La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/02/2022 | FRANCE | N°450657

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 02 février 2022, 450657


Vu la procédure suivante :

M. L... E... ainsi que, par une protestation distincte, M. S... P..., M. N... G... et M. Q... K... ont demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées les 15 mars et 28 juin 2020 pour l'élection des conseillers municipaux et communautaires de la commune du Kremlin-Bicêtre. Par un jugement n°s 2005096, 2005100 du 12 février 2021, le tribunal administratif a annulé ces opérations électorales.

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés l

es 12 mars, 12 avril et 29 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil ...

Vu la procédure suivante :

M. L... E... ainsi que, par une protestation distincte, M. S... P..., M. N... G... et M. Q... K... ont demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées les 15 mars et 28 juin 2020 pour l'élection des conseillers municipaux et communautaires de la commune du Kremlin-Bicêtre. Par un jugement n°s 2005096, 2005100 du 12 février 2021, le tribunal administratif a annulé ces opérations électorales.

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 mars, 12 avril et 29 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. I... C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les protestations n° 2005096 et n° 2005100 présentées respectivement par MM. E... et P... ;

3°) de mettre à la charge de M. E..., de M. P..., de M. G... et de M. K... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;

- la loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le décret n° 2020-571 du 14 mai 2020 ;

- la décision n° 2020-849 QPC du 17 juin 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Edouard Solier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de M. C... ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 13 janvier 2022, présentée par M. P... ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 14 janvier 2022, présentée par M. E... ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 17 janvier 2022, présentée par M. R... ;

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées les 15 mars et 28 juin 2020 pour l'élection des conseillers municipaux et communautaires dans la commune du Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne), les trente-cinq sièges de conseillers municipaux et le siège de conseiller communautaire ont été pourvus. Vingt-quatre sièges de conseillers municipaux et le siège de conseiller communautaire ont été attribués à des candidats de la liste " Le Kremlin-Bicêtre en commun, liste d'union citoyenne et de rassemblement soutenue par MRC, GRS, PS, GE, PP, LRDG, TC, G.s, PCF, AK " (DVG) ", conduite par M. C... qui a recueilli 1 819 voix, soit 34,24 % des suffrages exprimés, six sièges de conseillers municipaux ont été attribués à des candidats de la liste " Le Kremlin-Bicêtre en action ", conduite par M. E..., maire sortant, qui a obtenu 1 767 voix, soit 33,27 % des suffrages exprimés, et cinq sièges de conseillers municipaux ont été attribués à des candidats de la liste " Ensemble changeons le KB ", conduite par M. P..., qui a obtenu 1 725 voix, soit 32,47 % des suffrages exprimés. M. C... relève appel du jugement du 12 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Melun, faisant droit aux protestations, d'une part, de M. E..., et d'autre part, de M. P..., de M. G... et de M. K..., a annulé ces opérations électorales.

2. L'intervention présentée par M. R... dans la présente instance est irrecevable, dès lors qu'elle ne comporte aucune conclusion.

3. Les conclusions présentées à titre incident par M. P... sont irrecevables dès lors que le recours incident n'est pas ouvert en matière électorale et que les conclusions en cause ont été présentées après l'expiration du délai d'appel.

4. Aux termes de l'article L. 48-2 du code électoral : " Il est interdit à tout candidat de porter à la connaissance du public un élément nouveau de polémique électorale à un moment tel que ses adversaires n'aient pas la possibilité d'y répondre utilement avant la fin de la campagne électorale ".

