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22/04/2022 | FRANCE | N°452906

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 22 avril 2022, 452906


Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'une part, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 8 avril 2021 par lequel la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation l'a exclu de ses fonctions de technicien de recherche et de formation au rectorat de l'académie de Poitiers pour une durée de deux ans et, d'autre part, d'enjoindre à cette ministre de le réintégrer et de régulariser sa situation administrative, dans un délai d'un

mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 eur...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'une part, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 8 avril 2021 par lequel la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation l'a exclu de ses fonctions de technicien de recherche et de formation au rectorat de l'académie de Poitiers pour une durée de deux ans et, d'autre part, d'enjoindre à cette ministre de le réintégrer et de régulariser sa situation administrative, dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2101077 du 7 mai 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 mai et 9 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à ses demandes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Rose-Marie Abel, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par un arrêté du 8 avril 2021, la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation a infligé à M. B... la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de ses fonctions de technicien de recherche et de formation au rectorat de l'académie de Poitiers, pour une durée de deux ans. Par une ordonnance du 7 mai 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande de M. B... tendant, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l'exécution de cet arrêté. M. B... se pourvoit en cassation contre cette ordonnance.

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ".

3. Aux termes du premier alinéa de l'article 4 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique de l'Etat : " Le fonctionnaire poursuivi est convoqué par le président du conseil de discipline quinze jours au moins avant la date de réunion, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. ". Le délai de quinze jours mentionné par ces dispositions constitue pour l'agent concerné une garantie visant à lui permettre de préparer utilement sa défense. Par suite, la méconnaissance de ce délai a pour effet de vicier la consultation du conseil de discipline, sauf s'il est établi que l'agent a été informé de la date du conseil de discipline, au moins quinze jours à l'avance, par d'autres voies.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la lettre recommandée par laquelle M. B... a été convoqué devant la commission administrative paritaire nationale siégeant en formation disciplinaire lui a été notifiée le 7 octobre 2020, soit moins de quinze jours avant la tenue de ce conseil de discipline, le 16 octobre 2020, et qu'il n'a pas été avisé de la date de ce conseil de discipline par d'autres voies. Dans ces conditions, il résulte de ce qui a été dit au point 2 qu'en jugeant que le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure ayant conduit à l'édiction de la décision attaquée n'était pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a commis une erreur de droit. M. B... est fondé à demander, pour ce motif, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé et de statuer sur la demande de suspension présentée par M. B... en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. En premier lieu, l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il résulte de l'instruction que l'arrêté du 8 avril 2021 par lequel la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation a prononcé à l'encontre de M. B... la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans a pour effet de priver M. B... de tout revenu. Il s'ensuit que la condition d'urgence doit être regardée comme remplie.

7. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que le moyen tiré de ce que l'arrêté du 8 avril 2021 a été rendu au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le délai de convocation devant le conseil de discipline, fixé par les dispositions de l'article 4 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat, n'a pas été respecté est, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée.

8. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à demander la suspension de l'exécution de l'arrêté du 8 avril 2021 par lequel la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 7 mai 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Poitiers est annulée.

Article 2 : L'exécution de l'arrêté du 8 avril 2021 de la ministre de de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation prononçant à l'encontre de M. B... la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans est suspendue.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... et à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

Délibéré à l'issue de la séance du 24 mars 2022 où siégeaient : M. Guillaume Goulard, président de chambre, présidant ; M. Stéphane Verclytte, conseiller d'Etat et Mme Rose-Marie Abel, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 22 avril 2022.

Le président :

Signé : M. Guillaume Goulard

La rapporteure :

Signé : Mme Rose-Marie Abel

La secrétaire :

Signé : Mme C... D...


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 452906
Date de la décision : 22/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 avr. 2022, n° 452906
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Rose-Marie Abel
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Avocat(s) : SCP BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, SEBAGH

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:452906.20220422
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