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14/04/2022 | FRANCE | N°450459

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 14 avril 2022, 450459


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 8 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution du 17 février 2021 ;

2°) d'enjoindre à cette autorité d'entamer une procédure de sanction à l'encontre de la société HSBC Continental Europe ;

3°) de mettre à la charge de cette autorité la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu l

es autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive (UE) 2015/849 du Parlement Européen et du Con...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 8 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution du 17 février 2021 ;

2°) d'enjoindre à cette autorité d'entamer une procédure de sanction à l'encontre de la société HSBC Continental Europe ;

3°) de mettre à la charge de cette autorité la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive (UE) 2015/849 du Parlement Européen et du Conseil du 20 mai 2015 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code monétaire et financier ;

- l'arrêté du 2 septembre 2009 pris en application de l'article R. 561-12 du code monétaire et financier et définissant des éléments d'information liés à la connaissance du client et de la relation d'affaires aux fins d'évaluation des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ;

Considérant ce qui suit :

Sur le cadre juridique :

1. D'une part, aux termes de l'article L. 561-5 du code monétaire et financier : " I. - Avant d'entrer en relation d'affaires avec leur client ou de l'assister dans la préparation ou la réalisation d'une transaction, les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 : / 1° Identifient leur client et, le cas échéant, le bénéficiaire effectif au sens de l'article L. 561-2-2 ; / 2° Vérifient ces éléments d'identification sur présentation de tout document écrit à caractère probant. (...) " Aux termes de l'article L. 561-5-1 du même code : " Avant d'entrer en relation d'affaires, les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 recueillent les informations relatives à l'objet et à la nature de cette relation et tout autre élément d'information pertinent. Elles actualisent ces informations pendant toute la durée de la relation d'affaires. (...) " Aux termes de l'article L. 561-10 du même code : " Les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 appliquent des mesures de vigilance complémentaires à l'égard de leur client, en sus des mesures prévues aux articles L. 561-5 et L. 561-5-1, lorsque : / 1° Le client, le cas échéant son bénéficiaire effectif, le bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie ou de capitalisation, le cas échéant son bénéficiaire effectif, est une personne qui est exposée à des risques particuliers en raison des fonctions politiques, juridictionnelles ou administratives qu'elle exerce ou a exercées ou de celles qu'exercent ou ont exercées des membres directs de sa famille ou des personnes connues pour lui être étroitement associées ou le devient en cours de relation d'affaires (...). " Enfin, aux termes de l'article L. 561-10-1 du code monétaire et financier : " Lorsque le risque de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme présenté par une relation d'affaires, un produit ou une opération leur paraît élevé, les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 mettent en œuvre les dispositions des articles L. 561-5, L. 561-5-1 et L. 561-6 sous la forme de mesures de vigilance renforcées. "

2. Il résulte de ces dispositions que si une personne mentionnée à l'article L. 561-2 du code monétaire et financier considère qu'une de ses relations d'affaires présente un risque élevé de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme, et quand bien même cette relation d'affaires n'entrerait pas dans le champ du 1° de l'article L. 561-10, elle doit mettre en œuvre les mesures de vigilance renforcées prévues à l'article L. 561-10-1, similaires aux mesures de vigilance complémentaires prévues à l'article L. 561-10.

3. D'autre part, aux termes du I de l'article L. 612-1 du code monétaire et financier : " L'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution veille à la préservation de la stabilité du système financier et à la protection des clients, assurés, adhérents et bénéficiaires des personnes soumises à son contrôle. ". En vertu du IV du même article, elle dispose, pour l'accomplissement de ses missions " d'un pouvoir de contrôle, du pouvoir de prendre des mesures de police administrative et d'un pouvoir de sanction ".

