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14/04/2022 | FRANCE | N°452251

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 14 avril 2022, 452251


Vu la procédure suivante :

La société civile immobilière (SCI) C... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2010. Par un jugement n° 1510002 du 12 juillet 2018, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18DA01860 du 4 mars 2021, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par la société C... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en répli

que, enregistrés les 4 mai 2021, 19 juillet 2021 et 30 mars 2022 au secrétariat du contenti...

Vu la procédure suivante :

La société civile immobilière (SCI) C... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2010. Par un jugement n° 1510002 du 12 juillet 2018, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18DA01860 du 4 mars 2021, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par la société C... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 mai 2021, 19 juillet 2021 et 30 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n°67-837 du 28 septembre 1967 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François-René Burnod, auditeur,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société C... ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 4 avril 2022, présentée par la société C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société C..., détenue à 70% par M. et Mme C..., a conclu le 17 mars 1995, pour une durée de quinze ans, un contrat de crédit-bail immobilier avec la société immobilière pour le commerce et l'industrie (SICOMI) UCB-Locabail portant sur l'exploitation d'un terrain et d'immeubles à usage industriel et de bureaux. La SCI a sous-loué ces locaux à trois sociétés qui détenaient chacune 10% des parts de cette société. A la suite de la liquidation judiciaire de ces trois sociétés, la société a sous-loué ces locaux à la société à responsabilité limitée Cardon Scholtès dont les parts ont été cédées à une société de droit belge Stockfresh détenue par la société de droit belge MGS indirectement détenue par M. et Mme C.... Au terme du contrat de crédit-bail, la société C... a levé l'option d'achat de ces biens pour le montant stipulé de quinze centimes d'euro. A la suite d'une vérification de comptabilité portant sur la période comprise entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2010, l'administration a considéré que la société C... ne pouvait bénéficier, à l'occasion de cette acquisition, de l'application des dispositions du deuxième alinéa du I de l'article 239 sexies du code général des impôts qui prévoient un régime dérogatoire favorable de réintégration dans les résultats de l'exercice des loyers versés au titre d'un contrat de crédit-bail conclu avec une société immobilière pour le commerce et l'industrie lorsque la durée du contrat de crédit-bail est d'au moins quinze ans. En conséquence, elle a mis à la charge de la société une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2010 correspondant à la réintégration dans son résultat imposable de la fraction des loyers versés selon les modalités de droit commun. Par un jugement du 12 juillet 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de la société C... rendant à la décharge de cette imposition. La société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 4 mars 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel qu'elle a formé contre ce jugement.

2. En premier lieu, d'une part, aux termes du I de l'article 239 sexies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Lorsque le prix d'acquisition, par le locataire, de l'immeuble pris en location par un contrat de crédit-bail est inférieur à la valeur résiduelle de cet immeuble dans les écritures de la société immobilière pour le commerce et l'industrie bailleresse, le locataire acquéreur est tenu de réintégrer, dans les bénéfices de son entreprise afférents à l'exercice en cours au moment de la cession, la fraction des loyers versés pendant la période au cours de laquelle l'intéressé a été titulaire du contrat et correspondant à la différence entre ladite valeur résiduelle et le prix de cession de l'immeuble. / Toutefois, lorsque la durée du contrat de crédit-bail est d'au moins quinze ans, cette réintégration est limitée à la différence entre le prix de revient du terrain sur lequel la construction a été édifiée et le prix de cession de l'immeuble au locataire. / Cette disposition ne s'applique pas aux opérations conclues à compter du 1er janvier 1991 autres que celles mentionnées au deuxième alinéa du 3° quater de l'article 208 ". Aux termes du deuxième alinéa du 3° quater de l'article 208 du même code, sont visées les opérations de crédit-bail réalisées en France par des sociétés immobilières pour le commerce et l'industrie ayant exercé une option avant le 1er juillet 1991, conclues avant le 1er janvier 1996 et portant sur des immeubles affectés à une activité industrielle ou commerciale autres que les locaux à usage de bureau. Aux termes des dispositions de l'article 239 sexies B du même code : " Les dispositions du premier alinéa du I et celles du paragraphe II de l'article 239 sexies sont applicables aux locataires qui acquièrent des immeubles qui leur sont donnés en crédit-bail par des sociétés ou organismes autres que des sociétés immobilières pour le commerce et l'industrie ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 5 de l'ordonnance du 28 septembre 1967 relative aux opérations de crédit-bail et aux sociétés immobilières pour le commerce et l'industrie : " Peuvent seules être autorisées à prendre et à conserver la dénomination de "sociétés immobilières pour le commerce et l'industrie" les sociétés qui satisfont aux conditions suivantes : (...) b) Avoir pour objet exclusif la location d'immeubles à usage professionnel. La propriété des immeubles loués peut être transférée aux utilisateurs dans le cadre d'un contrat de crédit-bail ". Aux termes des dispositions de l'article 6 de cette même ordonnance : " a) Les sociétés immobilières pour le commerce et l'industrie sont exonérées de l'impôt sur les sociétés pour la fraction de leur bénéfice net provenant de la location de leurs immeubles ainsi que pour les plus-values dégagées par la cession de ces immeubles dans le cadre d'opérations de crédit-bail (...) ".

