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05/05/2022 | FRANCE | N°461565

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 05 mai 2022, 461565


Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 16 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la Fédération nationale des chasseurs demande au Conseil d'État, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande d'abrogation de l'article D. 123-46-2 du code de l'environnement, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitut

ion de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement.

Vu les autr...

Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 16 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la Fédération nationale des chasseurs demande au Conseil d'État, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande d'abrogation de l'article D. 123-46-2 du code de l'environnement, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de l'environnement, notamment son article L. 123-19-1 ;

- la loi n° 2012-1460 du 27 décembre 2012 ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-396 QPC du 23 mai 2014 ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-595 QPC du 18 novembre 2016 ;

- l'ordonnance n° 2016-1060 du 3 août 2016 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi, avocat de la Fédération nationale des chasseurs ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. L'article L. 123-19-1 du code de l'environnement dispose que : " I. - Le présent article définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public, prévu à l'article 7 de la Charte de l'environnement, est applicable aux décisions, autres que les décisions individuelles, des autorités publiques ayant une incidence sur l'environnement lorsque celles-ci ne sont pas soumises, par les dispositions législatives qui leur sont applicables, à une procédure particulière organisant la participation du public à leur élaboration. / Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux décisions qui modifient, prorogent, retirent ou abrogent les décisions mentionnées à l'alinéa précédent soumises à une procédure particulière organisant la participation du public à leur élaboration. / Ne sont pas regardées comme ayant une incidence sur l'environnement les décisions qui ont sur ce dernier un effet indirect ou non significatif. / II. - Sous réserve des dispositions de l'article L. 123-19-6, le projet d'une décision mentionnée au I, accompagné d'une note de présentation précisant notamment le contexte et les objectifs de ce projet, est mis à disposition du public par voie électronique et, sur demande présentée dans des conditions prévues par décret, mis en consultation sur support papier dans les préfectures et les sous-préfectures en ce qui concerne les décisions des autorités de l'Etat, y compris les autorités administratives indépendantes, et des établissements publics de l'Etat, ou au siège de l'autorité en ce qui concerne les décisions des autres autorités. Lorsque le volume ou les caractéristiques du projet de décision ne permettent pas sa mise à disposition par voie électronique, la note de présentation précise les lieux et horaires où l'intégralité du projet peut être consultée. / Pour les décisions à portée nationale de l'Etat, y compris les autorités administratives indépendantes, et des établissements publics de l'Etat, la liste indicative des consultations programmées est publiée tous les trois mois par voie électronique. / Au plus tard à la date de la mise à disposition prévue au premier alinéa du présent II, le public est informé, par voie électronique, des modalités de consultation retenues. / Les observations et propositions du public, déposées par voie électronique ou postale, doivent parvenir à l'autorité administrative concernée dans un délai qui ne peut être inférieur à vingt et un jours à compter de la mise à disposition prévue au même premier alinéa. / Le projet de décision ne peut être définitivement adopté avant l'expiration d'un délai permettant la prise en considération des observations et propositions déposées par le public et la rédaction d'une synthèse de ces observations et propositions. Sauf en cas d'absence d'observations et propositions, ce délai ne peut être inférieur à quatre jours à compter de la date de la clôture de la consultation. / Dans le cas où la consultation d'un organisme consultatif comportant des représentants des catégories de personnes concernées par la décision en cause est obligatoire et lorsque celle-ci intervient après la consultation du public, la synthèse des observations et propositions du public lui est transmise préalablement à son avis. / Au plus tard à la date de la publication de la décision et pendant une durée minimale de trois mois, l'autorité administrative qui a pris la décision rend publics, par voie électronique, la synthèse des observations et propositions du public avec l'indication de celles dont il a été tenu compte, les observations et propositions déposées par voie électronique ainsi que, dans un document séparé, les motifs de la décision. / III. - Par dérogation au II, la participation du public à l'élaboration des décisions des autorités des communes de moins de 10 000 habitants peut être organisée dans les conditions suivantes. / L'objet de la procédure de participation ainsi que les lieux et horaires où le projet de décision accompagné de la note de présentation peuvent être consultés et où des observations et propositions peuvent être déposées sur un registre sont portés à la connaissance du public par voie d'affichage en mairie. Cet affichage précise le délai dans lequel ces observations et propositions doivent être déposées, qui ne peut être inférieur à vingt et un jours à compter du début de l'affichage. / Dans le cas où la commune dispose d'un site internet, les informations mentionnées à l'alinéa précédent ainsi que la note de présentation et, sauf si son volume ou ses caractéristiques ne le permettent pas, le projet de décision sont en outre mis à disposition du public par voie électronique pendant la même durée. / Le projet de décision ne peut être définitivement adopté avant l'expiration d'un délai permettant la prise en considération des observations et propositions du public. Sauf en cas d'absence d'observations et propositions, ce délai ne peut être inférieur à quatre jours à compter de la date de clôture de la consultation. Au plus tard à la date de publication de la décision et pendant une durée minimale d'un mois, le maire rend publique, par voie d'affichage, une synthèse des observations et propositions du public ou indique, par la même voie, les lieux et horaires où le registre de recueil des observations et propositions est tenu à la disposition du public pour la même durée. / Les dispositions du présent III s'appliquent aux décisions des autorités de la collectivité de Saint-Martin et de celles de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi qu'aux décisions des autorités des groupements de collectivités territoriales dont la population totale est inférieure à 30 000 habitants. Dans ce cas, l'affichage est réalisé au siège du groupement. / IV. - Par dérogation aux II et III, la participation du public à l'élaboration des décisions des autorités des communes de moins de 2 000 habitants peut être organisée dans le cadre d'une réunion publique. / L'objet de la procédure de participation ainsi que les lieu, date et heure de la réunion sont portés à la connaissance du public par voie d'affichage en mairie, dans un délai qui ne peut être inférieur à huit jours avant la date prévue pour la tenue de la réunion. L'affichage précise les lieux et horaires où le projet de décision peut être consulté. / Le projet de décision ne peut être définitivement adopté avant l'expiration d'un délai permettant la prise en considération des observations et propositions du public, qui ne peut être inférieur à quatre jours à compter de la date de la réunion publique. / En cas d'absence d'observations, ce délai ne peut être inférieur à quatre jours à compter de la date de la clôture de la consultation ".

