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14/04/2022 | FRANCE | N°442646

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 14 avril 2022, 442646


Vu la procédure suivante :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler la décision du 5 février 2018 par laquelle le département du Haut-Rhin a rejeté son recours préalable dirigé contre la décision du 14 novembre 2017 par laquelle la caisse d'allocations familiales du Haut-Rhin a décidé la récupération d'un trop perçu de revenu de solidarité active " socle " d'un montant de 13 719,03 euros au titre de la période du 1er novembre 2014 au 30 septembre 2017 et d'un trop-perçu de revenu de solidarité active " activité " d'un monta

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Vu la procédure suivante :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler la décision du 5 février 2018 par laquelle le département du Haut-Rhin a rejeté son recours préalable dirigé contre la décision du 14 novembre 2017 par laquelle la caisse d'allocations familiales du Haut-Rhin a décidé la récupération d'un trop perçu de revenu de solidarité active " socle " d'un montant de 13 719,03 euros au titre de la période du 1er novembre 2014 au 30 septembre 2017 et d'un trop-perçu de revenu de solidarité active " activité " d'un montant de 329,04 euros au titre de la période du 1er février au 31 mars 2015, soit un montant total de 14 048,07 euros, d'autre part, d'annuler la décision du 12 février 2018 de la caisse d'allocations familiales du Haut-Rhin lui réclamant le remboursement d'un indu d'aide exceptionnelle de fin d'année au titre des années 2014, 2015 et 2016, pour un montant total de 457,35 euros. Par un jugement n° 1802249, 1802254 du 16 décembre 2019 le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ces demandes.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 août et 5 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses demandes de première instance ;

3°) de mettre à la charge solidaire du département du Haut-Rhin et de la caisse d'allocations familiales du Haut-Rhin la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le décret n° 2014-1709 du 30 décembre 2014 ;

- le décret n° 2015-1870 du 30 décembre 2015 ;

- le décret n° 2016-1945 du 28 décembre 2016 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Agnès Pic, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de La Burgade, avocat de M. A... et à la SCP Buk-Lament, Robillot, avocat de la Collectivité européenne d'Alsace ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond qu'à la suite d'un contrôle de la situation de M. A..., ayant révélé plusieurs omissions déclaratives, la caisse d'allocations familiales du Haut-Rhin, après avoir, le 10 octobre 2017, suspendu les droits de M. A... au revenu de solidarité active, a, d'une part, par un courrier du 14 novembre 2017, décidé la récupération d'un indu de revenu de solidarité active " socle " au titre de la période du 1er novembre 2014 au 30 septembre 2017, d'un indu de revenu de solidarité active " activité " au titre de la période du 1er février au 31 mars 2015 et d'un indu de prime d'activité au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2016, pour un montant total de 14 471,37 euros, et, d'autre part, par un courrier du 12 février 2018, décidé la récupération d'indus d'aide exceptionnelle de fin d'année au titre des années 2014, 2015 et 2016, pour un montant total de 457,35 euros. Après avoir exercé un recours préalable contre " la décision prise quant au RSA " auprès du département du Haut-Rhin, rejeté le 5 février 2018, M. A... a contesté devant le tribunal administratif de Strasbourg les indus de revenu de solidarité active " socle " et " activité " ainsi que d'aides exceptionnelles de fin d'année. M. A... se pourvoit en cassation contre le jugement du 16 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.

Sur la régularité du jugement attaqué au regard de l'article R. 741-7 du code de justice administrative :

2. Il ressort de l'examen de la minute du jugement attaqué que le moyen tiré de ce qu'elle ne serait pas revêtue des signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative manque en fait.

Sur le jugement, en tant qu'il porte sur la contestation de la décision du 5 février 2018 du président du conseil départemental du Haut-Rhin rejetant le recours de l'intéressé " contre la décision prise quant au RSA " :

3. En premier lieu, en vertu du 1° du I de l'article L. 262-25 du code de l'action sociale et des familles, une convention, conclue entre le département et chacun des organismes payeurs mentionnés à l'article L. 262-16, précise en particulier les conditions dans lesquelles le revenu de solidarité active est servi et contrôlé. Le premier alinéa de l'article L. 262-47 du même code prévoit que : " Toute réclamation dirigée contre une décision relative au revenu de solidarité active fait l'objet, préalablement à l'exercice d'un recours contentieux, d'un recours administratif auprès du président du conseil départemental. Ce recours est, dans les conditions et limites prévues par la convention mentionnée à l'article L. 262-25, soumis pour avis à la commission de recours amiable qui connaît des réclamations relevant de l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale". Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article R. 262-89 du même code : " Sauf lorsque la convention mentionnée à l'article L. 262-25 en dispose autrement, ce recours est adressé par le président du conseil départemental pour avis à la commission de recours amiable mentionnée à l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale ".