Sur le litige :

4. Il ressort des pièces du dossier que M. D..., fondateur et président de la société E..., s'est vu à ce titre considéré par la banque HSBC Continental Europe, dont il est le client, comme une personne, dite " politiquement exposée ", mentionnée au 1° de l'article L. 561-10 du code monétaire et financier cité ci-dessus. Cette dernière lui a par conséquent demandé, par courriel du 8 décembre 2020, de lui adresser son dernier avis d'imposition ainsi que de compléter une fiche d'information relative à son activité et à son patrimoine. Estimant ne pas relever de la catégorie des personnes politiquement exposées et s'être vu demander à tort ces informations, M. D... a demandé à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, par courriels des 20 et 30 décembre 2020, qu'elle lui apporte une réponse documentée sur la démarche de la banque. L'Autorité lui a indiqué la législation et la réglementation applicables par courriel du 19 janvier 2021, à la suite duquel M. D... lui a demandé, le 24 janvier suivant, d'intervenir auprès de la société HSBC Continental Europe et, le cas échéant, de saisir la commission des sanctions à son encontre. Par courrier en date du 17 février 2021, le président désigné de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution a informé M. D... que sa demande avait été examinée lors de la séance du collège de supervision du 9 février, et que ce dernier avait considéré que les éléments communiqués ne caractérisaient pas un manquement aux dispositions du code monétaire et financier et n'étaient pas de nature à justifier l'ouverture d'une procédure de sanction à l'encontre de la société HSBC Continental Europe.

5. M. D... demande l'annulation de cette décision du 17 février 2021 et qu'il soit enjoint à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution d'entamer une procédure de sanction à l'encontre de la société HSBC Continental Europe.

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". La décision prise par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution a été prise en réponse à la demande de M. D.... Il résulte des termes mêmes de ces dispositions que M. D... ne pouvait, en tout état de cause, s'en prévaloir. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution aurait méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure.

7. En deuxième lieu, il appartient à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, investie par les dispositions de l'article L. 612-1 du code monétaire et financier d'un pouvoir de sanction qu'elle peut exercer de sa propre initiative ou à la suite d'une plainte, de décider, lorsqu'elle est saisie par un tiers de faits de nature à motiver la mise en œuvre de ce pouvoir, et après avoir procédé à leur examen, des suites à donner à la plainte. L'Autorité dispose, à cet effet, d'un large pouvoir d'appréciation et peut tenir compte de la gravité des manquements allégués au regard de la législation ou de la réglementation qu'elle est chargée de faire appliquer, du sérieux des indices relatifs à ces faits, de la date à laquelle ils ont été commis, du contexte dans lequel ils l'ont été et, plus généralement, de l'ensemble des intérêts généraux dont elle a la charge. La décision qu'elle prend, lorsqu'elle refuse de donner suite à la plainte, a le caractère d'une décision administrative que le juge de l'excès de pouvoir peut annuler en cas d'erreur de fait ou de droit, d'erreur manifeste d'appréciation ou de détournement de pouvoir.

8. Il ressort des pièces du dossier que l'activité de la société E..., que préside M. D..., consiste notamment en du lobbying auprès des pouvoirs publics. Dès lors et compte tenu de ce qui a été dit, notamment au point 2, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution a pu estimer que la circonstance que M. D... soit classé par sa banque, en application des normes propres à celle-ci, dans une catégorie de risque élevé de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme en raison de sa profession, et qu'en conséquence elle avait pu lui demander des informations de même nature que celles demandées aux personnes politiquement exposées, n'était pas de nature à justifier l'ouverture d'une procédure de sanction à son encontre. En outre, bien que l'établissement bancaire ait indiqué par erreur à M. D... qu'il le considérait comme une personne politiquement exposée, il résulte de ce qui précède que cette qualification est sans incidence sur l'appréciation portée par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution sur les faits de l'espèce. Par suite, le moyen d'erreur de fait doit être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque. Sa requête doit, par suite, être rejetée, y compris, en conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de M. D... la somme de 3 000 euros à verser à ce titre à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : M. D... versera la somme de 3 000 euros à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... D... et à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré à l'issue de la séance du 24 mars 2022 où siégeaient : M. Frédéric Aladjidi, président de chambre, présidant ; M. Thomas Andrieu, conseiller d'Etat et M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 14 avril 2022.

Le président :

Signé : M. Frédéric Aladjidi

Le rapporteur :

Signé : M. Nicolas Polge

La secrétaire :

Signé : Mme C... A...


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 450459
Date de la décision : 14/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 14 avr. 2022, n° 450459
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Nicolas Polge
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO et GOULET

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:450459.20220414
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