5. Il résulte de l'instruction que, les jeudi 25 et vendredi 26 juin 2020, a été distribué dans des boîtes aux lettres de plusieurs rues de la commune du Kremlin-Bicêtre un tract intitulé " le maire du KB en garde à vue 48h ". Il résulte de l'instruction que ce tract, dont le contenu, pour regrettable qu'il soit, ne présente pas le caractère d'un élément nouveau de polémique électorale, n'a pas fait l'objet d'une diffusion massive auprès des électeurs de cette commune, et que M. E..., qui atteste en avoir eu connaissance dès le 25 juin au soir, a disposé de la période subsistant jusqu'à l'expiration du délai fixé par l'article L. 48-2 du code électoral pour y répondre utilement. Par suite, la distribution de ce tract ne peut être regardée comme ayant été, en l'espèce, de nature à altérer la sincérité du scrutin.

6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de la requête, M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Melun s'est fondé sur ce motif pour annuler les opérations électorales qui se sont déroulées les 15 mars et 28 juin 2021 dans la commune du Kremlin-Bicêtre.

7. Il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres griefs soulevés par M. E... ainsi que par M. P... et autres dans leurs protestations respectives devant le tribunal administratif de Melun.

Sur les autres griefs présentés à l'appui de la protestation n° 2005096 présentée par M. E... :

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 52-1 du code électoral : " Pendant les six mois précédant le premier jour du mois d'une élection et jusqu'à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, l'utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle est interdite. / A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin. Sans préjudice des dispositions du présent chapitre, cette interdiction ne s'applique pas à la présentation, par un candidat ou pour son compte, dans le cadre de l'organisation de sa campagne, du bilan de la gestion des mandats qu'il détient ou qu'il a détenus. Les dépenses afférentes sont soumises aux dispositions relatives au financement et au plafonnement des dépenses électorales contenues au chapitre V bis du présent titre ".

9. Il résulte de l'instruction que les tribunes rédigées par M. C... dans la partie réservée à l'opposition des éditions du journal municipal du mois de septembre 2019, et des mois de mars et juin 2020, ne peuvent être regardées ni comme un procédé de publicité commerciale, ni comme une campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité. Par suite, le grief tiré de ce qu'elles auraient méconnu les prescriptions de l'article L. 52-1 du code électoral ne peut qu'être écarté.

10. En deuxième lieu, si M. E... soutient que les colistiers de M. C... auraient poursuivi la campagne jusqu'au jour du scrutin, ce grief n'est pas assorti de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Il ne peut, par suite, qu'être écarté.

11. En troisième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que les masques de protection mis à la disposition du public par M. C... et ses colistiers dans le cadre de la lutte contre l'épidémie de covid-19 auraient été distribués dans des conditions de nature à faire regarder cette distribution comme une opération de propagande électorale.

12. En quatrième lieu, si des attestations versées au dossier mentionnent que des sympathisants de M. C... sont restés aux abords des bureaux de vote et auraient pu ainsi inciter les électeurs à voter pour leurs candidats respectifs, il ne résulte pas de l'instruction, en l'absence d'autres éléments, que des pressions auraient été exercées sur les électeurs, ni que la présence de ces personnes ait été, en l'espèce, de nature à altérer la sincérité du scrutin. Par suite, le grief doit être écarté.

Sur les autres griefs de la protestation n° 2005100 présentée par M. P... et autres :

En ce qui concerne les opérations de vote :

13. Il résulte de l'instruction que si le procès-verbal du bureau de vote centralisateur porte en annexe la mention : " Dans le bureau 3, le président du bureau de vote a refusé de faire participer les assesseurs aux opérations de comptage des bulletins de vote. Dans la journée, le même président du bureau de vote a voulu interdire l'accès de ce bureau au délégué de liste ensemble changeons le KB ", cette formulation implique que l'accès au bureau de vote a ensuite été autorisé. Il résulte également de l'instruction, et notamment du procès-verbal du bureau vote n° 3, qu'aucune mention contraire n'y a été portée et que ce bureau de vote était complet. Par suite, le grief tiré de l'irrégularité des opérations de vote dans ce bureau doit être écarté.

