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31/05/2022 | FRANCE | N°457879

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 31 mai 2022, 457879


Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Versailles d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 8 septembre 2021 par laquelle le directeur des ressources humaines du centre hospitalier d'Arpajon l'a suspendue de ses fonctions à compter du 15 septembre 2021. Par une ordonnance n° 2108514 du 11 octobre 2021, le juge des référés a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26

octobre et 9 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat...

Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Versailles d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 8 septembre 2021 par laquelle le directeur des ressources humaines du centre hospitalier d'Arpajon l'a suspendue de ses fonctions à compter du 15 septembre 2021. Par une ordonnance n° 2108514 du 11 octobre 2021, le juge des référés a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 octobre et 9 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Arpajon la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n°2021-1040 du 5 août 2021 ;

- la décision du 28 janvier 2022 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a décidé de ne pas renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme A... ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ségolène Cavaliere, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Richard, avocat de Mme A... et à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat du centre hospitalier d'Arpajon.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". Aux termes de l'article L. 522-3 du même code : " Lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article L. 522-1 ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Versailles que, par une décision du 8 septembre 2021 entrant en vigueur le 15 septembre suivant, le directeur des ressources humaines du centre hospitalier d'Arpajon a suspendu Mme A..., infirmière en fonction au sein de cet établissement de santé, jusqu'à ce qu'elle satisfasse à l'obligation de vaccination contre la covid-19 prévue par l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire. Mme A... se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 11 octobre 2021 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande de suspension de l'exécution de cette décision, présentée sur le fondement des dispositions, citées ci-dessus, de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.

3. Il résulte des termes de l'ordonnance attaquée que, pour rejeter la demande de Mme A... au motif que la condition d'urgence requise par les dispositions de l'article L.521-1 du code de justice administrative n'était pas remplie, le juge des référés s'est fondé sur ce qu'en refusant de satisfaire à l'obligation vaccinale, l'intéressée avait, par son comportement, provoqué l'interruption de son traitement et créé elle-même la situation d'urgence qu'elle invoquait. En statuant ainsi, alors que Mme A... ne pouvait éviter d'être suspendue de ses fonctions et donc de perdre ses ressources qu'en satisfaisant, de manière irréversible, à l'obligation vaccinale que son action en référé avait justement pour objet d'éviter, le juge des référés a commis une erreur de droit.

4. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, Mme A... est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de statuer en référé sur la demande de Mme A....

6. Pour demander la suspension de la décision contestée, Mme A... soutient qu'elle est signée par une autorité incompétente, qu'elle a été prise avant l'entrée en vigueur de l'obligation vaccinale, qu'aucune affectation alternative ne lui a été proposée, que les garanties entourant la procédure de suspension prévues par l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, désormais reprises à l'article L. 531-1 du code général de la fonction publique, n'ont pas été respectées et que l'obligation vaccinale contre la covid-19 porte atteinte à la liberté de disposer de son corps, au droit au respect de la vie privée et familiale, au droit à l'emploi, au principe d'égalité, au droit à la dignité de la personne humaine et au droit à la protection de la santé.

7. Aucun de ces moyens n'est propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.

8. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, la demande de Mme A... doit être rejetée ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées, tant en première instance qu'en cassation, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme A... la somme que demande, au même titre, le centre hospitalier d'Arpajon.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 11 octobre 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Versailles est annulée.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le juge des référés du tribunal administratif de Versailles est rejetée.

Article 3 : Les conclusions des parties présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et au centre hospitalier d'Arpajon.

Copie en sera adressée à la ministre de la santé et de la prévention.

Délibéré à l'issue de la séance du 18 mai 2022 où siégeaient : M. Denis Piveteau, président de chambre, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et Mme Ségolène Cavaliere, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 31 mai 2022.

Le président :

Signé : M. Denis Piveteau

La rapporteure :

Signé : Mme Ségolène Cavaliere

La secrétaire :

Signé : Mme Anne-Lise Calvaire


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 31 mai. 2022, n° 457879
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Ségolène Cavaliere
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron
Avocat(s) : SCP RICHARD ; SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY

Origine de la décision
Formation : 5ème chambre
Date de la décision : 31/05/2022
Date de l'import : 19/07/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 457879
Numéro NOR : CETATEXT000045892019 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2022-05-31;457879 ?
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