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22/04/2022 | FRANCE | N°459103

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 22 avril 2022, 459103


Vu la procédure suivante :

M. E... A... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2015 ainsi que des pénalités et intérêts correspondants. Par un jugement n° 1807884 du 20 novembre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 20PA00032 du 13 octobre 2021, la cour administrative d'appel de Paris a, d'une part, refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conform

ité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 150-0 D ...

Vu la procédure suivante :

M. E... A... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2015 ainsi que des pénalités et intérêts correspondants. Par un jugement n° 1807884 du 20 novembre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 20PA00032 du 13 octobre 2021, la cour administrative d'appel de Paris a, d'une part, refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 150-0 D bis du code général des impôts et, d'autre part, rejeté leur appel contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 décembre 2021 et 2 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... et Mme C... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Martin Guesdon, auditeur,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. A... et Mme C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil Constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

3. Aux termes de l'article 1758 A du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Le retard ou le défaut de souscription des déclarations qui doivent être déposées en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu ainsi que les inexactitudes ou les omissions relevées dans ces déclarations, qui ont pour effet de minorer l'impôt dû par le contribuable ou de majorer une créance à son profit, donnent lieu au versement d'une majoration égale à 10 % des droits supplémentaires ou de la créance indue. / II. - Cette majoration n'est pas applicable : / a) En cas de régularisation spontanée ou lorsque le contribuable a corrigé sa déclaration dans un délai de trente jours à la suite d'une demande de l'administration (...) ".

4. Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

5. En réprimant les inexactitudes ou les omissions relevées dans les déclarations mentionnées au I de l'article 1758 A du code général des impôts et en disposant que la majoration prévue à cet article ne trouve pas à s'appliquer, notamment lorsque le contribuable a corrigé sa déclaration dans un délai de trente jours à la suite d'une demande de l'administration, le législateur a entendu prévenir et sanctionner certains manquements aux obligations déclaratives des contribuables dont le respect est nécessaire à la liquidation de l'impôt, tout en modulant les peines en fonction de la gravité du comportement des contribuables concernés. D'une part, s'il en résulte une différence de traitement entre les contribuables ayant corrigé leur déclaration dans un délai de trente jours à la suite d'une demande de l'administration et ceux qui, n'ayant pas été destinataires d'une telle demande, ne l'ont pas corrigée, cette différence de traitement est justifiée par une différence de situation et est en rapport direct avec l'objet de la loi. D'autre part, le principe d'égalité devant la procédure pénale ne saurait être utilement invoqué à l'encontre des dispositions contestées, qui ne relèvent pas de la procédure pénale.

6. Il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Par suite, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

Sur les autres moyens du pourvoi :

7. Pour demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent, M. A... et Mme C... soutiennent que la cour administrative d'appel de Paris :

- l'a insuffisamment motivé et a commis une erreur de droit et une erreur de qualification juridique des faits en jugeant que les dispositions de l'article 150-0 D bis du code général des impôts ne portaient atteinte ni au principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ni au principe de garantie des droits garanti par l'article 16 de cette Déclaration ;

- a commis une erreur de droit en jugeant que la circonstance que la condition de réinvestissement posée par les dispositions de l'article 150-0 D bis du code général des impôts s'apprécie avant l'application des abattements pour durée de détention ne méconnaissait pas l'article 1er du premier protocole à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- a commis une erreur de droit en jugeant que la majoration prévue à l'article 1758 A du code général des impôts était applicable alors qu'ils n'ont pas été invités par l'administration fiscale à corriger leur déclaration ;

- a commis une erreur de droit en jugeant que les dispositions de l'article 1758 A du code général des impôts ne méconnaissaient pas les stipulations des articles 6, 7 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A... et Mme C....

Article 2 : Le pourvoi de M. Nucera et de Mme Verraux n'est pas admis.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. E... A... et Mme B... C....

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré à l'issue de la séance du 24 mars 2022 où siégeaient : M. Guillaume Goulard, président de chambre, présidant ; M. Stéphane Verclytte, conseiller d'Etat et M. Martin Guesdon, auditeur-rapporteur.

Rendu le 22 avril 2022.

Le président :

Signé : M. Guillaume Goulard

Le rapporteur :

Signé : M. Martin Guesdon

La secrétaire :

Signé : Mme D... F...


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 22 avr. 2022, n° 459103
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Martin Guesdon
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Formation : 3ème chambre
Date de la décision : 22/04/2022
Date de l'import : 26/04/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 459103
Numéro NOR : CETATEXT000045640060 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2022-04-22;459103 ?
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