14. Par ailleurs, s'agissant du bureau de vote n° 8, aucun élément n'est produit qui permette de conclure qu'un pointage des électeurs aurait été effectué, ni même que, à le supposer établi, ce pointage aurait eu comme objectif de contacter les électeurs n'ayant pas voté pour les inciter à le faire. Par suite, le grief relatif à ce bureau de vote doit être écarté.

15. Enfin, si M. P... soutient que des sympathisants de M. E... et de M. C... ont interpellé tout au long de la journée les électeurs accédant aux bureaux de vote nos 14 et 15, et que les attestations qu'il produit permettent d'établir que des colistiers et sympathisants de ces candidats se seraient tenus devant les bureaux de vote et auraient recommandé aux électeurs de voter pour eux, il ne résulte pas de l'instruction que des pressions auraient été exercées sur les électeurs, allant au-delà d'une invitation à voter pour l'un des candidats. Par suite, le grief doit être écarté.

En ce qui concerne les procurations :

16. En premier lieu, il résulte de l'instruction que si M. P... soutient que plusieurs procurations effectuées par des électeurs auprès de ses sympathisants n'ont pas été prises en compte par la mairie du Kremlin-Bicêtre ou ont nécessité l'intervention de son équipe pour qu'elles soient prises en compte, et que plusieurs procurations établies par des commissariats de police ont été refusées par l'administration locale du Kremlin-Bicêtre, il ne produit à ce titre que deux attestations, l'une concernant un électeur dont le mandataire a été autorisé à voter sur la base du récépissé remis lors de l'établissement de la procuration, l'autre concernant un électeur dont seul est produit le récépissé, sans qu'il puisse être établi que cette procuration serait arrivée en temps utile à la mairie, ni même que le mandataire n'ait pu effectivement voter. Par suite, le grief ne peut être regardé comme établi et doit être écarté.

17. En second lieu, s'agissant des deux électeurs dont M. P... soutient qu'ils n'auraient pas été en mesure de faire établir une procuration par les services consulaires de France au Canada, compte tenu des restrictions résultant de l'épidémie de covid-19, l'attestation produite ne permet pas d'établir la nature des difficultés auxquelles ces électeurs auraient été confrontés. Par ailleurs, l'impossibilité dans laquelle ils se sont trouvés d'établir une procuration, à la supposer établie, ne peut être regardée comme étant de nature à altérer la sincérité du scrutin. Par suite, le grief doit être écarté.

En ce qui concerne la violation des articles L. 52-8 et L. 52-12 du code électoral :

18. Aux termes de l'article L. 52-8 du code électoral : " (...) Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués (...) ". Aux termes de l'article L. 52-12 du même code : " (...) Sont réputées faites pour son compte les dépenses exposées directement au profit du candidat et avec l'accord de celui-ci, par les personnes physiques qui lui apportent leur soutien, ainsi que par les partis et groupements politiques qui ont été créés en vue de lui apporter leur soutien ou qui lui apportent leur soutien. Le candidat estime et inclut, en recettes et en dépenses, les avantages directs ou indirects, les prestations de services et dons en nature dont il a bénéficié. Le compte de campagne doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit (...) ".

19. Si M. P... soutient que le directeur de cabinet du maire sortant, M. D... F..., aurait effectué une propagande systématique en faveur de ce dernier pendant la campagne, la série de captures d'écran qu'il produit dans lesquelles M. F... semble échanger avec d'autres personnes sur " Facebook " ne permet pas d'établir que celui-ci aurait participé à la campagne de M. E... pendant son temps de travail. Par suite, le grief tiré de ce que les dispositions des articles L. 52-8 et L. 52-12 auraient été de ce fait méconnues et que le coût de la prestation correspondante devrait figurer au compte de campagne de M. E... ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la distribution de faux tracts et de fausses informations :

20. En premier lieu, M. P... soutient que des tracts non signés, détournés, comprenant une photographie des candidats, ont fait l'objet d'une diffusion massive dans des conditions ne permettant aucune réponse utile des candidats visés. Toutefois, s'agissant des tracts visant M. C... et M. P..., il ne résulte pas de l'instruction que ces-derniers auraient été dans l'impossibilité d'y apporter une réponse utile, aucun élément du dossier ne permettant, en outre, d'établir avec certitude la date, la durée et l'ampleur de leur distribution.

