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25/04/2022 | FRANCE | N°444616

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 25 avril 2022, 444616


Vu la procédure suivante :

La société SPI a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 2007 et 2008, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2007 au 30 novembre 2008, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1307368 du 21 février 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 17DA00757 du 17 juillet 2020,

la cour administrative d'appel de Douai a, sur appel de la société SPI, prononcé...

Vu la procédure suivante :

La société SPI a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 2007 et 2008, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2007 au 30 novembre 2008, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1307368 du 21 février 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 17DA00757 du 17 juillet 2020, la cour administrative d'appel de Douai a, sur appel de la société SPI, prononcé la décharge, en droits et pénalités, de rappels de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 81 640 euros au titre de la période du 1er janvier 2007 au 30 novembre 2008, réformé en conséquence le jugement du 21 février 2017 et rejeté le surplus des conclusions de la société.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 septembre 2020 et 22 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 de cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la société SPI ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Guiard, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société SPI ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société SPI a fait l'objet de deux vérifications de comptabilité qui, au titre de la taxe sur la valeur ajoutée, ont porté pour la première sur la période du 1er janvier 2007 au 30 novembre 2008 et, pour la seconde, sur la période du seul mois de décembre 2008. À l'issue de ces procédures de contrôle, l'administration a adressé à la société SPI deux propositions de rectification en date du 28 juin 2010 mentionnant, au titre de la période du 1er janvier 2007 au 30 novembre 2008, des droits éludés à hauteur de 189 930 euros et, au titre du mois de décembre 2008, un excédent de taxe d'un montant de 81 640 euros. Par un arrêt du 17 juillet 2020, la cour administrative d'appel de Douai a fait droit à la requête de la société SPI en tant qu'elle tendait à la décharge, par voie de compensation avec cet excédent de taxe, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2007 au 30 novembre 2008 et a, en conséquence, réformé le jugement du tribunal administratif de Lille du 21 février 2017. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance se pourvoit en cassation contre les articles 1er et 2 de cet arrêt.

2. Aux termes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande ". Aux termes de l'article L. 205 du livre des procédures fiscales : " Les compensations de droits prévues aux articles L. 203 et L. 204 sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable à l'encontre duquel l'administration effectue une rectification lorsque ce contribuable invoque une surtaxe commise à son préjudice ou lorsque la rectification fait apparaître une double imposition. "

3. En matière de taxe sur la valeur ajoutée, la compensation ne peut s'effectuer entre des impositions qui ne sont pas dues par le contribuable et des impositions qui avaient été initialement omises par l'administration que lorsque chacune de ces impositions est relative à la période couverte par un même avis de mise en recouvrement.

4. Il résulte des termes de l'arrêt attaqué que, pour admettre la demande de compensation entre les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société SPI au titre de la période du 1er janvier 2007 au 30 novembre 2008 et l'excédent de taxe d'un montant de 81 640 euros constaté par le service au titre du mois de décembre 2008, la cour a jugé que la double circonstance, d'une part, que la société SPI avait formellement fait l'objet de deux vérifications de comptabilité portant sur cette première et cette seconde période, et, d'autre part, que l'avis de mise en recouvrement du 5 mars 2013 ne portait que sur la première période, ne faisait pas obstacle à ce que cette société puisse valablement solliciter la compensation entre les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société au titre du 1er janvier 2007 au 30 novembre 2008 et l'excédent de taxe constaté au titre du mois de décembre 2008. En statuant ainsi, alors que l'excédent de taxe sur la valeur ajoutée ne relevait pas de la période d'imposition couverte par l'avis de mise en recouvrement du 5 mars 2013, la cour a fait une application erronée des dispositions précitées de l'article L. 205 du livre des procédures fiscales. Par suite, les articles 1er et 2 de l'arrêt attaqué, par lesquels les juges d'appel ont fait droit aux conclusions à fin de compensation présentées par la société SPI, doivent être annulés.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 80 du livre des procédures fiscales : " L'administration peut effectuer toutes les compensations entre l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés, la contribution prévue à l'article 234 nonies code général des impôts, la taxe d'apprentissage, la taxe sur les salaires, la cotisation perçue au titre de la participation des employeurs à l'effort de construction, établis au titre d'une même année. / Des compensations peuvent être pratiquées dans les mêmes conditions en ce qui concerne les droits d'enregistrement, la taxe de publicité foncière exigible sur les actes qui donnent lieu à la formalité fusionnée en application de l'article 647 du code général des impôts et les droits de timbre, perçus au profit de l'Etat. / Les compensations de droits sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable qui a fait l'objet d'une rectification lorsqu'il démontre qu'une taxation excessive a été établie à son détriment ou lorsque la rectification fait apparaître une double imposition. "

