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26/04/2022 | FRANCE | N°446079

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 26 avril 2022, 446079


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 novembre 2020 et 14 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D... A... demande au Conseil d'Etat d'annuler l'article 4 du décret du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des lib

ertés fondamentales ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembr...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 novembre 2020 et 14 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D... A... demande au Conseil d'Etat d'annuler l'article 4 du décret du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;

- le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 ;

- la décision n° 446079 du 20 mai 2021 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme A... ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Myriam Benlolo Carabot, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La situation épidémiologique au cours des mois de septembre et d'octobre 2020, caractérisée par une accélération du rythme de l'épidémie de covid-19, a conduit le Président de la République à prendre le 14 octobre 2020, sur le fondement de l'article L. 3131-12 et L. 3131-13 du code de la santé publique, un décret déclarant l'état d'urgence sanitaire à compter du 17 octobre 2020 sur l'ensemble du territoire national. Le 29 octobre 2020, le Premier ministre a pris, sur le fondement de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, le décret prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire. L'état d'urgence sanitaire a été prorogé jusqu'au 16 février 2021 inclus, puis jusqu'au 1er juin 2021 inclus, respectivement par la loi du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire et la loi du 15 février 2021 prorogeant l'état d'urgence sanitaire. L'article 4 du décret, dont Mme A... demande l'annulation, interdit tout déplacement de personne hors de son lieu de résidence, sous réserve de certaines exceptions.

2. Le Premier ministre a ainsi mis en oeuvre les pouvoirs qu'il tient de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, aux termes duquel : " I.- Dans les circonscriptions territoriales où l'état d'urgence sanitaire est déclaré, le Premier ministre peut, par décret réglementaire pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, aux seules fins de garantir la santé publique : / (...) / 2° Interdire aux personnes de sortir de leur domicile, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé ; / (...) ". Contrairement à ce qui est soutenu, cette interdiction n'a, en tout état de cause, pas le caractère d'une sanction et les sanctions prévues en cas de méconnaissance d'une telle interdiction sont fixées par l'article L. 3136-1 du code de la santé publique. Le moyen tiré de ce que l'article 4 n'aurait pas de base légale ou méconnaîtrait le principe de nécessité des délits et des peines ne peut donc qu'être écarté.

3. Il ressort des pièces du dossier qu'en septembre et octobre 2020, la circulation du virus sur le territoire métropolitain s'était fortement accélérée. Dans la semaine du 19 au 25 octobre, le nombre de cas atteignait 390 en 7 jours pour 100 000 habitants, le nombre d'hospitalisations s'élevait à 12 000 au lieu de 8 000 la semaine précédente, le nombre des admissions en réanimation à 1 800 contre 1 300 la semaine précédente et le nombre des décès à 1 300 au lieu de 870. Les avis scientifiques alors disponibles mettaient en évidence le risque d'une évolution quasi exponentielle du nombre de nouveaux cas et d'une saturation des capacités hospitalières. Le Gouvernement était ainsi fondé à estimer qu'une stricte limitation des déplacements de personnes hors de leur domicile était nécessaire pour enrayer la dynamique de progression du virus. L'article 4 n'entre pas en contradiction avec l'article 1er du même décret, qui prescrit le respect des mesures dites " gestes barrières ". Si la requérante invoque un avis du Haut conseil de la santé publique, il ne ressort pas de celui-ci, rendu le 24 avril 2020 dans la perspective de la levée, alors prochaine, du confinement du printemps, que le respect de ces mêmes gestes aurait suffi à stopper la vague épidémique de l'automne suivant. Enfin, l'article 4 comporte des dérogations pour répondre aux besoins de première nécessité et le moyen tiré de ce qu'elles seraient discriminatoires ou insuffisamment définies n'est pas assorti d'éléments permettant d'apprécier son bien-fondé. Par suite, eu égard à la situation, à ses perspectives et à l'objectif de protection de la santé publique, ainsi qu'au caractère circonscrit dans le temps des mesures en cause, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que les dispositions contestées auraient, à la date à laquelle elles ont été édictées, porté une atteinte excessive à la liberté d'aller et venir et au droit à une vie familiale normale.

4. Il résulte de ce qui précède que la requête doit être rejetée.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme D... A... et au ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré à l'issue de la séance du 17 mars 2022 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; M. Alexandre Lallet, conseiller d'Etat et Mme Myriam Benlolo Carabot, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 26 avril 2022.

Le président :

Signé : M. Bertrand Dacosta

La rapporteure :

Signé : Mme Myriam Benlolo Carabot

La secrétaire :

Signé : Mme B... C...


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 446079
Date de la décision : 26/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 avr. 2022, n° 446079
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Myriam Benlolo Carabot
Rapporteur public ?: M. Laurent Domingo

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:446079.20220426
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