21. En second lieu, si M. P... soutient que plusieurs fausses informations auraient circulé sur les réseaux sociaux ayant pour seul objectif, selon lui, d'attaquer les personnes de sa liste et leurs candidatures, les éléments qu'ils produit ne permettent pas d'établir que les candidats ciblés auraient été dans l'impossibilité d'apporter une réponse utile aux allégations contenues dans ces publications, dont le contenu n'apparaît pas, au demeurant, avoir excédé les limites de la polémique électorale.

22. Il résulte de ce qui précède que les faits allégués ne peuvent être regardés comme caractérisant des manœuvres de nature à altérer la sincérité du scrutin.

En ce qui concerne la violation de l'article L. 49 du code électoral :

23. Aux termes de l'article L. 49 du code électoral : " A partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de : / 1° Distribuer ou faire distribuer des bulletins, circulaires et autres documents ; / 2° Diffuser ou faire diffuser par tout moyen de communication au public par voie électronique tout message ayant le caractère de propagande électorale ; / 3° Procéder, par un système automatisé ou non, à l'appel téléphonique en série des électeurs afin de les inciter à voter pour un candidat ; / 4° Tenir une réunion électorale ". Il résulte de l'instruction que la date de la distribution d'un tract contenant, au recto, une critique à l'égard de M. P... et de M. C... et, au verso, une appréciation positive de M. E..., ne peut être établie avec certitude. Par suite le grief tiré de ce que, en méconnaissance de l'article L. 49 du code électoral, ce tract aurait été distribué le samedi précédant le second tour de scrutin ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la violation de l'article L. 107 du code électoral :

24. Aux termes de l'article L. 107 du code électoral : " Ceux qui, soit par voies de fait, violences ou menaces contre un électeur, soit en lui faisant craindre de perdre son emploi ou d'exposer à un dommage sa personne, sa famille ou sa fortune, l'auront déterminé ou auront tenté de le déterminer à s'abstenir de voter, ou auront influencé ou tenté d'influencer son vote, seront punis d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 15 000 euros ". Il résulte de l'instruction et de la main courante déposée par M. H... qu'un échange vif serait intervenu entre celui-ci et au moins un membre de l'équipe de M. E.... Toutefois, la main courante se bornant à mentionner le nom de certaines colistières de M. P... qui auraient fait l'objet de pressions, sans que soient produits d'autres éléments, ces allégations, à les supposer établies, ne peuvent être regardées, compte tenu du caractère isolé de ces faits, comme ayant altéré la sincérité du scrutin. Par suite, le grief doit être écarté.

En ce qui concerne l'affichage irrégulier :

25. Aux termes de l'article L. 51 du code électoral : " Pendant la durée de la période électorale, dans chaque commune, des emplacements spéciaux sont réservés par l'autorité municipale pour l'apposition des affiches électorales. / Dans chacun de ces emplacements, une surface égale est attribuée à chaque candidat, chaque binôme de candidats ou à chaque liste de candidats. / Pendant les six mois précédant le premier jour du mois d'une élection et jusqu'à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, tout affichage relatif à l'élection, même par affiches timbrées, est interdit en dehors de cet emplacement ou sur l'emplacement réservé aux autres candidats, ainsi qu'en dehors des panneaux d'affichage d'expression libre lorsqu'il en existe. / En cas d'affichage électoral apposé en dehors des emplacements prévus au présent article, le maire ou, à défaut, le préfet peut, après une mise en demeure du ou des candidats en cause, procéder à la dépose d'office des affiches ".

