation pour excès de pouvoir, le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes l'a suspendu du droit d'exercer sa profession pendant une durée de six mois et subordonné la reprise de son activité aux résultats d'une nouvelle expertise.

3. Il ressort des pièces du dossier qu'au vu des signalements de deux patients et d'un étudiant en art dentaire relatant que l'état de santé de M. B... semblait obérer sa capacité à exercer sa profession, de la circonstance que ce praticien a rédigé une ordonnance prescrivant à un patient un médicament appartenant à la classe des benzodiazépines dont la prescription relève de la compétence exclusive des médecins, et de son comportement, révélant un défaut de maîtrise et une tendance à l'emportement, lors de la séance de la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes, cette dernière, après avoir relevé que l'exercice de la profession dentaire implique l'utilisation par le chirurgien-dentiste d'instruments rotatifs et chirurgicaux, qui, mal maîtrisés, peuvent être dangereux pour les patients, a estimé que l'état de santé de M. B... rendait dangereux l'exercice de sa profession et a prononcé à son encontre une mesure de suspension temporaire du droit d'exercer pendant six mois. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment du rapport d'expertise prévu par les dispositions, citées au point 1, de l'article R. 4124-3 du code de la santé publique, d'une part, que la principale pathologie dont souffre M. B..., pour laquelle il fait l'objet d'un suivi régulier par plusieurs praticiens spécialistes de celle-ci, est stabilisée et connaît une évolution favorable, d'autre part, que les experts ont conclu, de manière unanime, notamment au vu de leur examen clinique, de bilans biologiques et de certificats concordants des médecins assurant le suivi régulier de M. B..., qu'il ne présentait pas, à la date de cette expertise, un état pathologique rendant dangereux l'exercice de sa profession de chirurgien-dentiste. Dans ces conditions et alors même que le rapport d'expertise a pour seul objet d'éclairer l'instance ordinale et ne la lie pas pour l'appréciation, qui lui incombe, de l'existence éventuelle d'un état pathologique rendant dangereux l'exercice de la profession, la formation restreinte a fait, au regard de l'ensemble des éléments qui lui étaient soumis, une application inexacte des dispositions citées au point 1 en retenant que M. B... présentait, à la date de sa décision, un état pathologique rendant dangereux l'exercice de sa profession.

4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision de la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes en date du 24 mars 2021 est annulée.

Article 2 : Le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes versera la somme de 3 000 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes.

Délibéré à l'issue de la séance du 12 mai 2022 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; Mme Carine Soulay, conseillère d'Etat et Mme Cécile Fraval, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 15 juin 2022.

La présidente :

Signé : Mme Maud Vialettes

La rapporteure :

Signé : Mme Cécile Fraval

La secrétaire :

Signé : Mme Romy Raquil


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 453611
Date de la décision : 15/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 15 jui. 2022, n° 453611
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Cécile Fraval
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : SCP RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:453611.20220615
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