La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/03/2022 | FRANCE | N°440354

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 15 mars 2022, 440354


Vu la procédure suivante :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'Etat à lui verser la somme de 28 100 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité entachant la gestion de la fin de sa carrière à partir de l'année 2010. Par un jugement n° 1600395 du 10 juillet 2018, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18NT03459 du 18 février 2020, la cour administrative d'appel de Nantes, sur appel de Mme B..., a annulé le jugement du tribunal administratif de Nantes, condamné

l'Etat à verser à Mme B... la somme de 1 000 euros, portant intérêts et cap...

Vu la procédure suivante :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'Etat à lui verser la somme de 28 100 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité entachant la gestion de la fin de sa carrière à partir de l'année 2010. Par un jugement n° 1600395 du 10 juillet 2018, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18NT03459 du 18 février 2020, la cour administrative d'appel de Nantes, sur appel de Mme B..., a annulé le jugement du tribunal administratif de Nantes, condamné l'Etat à verser à Mme B... la somme de 1 000 euros, portant intérêts et capitalisation, et rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme B....

Par un pourvoi, enregistré le 30 avril 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il a partiellement fait droit aux conclusions de Mme B... ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de Mme B....

Le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse soutient qu'il est entaché d'erreur de droit, d'une contradiction de motifs et de dénaturation des pièces du dossier, en ce qu'il admet l'existence d'un lien direct et certain entre le préjudice moral invoqué par Mme B... et l'irrégularité entachant la consultation de la commission administrative paritaire départementale sur la décision lui retirant son emploi de directrice d'école, après avoir jugé que cette décision avait été prise dans l'intérêt du service et ne constituait pas une sanction déguisée.

Le pourvoi a été communiqué à Mme B..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 89-122 du 24 février 1989 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Edouard Solier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'inspecteur académique de Loire-Atlantique a retiré à Mme B... son emploi de directrice d'école dans l'intérêt du service à compter du 1er septembre 2011 et que Mme B... a été affectée sur divers postes de titulaire remplaçant jusqu'à son départ en retraite. Estimant avoir subi des préjudices en raison de l'illégalité entachant la décision lui retirant son emploi et les actes de gestion de sa fin de sa carrière, Mme B... a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'Etat à lui verser la somme de 18 100 euros au titre de son préjudice financier et la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice moral. Par un jugement du 10 juillet 2018, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Sur appel de Mme B..., la cour administrative d'appel de Nantes a partiellement annulé ce jugement et condamné l'Etat à lui verser une indemnité de 1 000 euros, augmentée des intérêts et de la capitalisation des intérêts, en réparation de son préjudice moral. Le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande de Mme B....

2. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait d'une mesure illégalement prise à son encontre, pour autant que ce préjudice présente un lien direct avec la décision illégale. Lorsqu'un agent public sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait d'une décision de retrait d'emploi entachée d'une irrégularité procédurale, il appartient au juge administratif de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si la même décision aurait pu légalement intervenir et aurait été prise, dans les circonstances de l'espèce, par l'autorité compétente. Dans le cas où il juge qu'une même décision aurait été prise par l'autorité compétente, le préjudice allégué ne peut alors être regardé comme la conséquence directe du vice de procédure entachant la décision administrative illégale.

3. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué de la cour administrative d'appel de Nantes que si la décision ayant retiré son emploi de directrice d'école à Mme B... est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière, cette décision, de même que les décisions ultérieures de réaffectation de Mme B..., étaient justifiées par l'intérêt du service et qu'en particulier, l'irrégularité de la consultation de la commission administrative paritaire n'avait pas été de nature à exercer une influence sur le sens de la décision de retrait d'emploi. Il en résulte qu'aucun des préjudices allégués par Mme B... ne pouvait être regardé comme présentant un lien direct avec ce vice de procédure et qu'en condamnant l'Etat à verser à Mme B... une indemnité au titre de son préjudice moral, la cour administrative d'appel de Nantes a entaché son arrêt d'erreur de droit et inexactement qualifié les faits.

4. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse est fondé à demander l'annulation de l'arrêt du 18 février 2020 de la cour administrative d'appel de Nantes en tant qu'il condamne l'Etat à verser à Mme B... la somme de 1 000 euros au titre de son préjudice moral et en tant qu'il met à la charge de l'Etat le versement au profit de Mme B... d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. Il résulte de ce qui est dit au point 3 que Mme B... n'est pas fondée à réclamer une indemnisation de son préjudice moral au titre de l'irrégularité de la procédure suivie devant la commission administrative paritaire préalablement au retrait de son emploi de directrice d'école. Par suite, ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat ne peuvent qu'être rejetées, de même que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 2 et 3 de l'arrêt du 18 février 2020 de la cour administrative d'appel de Nantes sont annulés.

Article 2 : Les conclusions d'appel de Mme B... tendant à la condamnation de l'Etat à réparer son préjudice moral et ses conclusions présentées devant la cour administrative d'appel de Nantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et à Mme C... B....

Délibéré à l'issue de la séance du 13 janvier 2022 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat et M. Edouard Solier, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 15 mars 2022.

La présidente :

Signé : Mme Maud Vialettes

Le rapporteur :

Signé : M. Edouard Solier

Le secrétaire :

Signé : M. D... A...


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 15 mar. 2022, n° 440354
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Edouard Solier
Rapporteur public ?: M. Frédéric Dieu

Origine de la décision
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 15/03/2022
Date de l'import : 22/03/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 440354
Numéro NOR : CETATEXT000045378432 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2022-03-15;440354 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award