26. Il résulte de l'instruction que plusieurs commerçants de la commune ont apposé des affiches favorables aux autres candidats, que des affiches de M. E... ont été apposées dans le marché forain de la ville sur certains véhicules qui y étaient stationnés. Toutefois, l'apposition de ces affiches, pour regrettable qu'elle soit, n'a pas en l'espèce été de nature à altérer la sincérité du scrutin, cet abus de propagande ayant eu un caractère limité dans le temps et dans l'espace. Par ailleurs, si des affichettes ont été apposées dans les parties communes de certains immeubles de la commune, celles-ci se bornaient à inviter les électeurs à des réunions publiques avec M. C.... Par suite, le grief tiré de ce que les prescriptions de l'article L. 51 du code électoral auraient été méconnues doit être écarté.

En ce qui concerne le compte de campagne des candidats :

27. Si M. P... soutient que M. C... a bénéficié durant toute la campagne, de la mise à disposition d'un local commercial et des moyens d'une société, la société " La Bonne Conduite ", présidée par un de ses colistiers, le grief n'est pas assorti de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par ailleurs, s'il soutient que le rejet potentiel des comptes de campagne des autres têtes de liste justifiera l'annulation des opérations électorales et, le cas échéant, que soit prononcée l'inéligibilité des têtes de liste concernées, il n'est toutefois pas soutenu que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques aurait rejeté l'un des comptes de campagne des candidats. Par suite, le grief doit être écarté.

En ce qui concerne la violation de l'article L. 106 du code électoral :

28. Aux termes de l'article L. 106 du code électoral : " Quiconque, par des dons ou libéralités en argent ou en nature, par des promesses de libéralités, de faveurs, d'emplois publics ou privés ou d'autres avantages particuliers, faits en vue d'influencer le vote d'un ou de plusieurs électeurs aura obtenu ou tenté d'obtenir leur suffrage, soit directement, soit par l'entremise d'un tiers, quiconque, par les mêmes moyens, aura déterminé ou tenté de déterminer un ou plusieurs d'entre eux à s'abstenir, sera puni de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 15 000 euros. / Seront punis des mêmes peines ceux qui auront agréé ou sollicité les mêmes dons, libéralités ou promesses ". Le grief soulevé par M. P... au titre de ces dispositions n'étant pas assorti de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, il ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la participation électorale :

29. L'émergence d'un nouveau coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou covid-19 et particulièrement contagieux, a été qualifiée d'urgence de santé publique de portée internationale par l'Organisation mondiale de la santé le 30 janvier 2020, puis de pandémie le 11 mars 2020. La propagation du virus sur le territoire français a conduit le ministre des solidarités et de la santé à prendre, à compter du 4 mars 2020, des mesures de plus en plus strictes destinées à réduire les risques de contagion. Dans ce contexte, le Premier ministre a adressé à l'ensemble des maires le 7 mars 2020 une lettre présentant les mesures destinées à assurer le bon déroulement des élections municipales et communautaires prévues les 15 et 22 mars 2020. Ces mesures ont été précisées par une circulaire du ministre de l'intérieur du 9 mars 2020 relative à l'organisation des élections municipales des 15 et 22 mars 2020 en situation d'épidémie de coronavirus covid-19, formulant des recommandations relatives à l'aménagement des bureaux de vote et au respect des consignes sanitaires, et par une instruction de ce ministre, du même jour, destinée à faciliter l'exercice du droit de vote par procuration. Après consultation par le Gouvernement du conseil scientifique mis en place pour lui donner les informations scientifiques utiles à l'adoption des mesures nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19, les 12 et 14 mars 2020, le premier tour des élections municipales a eu lieu comme prévu le 15 mars 2020. A l'issue du scrutin, les conseils municipaux ont été intégralement renouvelés dans 30 143 communes ou secteurs. Le taux d'abstention a atteint 55,34 % des inscrits, contre 36,45 % au premier tour des élections municipales de 2014.

