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26/04/2022 | FRANCE | N°443193

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 26 avril 2022, 443193


Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, premièrement, d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le président du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Pontoise sur sa demande de communication de plusieurs documents ainsi que la décision implicite de rejet de sa demande par le garde des sceaux, ministre de la justice et d'enjoindre à ce dernier, sous astreinte et dans un délai de deux mois, de lui communiquer ces documents, deuxièmement, d'annuler la décision implici

te par laquelle le bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau du ...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, premièrement, d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le président du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Pontoise sur sa demande de communication de plusieurs documents ainsi que la décision implicite de rejet de sa demande par le garde des sceaux, ministre de la justice et d'enjoindre à ce dernier, sous astreinte et dans un délai de deux mois, de lui communiquer ces documents, deuxièmement, d'annuler la décision implicite par laquelle le bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau du Val d'Oise a rejeté sa demande de communication des courriers des deux avocats demandant à être déchargés de leur mission au titre de l'aide juridictionnelle et de la copie du règlement intérieur du barreau de Pontoise et d'enjoindre au bâtonnier de lui communiquer ces documents dans un délai de deux mois, troisièmement, d'enjoindre de lui communiquer une copie du protocole ratifié par l'arrêt d'appel RGC n° 15/04489 du 25 octobre 2016, quatrièmement, de procéder à la suppression de passages du mémoire en défense présenté par l'Ordre des avocats au barreau du Val d'Oise et de le condamner solidairement avec la SELARL Verpont avocats au versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1702662, 1707748 du 12 novembre 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a prononcé un non-lieu à statuer sur la demande de M. B... relative à la communication de la copie du règlement intérieur du barreau de Pontoise et rejeté le surplus de ses conclusions.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 août et 23 novembre 2020 et le 15 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses demandes ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses demandes de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de l'Ordre des avocats au barreau du Val d'Oise une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Myriam Benlolo Carabot, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... a demandé, d'une part, au président du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Pontoise et au garde des sceaux, ministre de la justice, de lui communiquer les documents attestant de la nomination des membres du bureau et de la commission qui ont statué sur ses demandes d'aide juridictionnelle et, d'autre part, au bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau du Val d'Oise de lui communiquer le règlement intérieur du barreau de Pontoise et les lettres par lesquels les avocats, désignés par les bureaux d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Pontoise, ont demandé à être déchargés de leur mission ainsi que les réponses apportées à leur demande. A la suite du rejet de ses demandes et de l'avis de la commission d'accès aux documents administratifs du 9 mars 2017, M. B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler les décisions implicites de rejet de ses demandes de communication, d'enjoindre la communication des documents sollicités et de procéder à la suppression de certains propos contenus dans le mémoire en défense de l'Ordre des avocats au barreau du Val d'Oise. M. B... se pourvoit en cassation contre l'article 3 du jugement du 12 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à obtenir la communication du règlement intérieur du barreau de Pontoise et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Sur la fin de non-recevoir soulevée par le Garde des sceaux, ministre de la justice :

2. Il ressort des pièces du dossier que la décision du 27 décembre 2019 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle du Conseil d'Etat a rejeté la demande d'aide juridictionnelle formée par M. B... lui a été notifiée le 17 janvier 2020. Le recours formé par M. B... contre cette décision le 27 janvier 2020, dans le délai de quinze jours prévu par l'article 56 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, alors applicable, a interrompu le délai de recours contentieux, en application des dispositions de l'article 39 du même décret. Le délai a recommencé à courir à compter du 15 février 2020, date à laquelle a été notifiée à M. B... la décision du 7 février 2020 rejetant son recours. Aux termes de l'article 2 de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, applicable devant les juridictions de l'ordre administratif en application des dispositions du I de l'article 15 de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif : " Tout (...) recours, action en justice (...) prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité (...) qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1 sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois. (...) ". La période mentionnée à l'article 1er est celle comprise entre le 12 mars et le 23 juin 2020, ainsi qu'il résulte de cet article tel que modifié par l'article 1er de l'ordonnance du 13 mai 2020 fixant les délais applicables à diverses procédures pendant la période d'urgence sanitaire. Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient le Garde des sceaux, ministre de la justice, le pourvoi de M. B..., enregistré au secrétariat du contentieux Conseil d'Etat le 21 août 2020, n'est pas tardif.

Sur les conclusions du pourvoi :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 311-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l'article L. 300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre. ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 311-2 du même code : " L'administration n'est pas tenue de donner suite aux demandes abusives, en particulier par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique. ".

4. Il ressort des dispositions, mentionnées au point 3, du dernier alinéa de l'article L. 311-2 du code des relations entre le public et l'administration que revêt un caractère abusif la demande qui a pour objet de perturber le bon fonctionnement de l'administration sollicitée ou qui aurait pour effet de faire peser sur elle une charge disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose. Il s'ensuit qu'en jugeant que la demande de communication formulée par M. B... était abusive au motif que la multiplication et le caractère systématique des demandes tendant aux mêmes fins dont il a saisi divers bureaux d'aide juridictionnelle était de nature à perturber le bon fonctionnement du service public et à faire peser sur eux une charge disproportionnée au regard des moyens dont ils disposent, alors qu'il n'était pas contesté que M. B... n'avait saisi le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Pontoise que d'une seule demande de communication, le tribunal administratif a commis une erreur de droit. Il en résulte qu'en estimant que la demande de communication adressée au bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau du Val d'Oise était abusive, par référence aux motifs développés s'agissant de la demande adressée au bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Pontoise, le tribunal administratif a commis une seconde erreur de droit.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 741-2 du code de justice administrative : " Sont également applicables les dispositions des alinéas 3 à 5 de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 ci-après reproduites : " Art. 41, alinéas 3 à 5. - Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux. Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts. (...) ".

6. En rejetant les conclusions indemnitaires présentées par M. B... sur le fondement de l'article L. 741-2 comme irrecevables, au motif qu'elles relevaient d'un litige distinct, alors qu'il ressortait de ses écritures qu'elles étaient présentée sur le fondement des dispositions citées au point 5, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a entaché son jugement d'erreur de droit.

7. Il résulte de ce tout qui précède que M. B... est fondé, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, à demander l'annulation de l'article 3 du jugement qu'il attaque.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat et de l'Ordre des avocats au barreau du Val d'Oise une somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 3 du jugement du 12 novembre 2019 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure au tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Article 3 : L'Etat et l'Ordre des avocats au barreau du Val d'Oise verseront à M. B... une somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B....

Copie en sera adressée au bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau du Val d'Oise et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré à l'issue de la séance du 17 mars 2022 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; M. Alexandre Lallet, conseiller d'Etat et Mme Myriam Benlolo Carabot, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 26 avril 2022.

Le président :

Signé : M. Bertrand Dacosta

La rapporteure :

Signé : Mme Myriam Benlolo Carabot

La secrétaire :

Signé : Mme C... D...


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 26 avr. 2022, n° 443193
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Myriam Benlolo Carabot
Rapporteur public ?: M. Laurent Domingo
Avocat(s) : SCP BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, SEBAGH

Origine de la décision
Formation : 10ème chambre
Date de la décision : 26/04/2022
Date de l'import : 30/04/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 443193
Numéro NOR : CETATEXT000045681037 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2022-04-26;443193 ?
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