3. La Fédération nationale des chasseurs fait valoir, à l'appui de sa question prioritaire de constitutionnalité, qu'en édictant les dispositions de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement, le législateur a méconnu sa compétence en s'abstenant de définir des garanties légales suffisantes relatives à la fiabilité des avis exprimés, pour assurer l'exigence constitutionnelle du principe de participation prévu à l'article 7 de la Charte de l'environnement.

4. Aux termes de l'article 7 de la Charte de l'environnement : " Toute personne a le droit, dans les conditions et limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement ".

5. Il résulte de ces dispositions qu'elles réservent au législateur le soin de préciser " les conditions et les limites " dans lesquelles doit s'exercer le droit de toute personne à accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et à participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement. Il incombe ainsi au législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives de déterminer, dans le respect des principes ainsi énoncés, les modalités de la mise en œuvre de ces dispositions.

6. Par les dispositions de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement, le législateur a établi la procédure de droit commun assurant la mise en œuvre effective de ce droit en précisant les modalités et conditions selon lesquelles les observations et propositions du public doivent parvenir à l'autorité administrative. Ces dispositions prévoient ainsi, d'une part, que le projet d'une décision autre qu'individuelle ayant une incidence directe et significative sur l'environnement doit, accompagné d'une note de présentation précisant notamment le contexte et les objectifs de ce projet, être mis à disposition du public par voie électronique et, sur demande, mis en consultation sur support papier, le public devant être informé à l'avance, par voie électronique, des modalités de consultation retenues. D'autre part, les observations et propositions du public, déposées par voie électronique ou postale, doivent parvenir à l'autorité administrative concernée dans un délai fixé et le projet de décision ne peut être définitivement adopté avant l'expiration d'un délai permettant la prise en considération des observations et propositions déposées par le public ainsi que la rédaction d'une synthèse de ces observations et propositions. Enfin, au plus tard à la date de la publication de la décision et pendant une durée minimale de trois mois, l'autorité administrative qui a pris la décision rend publics, par voie électronique, la synthèse des observations et propositions du public avec l'indication de celles dont il a été tenu compte, les observations et propositions déposées par voie électronique ainsi que, dans un document séparé, les motifs de la décision. Ces dispositions permettent à l'autorité administrative de distinguer parmi les observations du public, celles n'ayant aucun lien avec l'objet de la consultation ou exprimant des positions générales ou de principe, de celles se prononçant sur le projet objet de la consultation. Elles permettent également à cette même autorité d'écarter certaines observations en cas de doublons ou en raison de leur caractère incomplet ou sans lien avec l'objet de la consultation, de nature à apporter ainsi une garantie sur la fiabilité des avis exprimés par le public, nonobstant les risques qui peuvent résulter à cet égard du recours à la voie électronique, comme d'ailleurs de la voie postale.

7. Il résulte de ce qui précède qu'en définissant les conditions et modalités selon lesquelles les observations et propositions du public peuvent être adressées dans le cadre de la participation par voie électronique, le législateur a déterminé de manière suffisante les modalités permettant une participation effective du public pour assurer l'exigence constitutionnelle du principe de participation prévu à l'article 7 de la Charte de l'environnement, conformément aux décisions n° 2014-396 QPC du 23 mai 2014 et n° 2016-595 QPC du 18 novembre 2016 du Conseil constitutionnel.

8. Par suite, la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a, dès lors, pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la Fédération nationale des chasseurs.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération nationale des chasseurs, à la ministre de la transition écologique et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 avril 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Denis Piveteau, M. Fabien Raynaud, présidents de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, M. Jean-Philippe Mochon, Mme Suzanne von Coester, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat et M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 5 mai 2022.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. Cédric Fraisseix

La secrétaire :

Signé : Mme Marie-Adeline Allain


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 461565
Date de la décision : 05/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 05 mai. 2022, n° 461565
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cédric Fraisseix
Rapporteur public ?: M. Stéphane Hoynck
Avocat(s) : SCP SPINOSI

Origine de la décision
Date de l'import : 10/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:461565.20220505
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