4. En l'espèce, il résulte de la convention de gestion du revenu de solidarité active conclue entre le département du Haut-Rhin et la caisse d'allocations familiales du Haut-Rhin le 8 septembre 2017, notamment de son article 4.2, qu'elle prévoit l'intervention de la commission de recours amiable, notamment, pour l'ensemble des recours administratifs concernant les indus des bénéficiaires du revenu de solidarité active, sauf lorsque ces derniers ne bénéficient plus de cette allocation ni d'aucune autre servie par la caisse d'allocations familiales. Par suite, le tribunal administratif n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis et n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant qu'il résultait de cette convention que la contestation de M. A... n'avait pas à être soumise à l'avis de la commission de recours amiable dès lors que, comme il a été dit au point 1, ses droits étaient alors suspendus, sans qu'il ressorte des pièces du dossier soumis au juge du fond ni même qu'il soit soutenu qu'il ait bénéficié d'autres prestations servies par la caisse d'allocations familiales.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles : " Toute personne résidant en France de manière stable et effective, dont le foyer dispose de ressources inférieures à un revenu garanti, a droit au revenu de solidarité active dans les conditions définies au présent chapitre. " Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 262-3 de ce code : " L'ensemble des ressources du foyer, y compris celles mentionnées à l'article L. 132-1, est pris en compte pour le calcul du revenu de solidarité active ". L'article L. 132-1 du même code dispose que : " Il est tenu compte, pour l'appréciation des ressources des postulants à l'aide sociale, des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu, qui est évaluée dans les conditions fixées par voie réglementaire. " Aux termes de l'article R. 262-6 de ce code : " Les ressources prises en compte pour la détermination du montant du revenu de solidarité active comprennent, sous les réserves et selon les modalités figurant au présent chapitre, l'ensemble des ressources, de quelque nature qu'elles soient, de toutes les personnes composant le foyer et notamment les avantages en nature ainsi que les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers et par des capitaux. / Les dispositions de l'article R. 132-1 sont applicables au revenu de solidarité active ". L'article R. 132-1 de ce code dispose que : " Pour l'appréciation des ressources des postulants prévue à l'article L. 132-1, les biens non productifs de revenu, à l'exclusion de ceux constituant l'habitation principale du demandeur, sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à 50 % de leur valeur locative s'il s'agit d'immeubles bâtis, à 80 % de cette valeur s'il s'agit de terrains non bâtis et à 3 % du montant des capitaux ".

6. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les indus de revenu de solidarité active dont le remboursement est réclamé à M. A... ont pour origine son absence de déclaration des pensions alimentaires versées par sa mère au cours de la période litigieuse, d'argent placé, de libéralités liées à son activité non salariée, de virements de la société civile immobilière JOLI dont il possède 30 % des parts et du fait qu'il est propriétaire à 50 % d'un bien immobilier. D'une part, en estimant que les affirmations de M. A... selon lesquelles les dépôts de chèques et espèces autres que ceux liés aux pensions alimentaires concerneraient " l'entreprise LR " et, à ce titre, n'avaient pas à être déclarées, n'étaient pas étayées, le tribunal n'a pas omis de prendre en compte les éléments versés à l'instruction par M. A... et n'a pas méconnu son office. D'autre part, le tribunal ayant estimé que le département avait retenu le montant des ressources tirées par M. A... de l'argent placé au cours de la période en litige, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que le tribunal aurait dû rechercher si la caisse d'allocations familiales n'avait pas appliqué aux sommes placées le taux de 3 % prévu à l'article R. 132-1 du code de l'action sociale et des familles pour les biens non productifs de revenus. Enfin, la circonstance que les montants des sommes non déclarées par M. A... mentionnés par le tribunal administratif au titre des pensions alimentaires versées par la mère du requérant et du bien immobilier non productif de revenus dont il est propriétaire correspondent, pour l'un, à une moyenne mensuelle sur la période et, pour l'autre, à l'estimation forfaitaire résultant de l'application de l'article R. 132-1 du code de l'action sociale et des familles ne caractérise pas une dénaturation des pièces du dossier.

Sur le jugement, en tant qu'il porte sur la contestation de la décision du 12 février 2018 relative aux indus d'aide exceptionnelle de fin d'année :

7. Lorsque le juge administratif est saisi d'un recours dirigé contre une décision qui, remettant en cause des paiements déjà effectués, ordonne la récupération d'un indu d'aide exceptionnelle de fin d'année, il entre dans son office d'apprécier, au regard de l'argumentation du requérant, le cas échéant, de celle développée par le défendeur et, enfin, des moyens d'ordre public, en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction, la régularité comme le bien-fondé de la décision de récupération d'indu. Il lui appartient, s'il y a lieu, d'annuler ou de réformer la décision ainsi attaquée, pour le motif qui lui paraît, compte tenu des éléments qui lui sont soumis, le mieux à même, dans l'exercice de son office, de régler le litige. L'organisme débiteur du revenu de solidarité active, qui doit apprécier si le bénéficiaire satisfaisait aux conditions d'ouverture du droit à cette aide prévues par la réglementation applicable et vérifier si les délais de prescription de l'action tendant à la répétition de l'aide indûment perçue ne font pas obstacle à la récupération, ne peut être regardé comme placé en situation de compétence liée, du seul fait qu'il estime à bon droit que le bénéficiaire ne pouvait prétendre au revenu de solidarité active, lorsqu'il décide de récupérer un indu d'aide exceptionnelle de fin d'année.

