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19/04/2022 | FRANCE | N°449267

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 19 avril 2022, 449267


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er février 2021 et 4 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat national des enseignements de second degré (SNES) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 1er du décret n° 2020-1524 du 5 décembre 2020 portant création d'une prime d'équipement informatique allouée aux personnels enseignants du ministère chargé de l'éducation et aux psychologues de l'éducation nationale ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 e

uros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er février 2021 et 4 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat national des enseignements de second degré (SNES) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 1er du décret n° 2020-1524 du 5 décembre 2020 portant création d'une prime d'équipement informatique allouée aux personnels enseignants du ministère chargé de l'éducation et aux psychologues de l'éducation nationale ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret no 72-581 du 4 juillet 1972 ;

- le décret n° 2014-940 du 20 août 2014 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Martin Guesdon, auditeur,

- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat requérant doit être regardé, eu égard à la teneur de son argumentation, comme demandant l'annulation pour excès de pouvoir des dispositions du premier alinéa de l'article 1er du décret du 5 décembre 2020 portant création d'une prime d'équipement informatique allouée aux personnels enseignants du ministère chargé de l'éducation et aux psychologues de l'éducation nationale, en tant qu'elles excluent du bénéfice de cette prime annuelle les professeurs de la discipline de documentation.

Sur la légalité externe :

2. En premier lieu, contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, la création d'une indemnité au profit de fonctionnaires de l'Etat ne requiert pas l'intervention d'un décret en Conseil d'Etat.

3. En second lieu, si le syndicat requérant soutient que l'avis du comité technique de l'éducation nationale en date du 27 novembre 2020 concernant le décret attaqué aurait été émis dans des conditions irrégulières, il n'assortit pas ce moyen des précisions qui permettraient d'en apprécier le bien-fondé.

Sur la légalité interne :

4. Aux termes de l'article 1er du décret du 5 décembre 2020 : " Une prime d'équipement informatique est attribuée aux psychologues de l'éducation nationale stagiaires et titulaires et aux enseignants stagiaires et titulaires relevant du ministère chargé de l'éducation nationale, qui exercent des missions d'enseignement, à l'exception des professeurs de la discipline de documentation. / Les agents contractuels exerçant les missions des corps mentionnés au premier alinéa et relevant du décret du 29 août 2016 susvisé perçoivent la prime d'équipement informatique, sous réserve de bénéficier d'un contrat à durée indéterminée, d'un contrat à durée déterminée d'une durée d'au moins un an ou de contrats successifs d'une durée cumulée d'au moins un an sous réserve que l'interruption entre deux contrats n'excède pas quatre mois. / Les personnels visés aux premier et deuxième alinéas qui exercent à temps partiel ou à temps incomplet perçoivent la prime à taux plein ".

5. Aux termes du premier alinéa de l'article 4 du décret du 4 juillet 1972 : " Les professeurs certifiés participent aux actions d'éducation, principalement en assurant un service d'enseignement dans les établissements du second degré et dans les établissements de formation. Dans ce cadre, ils assurent le suivi individuel et l'évaluation des élèves et contribuent à les conseiller dans le choix de leur projet d'orientation ". Aux termes de l'article 2 du décret du 20 août 2014 : " Dans le cadre de la réglementation applicable à l'ensemble des fonctionnaires en matière de temps de travail et dans celui de leurs statuts particuliers respectifs, les enseignants mentionnés à l'article 1er du présent décret sont tenus d'assurer, sur l'ensemble de l'année scolaire : / I. - Un service d'enseignement dont les maxima hebdomadaires sont les suivants : / (...) 3° Professeurs certifiés, adjoints d'enseignement et professeurs de lycée professionnel : dix-huit heures ; / (...) II. - Les missions liées au service d'enseignement qui comprennent les travaux de préparation et les recherches personnelles nécessaires à la réalisation des heures d'enseignement, l'aide et le suivi du travail personnel des élèves, leur évaluation, le conseil aux élèves dans le choix de leur projet d'orientation en collaboration avec les personnels d'éducation et d'orientation, les relations avec les parents d'élèves, le travail au sein d'équipes pédagogiques constituées d'enseignants ayant en charge les mêmes classes ou groupes d'élèves ou exerçant dans le même champ disciplinaire. (...) III. - Par dérogation aux dispositions des I et II du présent article, les professeurs de la discipline de documentation et les professeurs exerçant dans cette discipline sont tenus d'assurer : / - un service d'information et documentation, d'un maximum de trente heures hebdomadaires. / Ce service peut comprendre, avec accord de l'intéressé, des heures d'enseignement. Chaque heure d'enseignement est décomptée pour la valeur de deux heures pour l'application du maximum de service prévu à l'alinéa précédent ; / - six heures consacrées aux relations avec l'extérieur qu'implique l'exercice de cette discipline ".

6. L'égalité de traitement à laquelle ont droit les fonctionnaires d'un même corps ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes, en particulier en instituant des régimes indemnitaires tenant compte de fonctions, de responsabilités ou de sujétions particulières, ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un comme dans l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit. Ainsi, la circonstance que des fonctionnaires appartiennent à un même corps ne s'oppose pas à ce que le régime indemnitaire qui leur est applicable puisse différer, en raison de différences dans les conditions d'exercice de leurs fonctions.

7. Les professeurs certifiés de la discipline de documentation qui exercent à titre principal des fonctions de documentalistes et de relations avec l'extérieur dans les centres de documentation et d'information des établissements du second degré exercent leur service dans des conditions différentes de celles des professeurs certifiés qui assurent, en classe, des fonctions d'enseignement impliquant, en sus des heures de cours, la préparation de ceux-ci, la correction des travaux et l'évaluation des élèves. De plus, il n'est pas contesté que, comme le soutient l'administration, les professeurs documentalistes ont systématiquement accès à des postes informatiques fixes pour assurer leurs missions dans le cadre de leur service dans les centres de documentation et d'information, ce qui n'est pas le cas pour les autres professeurs certifiés qui assurent une partie de leurs obligations de service en dehors des établissements scolaires. Dans ces conditions, eu égard aux conditions d'exercice de leurs fonctions, le pouvoir réglementaire n'a pas méconnu le principe d'égalité en excluant les professeurs de la discipline de documentation du bénéfice de la prime annuelle d'équipement informatique instituée par le décret attaqué, compte tenu de l'objet de cette prime, quand bien même ces fonctionnaires appartiennent au même corps que les autres professeurs certifiés.

8. Il s'ensuit que le syndicat requérant n'est pas fondé à soutenir que les dispositions du décret attaqué porteraient atteinte au principe d'égalité de traitement entre les fonctionnaires appartenant à un même corps ou méconnaîtraient le principe de non-discrimination garanti par le droit de l'Union européenne.

9. Le moyen tiré de ce que le décret attaqué serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation n'est pas davantage fondé et ne peut qu'être écarté. Il en va de même, en tout état de cause, pour le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 312-9 du code de l'éducation.

10. Enfin, le syndicat ne saurait utilement soutenir que les dispositions qu'il conteste méconnaîtraient l'article 28 de la loi du 13 juillet 1983 ou l'article L. 931-1 du code de l'éducation.

11. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation du syndicat requérant doivent être rejetées. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font alors obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête du syndicat national des enseignements de second degré est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat national des enseignements de second degré, au Premier ministre, au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 449267
Date de la décision : 19/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 avr. 2022, n° 449267
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Martin Guesdon
Rapporteur public ?: M. Laurent Cytermann

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:449267.20220419
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