7. Il résulte des termes mêmes de ces dispositions que l'administration n'est pas autorisée, sur leur fondement, à opérer des compensations en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, la société SPI ne peut utilement s'en prévaloir à l'appui de ses conclusions à fin de décharge par voie de compensation entre les rappels litigieux de taxe sur la valeur ajoutée et l'excédent de taxe constaté par l'administration fiscale.

8. En second lieu, il résulte de ce qui a été exposé aux points 3 et 4 ci-dessus que la société requérante n'est pas fondée à solliciter, sur le fondement de l'article L. 205 du livre des procédures fiscales, la compensation entre les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2007 au 30 novembre 2008 et l'excédent de taxe sur la valeur ajoutée constaté au titre du mois de décembre 2008, dès lors que ces rappels et cet excédent de taxe sur la valeur ajoutée ne sont pas relatifs à une période d'imposition couverte par un même avis de mise en recouvrement.

9. Il résulte de ce qui précède que la société SPI n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement du 21 février 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions à fin de compensation.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 1er et 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 17 juillet 2020 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions à fin de compensation présentées devant la cour par la société SPI sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société SPI au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la société SPI.

Délibéré à l'issue de la séance du 6 avril 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. G... F..., M. Bertrand Dacosta, présidents de chambre ; Mme A... K..., M. D... E..., Mme H... B..., M. J... C..., M. Alain Seban, conseillers d'Etat et M. Olivier Guiard, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 25 avril 2022.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. Olivier Guiard

La secrétaire :

Signé : Mme I... L...


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT - COMPENSATION - TVA – POSSIBILITÉ DE COMPENSATION ENTRE LES IMPOSITIONS RELATIVES À LA MÊME PÉRIODE [RJ1] – NOTION DE PÉRIODE – PÉRIODE COUVERTE PAR UN MÊME AMR.

19-01-03-05 En matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), la compensation ne peut s’effectuer entre des impositions qui ne sont pas dues par le contribuable et des impositions qui avaient été initialement omises par l’administration que lorsque chacune de ces impositions est relative à la période couverte par un même avis de mise en recouvrement (AMR).

CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILÉES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE - POSSIBILITÉ DE COMPENSATION ENTRE LES IMPOSITIONS RELATIVES À LA MÊME PÉRIODE [RJ1] – NOTION DE PÉRIODE – PÉRIODE COUVERTE PAR UN MÊME AMR.

19-06-02 En matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), la compensation ne peut s’effectuer entre des impositions qui ne sont pas dues par le contribuable et des impositions qui avaient été initialement omises par l’administration que lorsque chacune de ces impositions est relative à la période couverte par un même avis de mise en recouvrement (AMR).


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 16 juin 1976, Société Etablissements Roy et Fils, Carrières de la Noubleau et de la Garaudière Réunies, n°s 79712 79713, T. pp. 834-902 ;

CE, 24 octobre 1980, SCI Monge fer à moulin, n° 16078, T. pp. 657-712.


Publications
Proposition de citation: CE, 25 avr. 2022, n° 444616
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Guiard
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Date de la décision : 25/04/2022
Date de l'import : 31/05/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 444616
Numéro NOR : CETATEXT000045666542 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2022-04-25;444616 ?
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