8. Aux termes de l'article 3 du décret du 30 décembre 2014 portant attribution d'une aide exceptionnelle de fin d'année à certains allocataires du revenu de solidarité active et aux bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique, de l'allocation équivalent retraite et de l'allocation transitoire de solidarité : " Une aide exceptionnelle est attribuée aux allocataires du revenu de solidarité active qui ont droit à cette allocation au titre du mois de novembre 2014 ou, à défaut, du mois de décembre 2014, sous réserve que le montant dû au titre de ces périodes ne soit pas nul et à condition que les ressources du foyer (...) n'excèdent pas le montant forfaitaire mentionné au 2° de l'article L. 262-2 du même code. / Une seule aide est due par foyer ". Aux termes de l'article 6 du même décret : " Tout paiement indu d'une aide exceptionnelle attribuée en application du présent décret est récupéré pour le compte de l'Etat par l'organisme chargé du service de celle-ci (...) ". Le décret du 30 décembre 2015 portant attribution d'une aide exceptionnelle de fin d'année à certains allocataires du revenu de solidarité active et aux bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique, de la prime forfaitaire pour reprise d'activité et de l'allocation équivalent retraite prévoit des dispositions similaires pour 2015. Il en va de même s'agissant du décret du 28 décembre 2016 portant attribution d'une aide exceptionnelle de fin d'année aux bénéficiaires du revenu de solidarité active et aux bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique, de la prime forfaitaire pour reprise d'activité et de l'allocation équivalent retraite.

9. Le tribunal administratif de Strasbourg a jugé que M. A... n'avait pas droit au revenu de solidarité active en 2014, 2015 et 2016. S'il résultait, dès lors, des dispositions des décrets des 30 décembre 2014, 30 décembre 2015 et 28 décembre 2016 qu'il ne pouvait prétendre à l'aide exceptionnelle de fin d'année au titre des années 2014, 2015 et 2016, le tribunal ne pouvait toutefois rejeter ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de la caisse d'allocations familiales du Haut-Rhin de récupérer les sommes versées à ce titre sans examiner les moyens tirés de son absence de signature et de son insuffisante motivation qu'il soulevait dans sa demande présentée devant le tribunal. En omettant de le faire, alors qu'il était saisi de conclusions dirigées contre une décision qui, remettant en cause des paiements déjà effectués, ordonnait la récupération d'un indu, ce dont il résulte que ces moyens n'étaient pas inopérants, le tribunal a insuffisamment motivé son jugement.

Sur le jugement, en tant qu'il s'abstient de se prononcer sur la remise gracieuse des indus en litige :

10. M. A... ne peut, contrairement à ce qu'il soutient, être regardé comme ayant présenté devant le tribunal administratif des conclusions aux fins de remise gracieuse des indus en litige. Le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait méconnu son office en s'abstenant de rechercher si sa situation de précarité et sa bonne foi ne justifiaient pas de lui accorder la remise gracieuse de ses dettes ne peut dès lors qu'être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il statue sur la décision de récupération d'indus d'aides exceptionnelles de fin d'année au titre de 2014, 2015 et 2016, contestée en première instance sous le n° 1802254.

Sur les frais liés au litige :

12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 16 décembre 2019 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé en tant qu'il statue sur la demande présentée par M. A... sous le n° 1802254.

Article 2 : L'affaire est, dans cette mesure, renvoyée au tribunal administratif de Strasbourg.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. A... est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par la Collectivité européenne d'Alsace au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. D... A... et à la Collectivité européenne d'Alsace.

Copie en sera adressée au ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré à l'issue de la séance du 24 mars 2022 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Damien Botteghi, conseiller d'Etat et Mme Agnès Pic, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 14 avril 2022.

La présidente :

Signé : Mme Gaëlle Dumortier

La rapporteure :

Signé : Mme Agnès Pic

La secrétaire :

Signé : Mme B... C...


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 442646
Date de la décision : 14/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 14 avr. 2022, n° 442646
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Agnès Pic
Rapporteur public ?: Mme Marie Sirinelli
Avocat(s) : SCP MARLANGE, DE LA BURGADE ; SCP BUK LAMENT - ROBILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:442646.20220414
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