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03/05/2022 | FRANCE | N°453520

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 03 mai 2022, 453520


Vu la procédure suivante :

Les sociétés Bouygues Télécom et Cellnex France ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille, à titre principal, d'ordonner, en application de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le maire de la commune de Villeneuve d'Ascq sur leur demande de délivrance d'un certificat de permis de construire tacite, de requalifier cette décision implicite de rejet tacite, et, à titre subsidiaire, d'enjoindre au maire de la commune de

Villeneuve d'Ascq de leur délivrer un permis de construire dans un dé...

Vu la procédure suivante :

Les sociétés Bouygues Télécom et Cellnex France ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille, à titre principal, d'ordonner, en application de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le maire de la commune de Villeneuve d'Ascq sur leur demande de délivrance d'un certificat de permis de construire tacite, de requalifier cette décision implicite de rejet tacite, et, à titre subsidiaire, d'enjoindre au maire de la commune de Villeneuve d'Ascq de leur délivrer un permis de construire dans un délai de deux semaines à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de la commune de Villeneuve d'Ascq une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 2103751 du 27 mai 2021, la juge des référés du tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 et 28 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les sociétés Bouygues Télécom et Cellnex France demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de faire droit à leurs demandes présentées devant le juge des référés du tribunal administratif de Lille ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Villeneuve d'Ascq une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du patrimoine ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yves Doutriaux, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Philippe Ranquet, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat des sociétés Bouygues Télécom et Cellnex France ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la société Cellnex France, agissant dans le cadre d'un mandat l'unissant à la société Bouygues Telecom, a sollicité de la commune de Villeneuve d'Ascq la délivrance d'un permis de construire en vue de l'édification d'un pylône destiné à accueillir un relais de téléphonie mobile. Par un arrêté du 24 décembre 2019, le maire de la commune lui a refusé l'autorisation sollicitée. Les sociétés Bouygues Télécom et Cellnex France ont alors saisi le tribunal administratif de Lille d'une requête en annulation de cette décision et, parallèlement, ont également saisi le juge des référés d'une demande de suspension de l'exécution de cet arrêté. Par une ordonnance du 30 juin 2020, le juge des référés a fait droit à leur demande. Le 11 août 2020, les sociétés Bouygues Télécom et Cellnex France ont sollicité de la commune la reprise de l'instruction de leur demande et, le 23 décembre 2020, elles ont sollicité la délivrance d'un certificat de permis de construire tacite. Elle se pourvoient contre l'ordonnance du 27 mai 2021 par laquelle la juge des référés du tribunal administratif de Lille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté leur demande de suspension du refus tacite opposé à cette demande par le maire de la commune.

Sur le cadre juridique :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 621-32 du code du patrimoine, " Les travaux susceptibles de modifier l'aspect extérieur d'un immeuble, bâti ou non bâti, protégé au titre des abords sont soumis à une autorisation préalable./L'autorisation peut être refusée ou assortie de prescriptions lorsque les travaux sont susceptibles de porter atteinte à la conservation ou à la mise en valeur d'un monument historique ou des abords./Lorsqu'elle porte sur des travaux soumis à formalité au titre du code de l'urbanisme ou au titre du code de l'environnement, l'autorisation prévue au présent article est délivrée dans les conditions et selon les modalités de recours prévues aux articles L. 632-2 et L. 632-2-1. " Selon l'article L. 632-1 du même code : " Dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable, sont soumis à une autorisation préalable les travaux susceptibles de modifier l'état des parties extérieures des immeubles bâtis, y compris du second œuvre, ou des immeubles non bâtis. (...) L'autorisation peut être refusée ou assortie de prescriptions lorsque les travaux sont susceptibles de porter atteinte à la conservation ou à la mise en valeur du site patrimonial remarquable. " Aux termes du I de l'article L. 632-2 du même code : " I. - L'autorisation prévue à l'article L. 632-1 est, sous réserve de l'article L. 632-2-1, subordonnée à l'accord de l'architecte des Bâtiments de France, le cas échéant assorti de prescriptions motivées (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 632-2-1 du même code : " Par exception au I de l'article L. 632-2, l'autorisation prévue à l'article L. 632 1 est soumise à l'avis de l'architecte des Bâtiments de France lorsqu'elle porte sur : / 1° Des antennes relais de radiotéléphonie mobile ou de diffusion du très haut débit par voie hertzienne et leurs systèmes d'accroche ainsi que leurs locaux et installations techniques ; (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article R.*424-1 du code de l'urbanisme : " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction déterminé comme il est dit à la section IV du chapitre III ci-dessus, le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas : / a) Décision de non-opposition à la déclaration préalable ; / b) Permis de construire, permis d'aménager ou permis de démolir tacite (...) ". Aux termes de l'article R.*424-3 du même code : " Par exception au b de l'article R.*424-1, le défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction vaut décision implicite de rejet lorsque la décision est soumise à l'accord de l'architecte des Bâtiments de France et que celui-ci a notifié, dans les délais mentionnés aux articles R.*423-59 et R.*423-67, un avis défavorable ou un avis favorable assorti de prescriptions (...) ".

4. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, si la délivrance d'une autorisation de construction d'une antenne relais dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable est soumise à un avis de l'architecte des Bâtiments de France, cet avis n'est pas un avis conforme et que le silence gardé par l'autorité administrative sur la demande de permis de construire une antenne relais dans un tel périmètre fait naître à l'issue du délai d'instruction un permis de construire tacite, alors même que l'avis a été assorti de prescriptions.

Sur le pourvoi :

5. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 qu'en rejetant la demande de suspension de la décision implicite de rejet de la demande de délivrance d'un certificat au motif que le silence gardé par le maire de Villeneuve d'Ascq avait fait naître une décision de refus du permis, en raison des prescriptions émises par l'architecte des Bâtiments de France dans l'instruction de la demande, le juge des référés a commis une erreur de droit. Il en résulte que les sociétés Bouygues Télécom et Cellnex France sont fondées à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elles attaquent.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative sur la demande de suspension présentée devant le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse.

Sur la demande de suspension :

7. Ainsi qu'il a été dit au point 1 les sociétés requérantes ont sollicité la reprise de l'instruction de leur demande de permis de construire le 11 août 2020, ce dont la commune a accusé réception le 17 août. En l'absence de réponse à cette demande et à l'issue du délai d'instruction de quatre mois, déterminé par l'application, à l'espèce, des dispositions des articles R. 423-23 et R. 424-1 du code de l'urbanisme, une décision implicite d'octroi de ce permis est née le 17 décembre 2020.

8. D'une part, est de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de cette décision le moyen tiré de ce que le maire, qui n'a en tout état de cause pas entendu procéder au retrait de cette décision, a méconnu les dispositions de l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme en refusant de délivrer le certificat de non-opposition demandé.

9. D'autre part, eu égard à l'intérêt public qui s'attache à la couverture du territoire national par le réseau de téléphonie mobile tant 3G que 4G et à l'objet même du certificat demandé qui répond à la nécessité, pour les sociétés requérantes, d'attester auprès de tiers intéressés ou participant à l'exécution des travaux autorisés de l'existence de l'autorisation, la condition d'urgence doit être regardée comme remplie.

10. Il résulte de ce qui précède que les sociétés requérantes sont fondées à demander la suspension de l'exécution de la décision qu'elles attaquent.

11. Il y a lieu d'enjoindre au maire de Villeneuve d'Ascq de délivrer, à titre provisoire, un certificat de permis de construire aux sociétés requérantes dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision, sans qu'il y ait lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Villeneuve d'Ascq le versement à la société Bouygues Télécom et à la société Cellnex de la somme de 2 000 euros chacune au titre des frais exposés devant le Conseil d'Etat et devant le tribunal administratif de Lille et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 27 mai 2021 de la juge des référés du tribunal administratif de Lille est annulée.

Article 2 : L'exécution de la décision implicite du 17 décembre 2020 par laquelle le maire de Villeneuve d'Ascq a refusé de délivrer un certificat de permis de construire tacite aux sociétés Bouygues Télécom et Cellnex est suspendue.

Article 3 : Il est enjoint à la commune de Villeneuve d'Ascq de délivrer, à titre provisoire, un certificat de permis de construire aux sociétés Bouygues Télécom et Cellnex dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision.

Article 4 : La commune de Villeneuve d'Ascq versera à la société Bouygues Télécom et à la société Cellnex chacune la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée aux sociétés Bouygues Télécom et Cellnex France et à la commune de Villeneuve d'Ascq.


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 453520
Date de la décision : 03/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 03 mai. 2022, n° 453520
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Yves Doutriaux
Rapporteur public ?: M. Philippe Ranquet
Avocat(s) : SCP BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, SEBAGH

Origine de la décision
Date de l'import : 06/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:453520.20220503
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