4. Il résulte des dispositions citées au point 2 que seules les opérations de crédit-bail réalisées avec une société immobilière pour le commerce et l'industrie avant le 1er janvier 1996 ouvrent droit pour le crédit-preneur à l'application du régime de faveur prévu par le deuxième alinéa du I de l'article 239 sexies du code général des impôts lui permettant, lors de l'acquisition de l'immeuble, de limiter la réintégration dans son résultat imposable des loyers versés en cours de bail à la seule différence entre le prix de revient du terrain sur lequel la construction a été édifiée et le prix de cession de l'immeuble acquis. Le bénéfice de ce régime de faveur est subordonné à la condition que l'opération de crédit-bail respecte les dispositions de l'article 5 de l'ordonnance du 28 septembre 1967, citées au point 3, et que la propriété des immeubles loués soit transférée à la société qui utilise effectivement les locaux ayant fait l'objet du crédit-bail. Tel n'est pas le cas si le crédit-preneur sous-loue ces locaux. Par suite, en jugeant que l'administration avait pu, à bon droit, remettre en cause le bénéfice du régime de faveur prévu par le deuxième alinéa du I de l'article 239 sexies du code général des impôts à l'opération de crédit-bail résultant du contrat conclu entre la société C... et la société UCB-Locabail en raison de la sous-location des biens pris en location, la cour administrative d'appel de Douai n'a pas commis d'erreur de droit.

5. En second lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société C... a invoqué, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le bénéfice de l'interprétation de la loi fiscale donnée par une instruction du 28 mai 1970, publiée le 9 juin 1970 au bulletin officiel de la direction générale des impôts sous la référence référencée 4 H-11-70, selon laquelle, par exception au principe selon lequel les sociétés immobilières pour le commerce et d'industrie ne peuvent " insérer dans leurs contrats une clause autorisant le locataire à sous-louer tout ou partie de l'immeuble faisant l'objet du bail ", il est possible d'admettre ce mode d'intervention en cas de " sous-location entre deux sociétés faisant partie d'un même groupe ou unies par des liens de filiation au sens de l'article 145 du code général des impôts ".

6. Pour juger que la société C... ne pouvait se prévaloir du bénéfice de ces énonciations, la cour administrative d'appel de Douai s'est fondée sur ce que la notion de groupe de sociétés devait s'entendre des sociétés constituant un groupe fiscal intégré au sens des articles 223 A et suivants du code général des impôts. En statuant ainsi, alors que ces dernières dispositions, issues de la loi du 30 décembre 1987 de finances pour 1988, n'étaient pas en vigueur à la date de l'instruction du 28 mai 1970 et que, par suite, le terme " groupe " employé par cette instruction ne pouvait être lu comme renvoyant à cette notion, la cour administrative d'appel de Douai a commis une erreur de droit.

7. Toutefois, les commentaires énoncés au point 5 donnent une interprétation des dispositions applicables au régime fiscal des sociétés immobilières pour le commerce et l'industrie issu des dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 28 septembre 1967 et non une interprétation des dispositions de l'article 239 sexies applicables au crédit-preneur en cas de levée de l'option d'achat. La société ne pouvait, dès lors, s'en prévaloir à l'encontre des impositions contestées. Ce motif, qui n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué au motif erroné retenu par l'arrêt attaqué, dont il justifie le dispositif.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société C... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société C... est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société civile immobilière C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré à l'issue de la séance du 4 avril 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. J... D..., M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. H... L..., M. E... K..., M. I... G..., M. B... M..., M. Jonathan Bosredon, conseillers d'Etat et M. François-René Burnod, auditeur-rapporteur.

Rendu le 14 avril 2022.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. François-René Burnod

La secrétaire :

Signé : Mme A... F...


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 452251
Date de la décision : 14/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 14 avr. 2022, n° 452251
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François-René Burnod
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:452251.20220414
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