30. Au vu de la situation sanitaire, l'article 19 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 a reporté le second tour des élections, initialement fixé au 22 mars 2020, au plus tard en juin 2020 et prévu que : " Dans tous les cas, l'élection régulière des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers d'arrondissement, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon élus dès le premier tour organisé le 15 mars 2020 reste acquise, conformément à l'article 3 de la Constitution ". Ainsi que le Conseil constitutionnel l'a jugé dans sa décision n° 2020-849 QPC du 17 juin 2020, ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de valider rétroactivement les opérations électorales du premier tour ayant donné lieu à l'attribution de sièges et ne font ainsi pas obstacle à ce que ces opérations soient contestées devant le juge de l'élection.

31. Aux termes de l'article L. 262 du code électoral, applicable aux communes de mille habitants et plus : " Au premier tour de scrutin, il est attribué à la liste qui a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés un nombre de sièges égal à la moitié du nombre des sièges à pourvoir, arrondi, le cas échéant, à l'entier supérieur lorsqu'il y a plus de quatre sièges à pourvoir et à l'entier inférieur lorsqu'il y a moins de quatre sièges à pourvoir. Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sous réserve de l'application des dispositions du troisième alinéa ci-après. / Si aucune liste n'a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour, il est procédé à un deuxième tour (...) ". Aux termes de l'article L. 273-8 du code électoral : " Les sièges de conseiller communautaire sont répartis entre les listes par application aux suffrages exprimés lors de cette élection des règles prévues à l'article L. 262. (...) ".

32. Ni par ces dispositions ni par celles de la loi du 23 mars 2020 le législateur n'a subordonné à un taux de participation minimal la répartition des sièges au conseil municipal et au conseil communautaire à l'issue du premier tour de scrutin dans les communes de mille habitants et plus, lorsqu'une liste a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés. Le niveau de l'abstention n'est ainsi, par lui-même, pas de nature à remettre en cause les résultats du scrutin, s'il n'a pas altéré, dans les circonstances de l'espèce, sa sincérité.

33. En l'espèce, M. P... fait seulement valoir à l'appui de sa protestation, que le taux d'abstention, qui s'est élevé à 61,80 % lors du premier tour et à 62,03 % lors du second tour, a été supérieur à celui constaté au niveau national, sans invoquer aucune autre circonstance relative au déroulement de la campagne électorale ou du scrutin dans la commune qui montrerait, en particulier, qu'il aurait été porté atteinte au libre exercice du droit de vote ou à l'égalité entre les candidats. Dans ces conditions, le niveau de l'abstention constatée ne peut être regardé comme ayant altéré la sincérité du scrutin, et le grief doit être écarté.

34. Il résulte de ce tout ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé les opérations électorales qui se sont déroulées les 15 mars et 28 juin 2020 dans la commune du Kremlin-Bicêtre.

35. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. C... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'intervention de M. R... n'est pas admise.

Article 2 : Le jugement n°s 2005096, 2005100 du 12 février 2021 du tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 3 : La protestation de M. E... et la protestation de M. P... et autres sont rejetées.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. C... est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de l'appel incident de M. P... sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. I... C..., à M. L... E..., à M. B... P... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à M. J... R... et à la Commission nationale des comptes des comptes de campagne et des financements politiques.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 janvier 2022 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat et M. Edouard Solier, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 2 février 2022.

La présidente :

Signé : Mme Maud Vialettes

Le rapporteur :

Signé : M. Edouard Solier

Le secrétaire :

Signé : M. O... A...


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 02 fév. 2022, n° 450657
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Edouard Solier
Rapporteur public ?: M. Frédéric Dieu
Avocat(s) : SCP DELAMARRE, JEHANNIN

Origine de la décision
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 02/02/2022
Date de l'import : 08/02/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 450657
Numéro NOR : CETATEXT000045123819 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2022-02-02;450657 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award